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mardi, 23 janvier 2018

Ni vieux ni naître...

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Lectrices chéries, il faut que je vous dise.
Mon « devoir de Lakevio » était mauvais.
C’est bien ce que j’ai vécu que j’ai raconté.
Bien vécu mais mal conté.
Je ne savais pas comment vous le raconter.
J’ai fait un mauvais devoir.
Ce n’est pas que les précédents étaient bien, non.
C’est simplement que j’ai gâché celui-là.
Pourtant je me voyais bien remonter l’avenue de la Grande Armée.
Ma mère me tenait par la main et nous avons pris le métro à la station Argentine.
Oui, ce jour là, elle portait une veste « pied de poule » à gros motifs noir et blanc.
Je détestais cette veste.
Oui elle était moche, en gros lainage pour faire « genre Chanel ».
Oui, l’autruche du Jardin d’Acclimatation a arraché cette broche avec son bec et l’a avalée, laissant un trou dans le revers de la veste de ma mère.
Oui ça s’est passé comme ça.
Non je n’ai pas trouvé les mots pour vous le dire.
Je n’aime pas avoir la sensation du travail mal fait.
Ce n’est pas que j’aime travailler, non, mais j’aime que quand je travaille, ce soit bien fait.
J’ai ruminé une partie de la journée.
Ça s’est arrangé quand j’ai préparé un repas qu’Heure-Bleue a trouvé bon.
Puis, la lumière de mes jours m’a ébloui.
Une fois de plus.
Les informations finies, la saynète « Parents mode d’emploi » est venue occuper la minute avant la publicité.
Un père regardait, interdit, son fils allongé sur le canapé.
Un détail l’avait frappé.
L’adolescent avait une jambe rasée et une jambe velue.
Le père, demande à son fils de quoi il s’agit.
Le fils déclare « c’est parce que la nuit, quand mes jambes se touchent, j’ai l’impression de toucher la jambe d’une femme ! »
- C’est pas con !
Dit la lumière de mes jours.
- Tu as oublié un détail, ma Mine…
- Ah ?
- Il faudrait que tu te fasses pousser des poils sur une jambe…
- Ah, mince ! Je n’avais pas pensé à ça !
Elle est merveilleuse, Heure-Bleue, non ?
Bon, je dois avouer que la lumière de mes jours a la peau douce  depuis toujours.
Celle des deux jambes alors son idée ne pouvait pas marcher.
Pour avoir l’impression de toucher une jambe d’homme la nuit, il a fallu qu’elle vive avec moi.
Et pourtant, les années passant, j’ai moins de poils aux jambes…

 

lundi, 22 janvier 2018

Bye bye les beaux baux...

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J’ai froid…
C’est dimanche et maman m’a emmené au Jardin d’Acclimatation.
Il y a du soleil mais le brouillard enveloppe les immeubles d’une gaze épaisse.
On dirait des danseuses de pierre.
Si, si, je vous jure ! Ça me fait cet effet.
On s’arrête un instant et j’espère que maman va m’emmener prendre le métro.
Mais non…
Elle s’arrête un instant et s’accroupit devant moi pour remonter mes chaussettes.
C’est tout et nous repartons.
J’aime bien cette avenue.
C’est celle qui mène à l’Arc de Triomphe d’un côté et au Jardin d’Acclimatation de l’autre.
Les immeubles sont très beaux même s’ils sont un peu noirs.
Ils sont en pierre, la pierre qu’on fait les statues avec.
Ça ne fait pas du tout comme vers chez nous où ils sont noirs aussi mais pas beaux avec leur crépi qui s’écaille…
Maman m’emmenait au Jardin d’Acclimatation.
Elle m’avait dit « Papa et tes sœurs sont partis voir grand’mère, nous on va aller se promener ! »
Elle m’a mis ma culotte de velours marron, celle qui a un petit trou au fond de la poche droite, et m’a dit « On va au Jardin d’Acclimatation. Tu es content ? »
J’ai dit que oui même s’il fait froid parce que j’aime bien me promener.
On voit plein de choses.
Des fois, même, des choses que les autres ne voient pas.
Maman avait mis ses beaux habits et accroché une broche au revers de la veste.
Une chouette broche avec trois cerises et deux feuilles.
Elle était contente quand on est parti.
Elle m’a dit « Mon chéri ! On va être tous les deux, rien que nous ! »
On a beaucoup marché mais c’était bien.
J’ai vu plein de rues et maman m’a dit les noms.
Elle était fière d’habiter Paris.
Paris c’est le nom de la ville où je suis né.
Maintenant elle n’est pas contente.
Le revers de sa veste a un trou.
Elle m’a disputé parce que j’ai ri.
Il nous est, enfin, il lui est arrivé une aventure.
Au Jardin d’Acclimatation il y a une autruche, maman me l’a montrée.
Je me suis approché, un peu trop peut-être alors maman est venue tout près et m’a pris par l’épaule.
C’est juste à ce moment que l’autruche s’est approchée, a passé son long cou au dessus de la clôture et a attrapé les cerises.
Elle a arraché et avalé tout rond la broche de maman.
Maman a eu l’air scandalisé.
C’est là que j’ai ri…
Et qu’elle m’a disputé.
« Ce n’est pas drôle mon garçon ! Pas drôle du tout ! »
D’un coup, je n’étais plus « Mon chéri » mais « Mon garçon ».
Peut-être qu’à cause l’autruche, maman ne m’aimait plus.
Maman me tient par la main le long de l’avenue, j’ai l’espoir qu’on va prendre le métro pour revenir mais je n’en suis pas sûr.
On l’a pris quand même parce qu’il faisait froid.
C’est bien aussi le métro.
Il fait chaud et puis il y a le wagon du milieu.
Le métro est tout vert, sauf le wagon du milieu qui est rouge.
Mais maman m’a dit qu’on ne peut pas monter dedans après huit heures du matin.
J’aimerais bien aussi m’asseoir sur le siège pliant à côté de la porte mais il y a cette petite plaque émaillée où il est écrit « Ne pas utiliser les strapontins aux heures d’affluence ».
Il n’y avait personne mais maman n’a pas voulu quand même...

