mercredi, 17 juin 2020
Conte du lundi
Lundi j’étais en retard.
J’avais rendez-vous.
Le médecin m’a dit :
- Qu’avez-vous ?
Je lui contai mes malheurs habituels, ceux de l’homme dont le rhume ne guérit pas assez vite et l’amène au bord du Styx à chaque reniflement.
Puis je lui ai parlé de la cause de ma venue, des rougeurs et d’une douleur le long de la jambe.
- D’après les trois médecins de la famille, le diagnostic serait, pour la lumière de mes jours, une allergie.
- Ah… Et l’autre médecin, qui -est-ce ?
- Mon fils, pour lui c’est une cruralgie qui est la source de la douleur à la jambe.
- Et l’autre médecin ?
- C’est moi, juste je crois que je suis bon pour les fleurs…
- Montrez-moi donc ces rougeurs…
Je l’ai fait.
Il a souri.
- Avez-vous eu la varicelle ?
- Oui, enfant.
- Le virus reste présent dans l’organisme toute la vie, comme celui de l’herpès.
- Et ?
- Parfois il ressort, la fatigue, le stress, l’âge… Et ça donne un zona.
- Ah…
- Il est bon parfois de consulter un quatrième médecin pour corriger les erreurs de diagnostic des trois autres…
- Mais c’est la première fois que j’ai un truc comme ça !
- C’est aussi la première fois que vous avez cet âge-là.
Là je le trouve gonflé ! Je me demande si je ne vais pas changer de médecin…
Puis je me dis qu’il est bon, qu’il a un bon diagnostic, qu’on a des fous-rires ensemble et que je vais chez lui depuis vingt ans.
Au moins il ne m’a pas dit « c’est la première fois que vous êtes vieux. »
C’est déjà ça…
Alors je suis reparti avec une ordonnance pour un médicament dont nous ne sommes sûrs ni lui ni moi qu’il fonctionnera.
Sur le chemin qui mène à la République je me suis arrêté chez un traiteur qui fait de très bons plats, j’y ai pris de quoi dîner deux soirs de suite et j’ai continué à pérégriner jusqu’à remonter le boulevard Saint Martin pour prendre le 20.
Il faisait beau, c’était bien.
Reste que je ne sais pas ce qui m’entraîne au bord du Styx à coup de souffrance insupportable du zona ou du rhume.
À mon retour, la lumière de mes jours a dit :
- Alors ? Allergie ?
- Non, zona…
- Mon pauv’ Minou ! Fais voir.
Je suis toujours intéressé quand une rouquine, même aux cheveux blancs, me demande de retirer mon pantalon, alors je me suis exécuté.
Là, le frottement du jean m’a fait mal, alors je me suis fait un cinéma genre Athalie :
« Son ombre vers mon lit a paru se baisser.
Et moi, je lui tendais les mains pour l'embrasser.
Mais elle n'a plus trouvé qu'un horrible mélange
D'os et de chair meurtris, et traînés dans la fange,
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux. »
Mais non, elle a juste dit :
- Bon, tu ne vas pas mourir…
J’ai eu un bisou et elle a demandé :
- Qu’est-ce que tu as ramené pour ce soir ?
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