dimanche, 23 avril 2023
La mère, la mère toujours recommencée.
Ben quoi ? Il n’y a pas que Paul Valéry comme poète !
Bref, il y a un moment, à une note où je parlais de ma mère, une lectrice me posa la question « Vous étiez le petit frère chéri ? Ah ah ! Vous n’avez donc été élevé qu’avec des femmes en dehors de votre passage en milieu «carcéral» ? Avez-vous connu des bizutages sévères en pension, et étiez-vous à l’aise avec d’autres garçons ? »
Cette lectrice d’alors m’était sortie de l’esprit jusqu’à ce que je retrouve le brouillon de la réponse que je n’ai jamais envoyée…
Bon, c’est un peu long.
Que je te dise, lectrice, à propos des garçons, des filles, des parents.
J’ai toujours été à l’aise avec les autres garçons parce que je venais d’un coin où « la castagne » était monnaie courante et qu’en pension, c’est « struggle for life » à tous les étages, c’est un sacré entraînement à la cohabitation.
J’en avais touché deux mots dans une note déjà ancienne et ça se résume assez simplement.
Soit tu es un « leader », soit tu es un suiveur, soit tu veux juste être en dehors de toutes ces âneries ce qui était mon cas et ce n’est pas toujours le plus facile.
Eh oui, il faut se battre, dans tous les sens du terme, parce que les suiveurs s’écrasent ou soutiennent le leader et le leader te veut dans sa cour...
La pension t’enseigne ça très bien.
Tu apprends vite que « le leader » déteste les indépendants.
Il te veut toujours dans sa cour, il veut le pouvoir, il se fout de ceux sur qui il l’exerce. Celui qui échappe à son pouvoir le dérange.
Ça ne paraît pas mais ça forge une personnalité...
Tu n’as personne pour te défendre, le tout c’est d’amener l’autre à se dire « je peux gagner parce que je suis plus fort que lui, mais je vais en prendre plein la gueule, et ça c’est dangereux parce que les autres vont voir qu’on peut me remettre en cause. »
Tout ça n’est pas clairement formulé dans l’esprit d’un gamin de six ou sept ans mais c’est bien ce qui se passe.
Une fois que le « leader » a décidé qu’il n’y avait rien à gagner à faire entrer dans la bergerie un loup qui risquait en plus d’amener le troupeau à préférer le loup au berger, tu as une paix royale.
Les uns et les autres viennent même te voir en douce et c’est là que tu vois arriver de futurs traîtres qui se demandent si tu ne pourrais pas les conseiller sur la façon d’évincer le « leader » pour prendre sa place.
Tu vois tout là l’intérêt à rester en dehors de tout ça je suppose ?
Les pensionnats religieux sont bien un endroit rêvé pour les études de sociologie…
En plus, pendant que tu es dans ton pensionnat, tu es à l’abri des parents.
Qui font comme tous les parents, des erreurs, mais ils font ce qu’ils peuvent, comme nous tous quand on devient parent…
Quant aux filles, si j’en savais un peu plus grâce à mes sœurs, ça n’était pas simple du tout mais avoir des infos sur « les classes des filles », je trouvais ça très bien.
Évidemment, mes sœurs étant aussi jalouses que ma mère, elles se seraient sûrement raconté des choses dont je préférais sans doute qu’elles ne soient pas étalées en public au cours d’une chamaillerie familiale.
C’était un risque à ne pas courir inconsidérément…
Je dois dire qu’avoir trois sœurs, c’est super, on n’a pas peur des filles puisqu’on vit avec et avec un peu d’attention on en perçoit le mode de réaction et de fonctionnement.
Ce n’est pas comme les fils uniques ou les familles de garçons.
Je me suis rendu compte plus tard que beaucoup de garçons avaient plus ou moins peur des filles, non pas qu’elles leur inspirassent une terreur quelconque, simplement qu’ils ne savaient pas par quel bout les prendre…
Bon, pour mon père, c’était un homme profondément gentil, mais plutôt artiste de tempérament.
Il avait été quasi détruit par cinquante-trois mois de campagnes militaires où il avait vécu des choses épouvantables dont la bataille de Monte Cassino (renseigne toi sur le sujet, lectrice…).
Il en resta victime de cauchemars épouvantables au-delà du milieu des années cinquante, ce qui n’arrangeait pas l’ambiance.
Comme ma mère était veuve de guerre (son premier mari, le père de ma grande sœur avait été abattu par les Allemands en 1942 au cours d’une opération de la Résistance), ça causa un problème.
Quand mon père et elle se chamaillaient, elle faisait des comparaisons entre son premier et son second mari.
Tu sais combien la lutte contre un mort est vouée à l’échec, le mort gagne toujours… Ambiance dont il était bien agréable de s’échapper en allant en pension.
Après, en grandissant, endurcis que nous étions, mes sœurs et moi, on « dealait » assez bien avec ces histoires dont nous avions une longue habitude.
Du coup nous sommes devenus très indépendants et gardons des relations plutôt épisodiques, ce qui n’empêche pas l’affection réelle et des bons fou-rires à certains souvenirs familiaux pourtant pas toujours gais.
C’est long et tardif mais voilà tout ce que j’avais à te dire sur le sujet, lectrice chérie.
Ces réponses, comme les aides gouvernementales, arrivent trop tard mais elles arrivent…
09:56 | Commentaires (3)
Commentaires
Tu as toujours été à l'aise avec les femmes, tu as grandi avec des fillrs et j'ai des soeurs.
Écrit par : heure-bleue | lundi, 24 avril 2023
Mon frère, entouré de 3 sœurs lui aussi, a eu jusqu'à 3 petites amies en même temps, c'est dire si il n'avait pas peur des filles ! ;)
Écrit par : Fabie | lundi, 24 avril 2023
Ton texte sonne très juste, et même résonne en moi. Surement parce que, chez nous, nous sommes tous allés en pension, et que, issu d'une famille nombreuse, (trois garçons et cinq sœurs) nous avons plutôt parfaitement cohabité. Bon, pas en même temps, heureusement... Mais j’adhère totalement à tout ce que tu cites. La pension, les leaders, les suiveurs, les indépendants, les filles, les fou-rires, les anecdotes ; la vie, quoi !
PS : même si je ne suis pas une "lectrice chérie", je me permet de déposer mon modeste commentaire sur tes pages.
Écrit par : Xoulec | jeudi, 27 avril 2023
Les commentaires sont fermés.