dimanche, 21 janvier 2018

On croit sans grandir…

De rien Mab, de rien…

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On regardait un documentaire sur Françoise Sagan.
Nous aimons beaucoup Françoise Sagan.
Cette espèce de désespérance de n’être ni vraiment compris ni accepté est somme toute commune et ne frappe pas que les écrivains mais ça nous parle.
Nous avons aimé.
Nous avons compati à sa douleur.
Puis elle est morte.
Et enterrée.
Et ça, Heure-Bleue n’aime pas l’idée.
Elle est claustrophobe ces temps-ci, une claustrophobie calibrée, certes.
Par exemple s’il y a trop d’étages à monter.
Mais claustrophobie tout de même.
Alors l’idée d’être dans une boîte…
Surtout une boîte enfouie sous un tas de terre…
L’émission se termine, le générique défile et la lumière de mes jours me dit :
- Tu vois pourquoi je veux être carbonisée ?
- Non, « incinérée » ma Mine.
- Oui, bon tu vois.
- Oui mais c’est « incinérée » pour « réduite en cendres »…
- Non, non, carbonisée, ça me plaît mieux.
- Finalement, tu ne veux pas être réduite en cendres, juste être trop cuite…
- Euh… Oui Minou, trop cuite…
Et puis, comme toujours le matin, la lumière de mes jours m’a lu la note qu’elle vous dédie.
Je lui ai fait remarquer que nous connaissions les amis venus vendredi depuis quarante ans.
Elle n’aime pas et ne veut pas le dire.
Je lui ai dit « tu sais ma Mine, aucun de ceux qui nous lisent ne pense que nous venons d’entrer en sixième… »
Elle n’en est pas sûre.
Parfois, à nous entendre, je n’en suis pas très sûr non plus…
Qui a parlé « d’âge adulte » ?

 

mercredi, 17 janvier 2018

Paris à l’œil…

Ah ! Lectrices chéries !
Vous ai-je déjà dit que Paris est une ville magnifique ?
J’en ai encore eu la preuve ce matin.
Je suis sorti tôt.
J’ai remonté la rue Lamarck jusqu’à la petite place où je prends le 95.
J’ai évidemment admiré l’aspect « arbre de Noël » de la rue d’Amsterdam quand la ville n’est pas encore sortie de la nuit mais se réveille.
Je suis descendu à « Opéra-Quatre-Septembre » pour monter dans le 29.
Là, dans le jour naissant, j’ai admiré la place des Victoires.
Vous ne connaissez pas ?
Elle est toute ronde et, ce matin alors qu’elle est encore vide, Louis XIV ressemble bêtement à un frimeur sur son cheval au milieu de la place vide.
Honnêtement, à cette heure, à la seule lumière des réverbères, le Roi Soleil à juste l’air d’un gamin qui attaque un château imaginaire.
La lumière a cru jusqu’à la Bastille, celle où s’élève la colonne érigée en mémoire de ceux qui inspirèrent à Hugo
« Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie,
Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie
. »
Et à Berlioz sa « Symphonie funèbre et triomphale »
Puis je suis arrivé devant la belle horloge de la Gare de Lyon, que Liv Foumi connaît bien.
Après un long moment je suis enfin place Félix Eboué que tout le monde continue à appeler « place Daumesnil »…
Pile à l’heure-de mon rendez-vous.
J’en suis revenu sous un soleil éclatant.
J’ai remarqué cette fois que le génie de la « Colonne de Juillet »  éblouissait la place de toutes ses dorures.
Arrivé place des Victoires, Louis XIV avait l’air maintenant autrement sérieux, qui toisait du haut de sa monture toutes les voitures qui encombraient la place.
Ça faisait plus vrai roi.
Le chemin du 29 passait par la rue des Haudriettes là où Heure-Bleue et moi, plus jeunes, nous regardions de notre fenêtre les arbres du jardin de l’École des Impôts.
Le coin de la rue du Temple et de la rue des Haudriettes n’était alors qu’un coin sur lequel il y avait un banc et une cabine téléphonique.
Par je ne sais quelle magie administrative, ce coin est devenu une place  de huit mètres carrés sans banc et sans cabine téléphonique mais avec un nom.
Place Renée Vivien, histoire de confirmer la réputation du quartier.
À part ça, j’étais l’homme le plus heureux du monde du bus car j’avais eu la peur de ma vie.
La docteuse m’a rassuré.
C’est une dame que je vois régulièrement et qui est très douce.
Aujourd’hui je le lui ai dit.
« Madame, vous êtes très douce et vous avez aussi une voix très douce. »
Elle a rosi et m’a dit, de cette même voix douce :
« Merci beaucoup, c’est très gentil ce que vous me dites là… »
Sous le coup de l’émotion, j’ai bu un café en sortant et me suis acheté un pain au chocolat.
Paris est vraiment une ville magnifique, non ?

mardi, 16 janvier 2018

« Adamacane et mon chapeau »

« Adamacane et mon chapeau » est une expression typiquement « pied noir ».
En substance ça veut dire « bon, je m’en vais, donne moi ma canne et mon chapeau. »
Mon père n’avait ni canne ni chapeau…
- Tu te rends compte, ma poule ?
- Quoi donc, Lemmy ?
- J’ai rêvé…
- Ah ? C’était quoi ?
- J’ai rêvé que je faisais ma valise et mettais mon chapeau !
Elle a eu l’air inquiet, d’un coup.
- Ouais ma poule…
Il souffla –il soufflait difficilement- et reprit :
- Mon chapeau, j’ai jamais mis de chapeau…
Ma mère est allée dans le couloir m’a fait signe de venir et m’a dit :
- C’est pas bon ça, mon fils…
- Quoi donc ?
- Ton père.
- ???
- Il fait ses bagages, c’est pas bon, il part…
- Mais non allons, allez maman, il faut que j’aille travailler.
Le lendemain matin, ma mère a demandé à Heure-Bleue :
- Tu veux bien aller voir ton beau-père ? Tu es sa préférée.
- Ah non ! Cette nuit j’ai rêvé qu’il mourait en buvant du chocolat !
- Bon, j’y vais…
J’ai dit « tu vois bien qu’il est vivant ! »
Puis on m’a appelé au bureau.
Je suis allé à l’hôpital où j’avais passé les deux ou trois nuits précédentes.
Il me réveillait régulièrement.
Je lui ai dit, un moment :
- Tu as réussi à dormir, cette fois, papa.
- Non, fils ! C’était un petit coma !
Quand je suis arrivé l’infirmière m’a attrapé dans le couloir.
- Vous savez…
- Je pense…
- C’était prévisible, hier soir il tirait son drap avec les doigts recroquevillés…
- ???
- C’est toujours le signe qu’ils veulent se recouvrir du drap, qu’ils vont mourir…
Je suis allé retrouver ma mère dans la chambre.
- Ton père est mort en buvant le chocolat qu’il m’avait demandé…
Bref, ma mère savait qu’il allait mourir.
J’étais marié avec une sorcière, rousse aux yeux verts comme il se doit pour toute sorcière, qui savait comment mon père allait mourir.
Le seul qui, comme d’habitude pensait que ça durerait encore, c’était moi.
La lumière de mes jours remarque platement :
- Tu rêves souvent de ton père, presque jamais de ta mère…
- Il me comprenait mieux, sans doute…