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lundi, 23 juillet 2012

Fermeture de la boutique à souvenirs...


 

Suite et fin…

Non, je ne vous donnerai pas de détails croustillants, ou pire encore, cliniques…

Nous étions aussi timides l’un que l’autre et il nous fallut encore une semaine avant d’échanger notre premier baiser.
Il arriva de façon impromptue, nous nous promenions les doigts entremêlés et un trou du chemin la fit trébucher, j’eus besoin de mes deux bras pour la retenir.
Comme aurait pu écrire Delly « et ainsi enlacés, la tentation fut trop forte et nous n’y résistâmes point »…
Nos promenades, de fréquentes qu’elles étaient eurent alors tendance à s’éterniser.
Un peu trop même. Un soir, nous revînmes alors que le dîner était entamé.
Je me fis disputer et m’accommodai assez bien de la leçon de savoir-vivre.
L’oncle Fernand, le mari de ma tante, qui n’intervenait que rarement dans nos histoires me regarda. Il se tourna alors vers ma tante « Dis donc, Olga, tu devrais peut-être dire à la Madeleine de faire attention à la p’tiote rouquine. Parce que l’parigot il est déjà musclé de la langue, là il est musclé des lèvres, d’ici qu’il soit musclé de… »

« Fernand !!! » Cria ma tante, l’arrêtant tout net…

On voit là qu'elle partageait sa vie depuis longtemps et savait ce qu'il allait dire avant même qu'il ne le pense...

Ma tante avait encore cet air sévère et vaguement souriant.
Avec le recul je me dis que cet air était sans doute dû autant à une longue expérience qu’à l’état de mes lèvres.
J’en viens à me demander même si le faux-pas de la belle n’était pas un stratagème…
Dûment avertie, « la Madeleine », en revanche, subitement inquiète pour la fille qu’on lui avait confiée, la consigna à la maison toute la journée du lendemain.
Journée du lendemain que je passai à traîner devant la grille de sa maison…

Contrairement à Cyrano, déclarant sa flamme sous la fenêtre de Roxane et surtout à mes habitudes, je restai muet.

Le jour suivant, un jour assez nuageux, sous la promesse de rentrer à l’heure, on lui permit de sortir.
Après cette séparation dramatique, nous partîmes et allâmes de l’autre côté du « pont du canal ».
Il y avait là aussi ces monticules de roseaux. Nous nous assîmes sur l’herbe, à l’ombre d’un immense tas de tiges séchées.
Je l’embrassai.
Puis elle m’embrassa.
Puis nous nous embrassâmes.
Puis nous recommençâmes…
Bien que latiniste longuement entraîné à coups de Morisset-Thévenot, ce ne fut qu’à ce moment là que je saisis le sens profond de l’expression « ad libitum ».
Nous discutions de choses et d’autres.
L’un et l’autre avions la voix qui commençait à s’enrouer et avions du mal à sortir quelques mots de plus.
Une sensation que j’avais déjà connue, la sensation dite « du gargoziau serré ».
J’ignorais qu’elle pût frapper aussi les filles.
Pour nous donner soit du courage, soit une contenance, probablement les deux elle m’embrassa de nouveau.
Et ça dura, jusqu’à ce que je tente timidement de glisser une main dans son short.
Vous avez remarqué comme ces vêtements sont contrariants ?
Vous ne vous y attendez pas et les boutons s’envolent au moment le plus inopportun, dévoilant ce que vous voulez cacher.
En revanche, ils sont indéboutonnables quand il faudrait que ça se fasse facilement et surtout discrètement.
Servi par de précédentes tentatives, j’attendis l’inévitable tape sur la main.

Mais non, à ma grande surprise,  j’eus même droit à un peu d’aide.
J’étais un peu, disons plutôt très, voire très, et même extrêmement maladroit et sûrement pas assez délicat.
Elle se cabra, dit « Aïe ! Tu m'as fait mal ! » mais saisit ma main et la guida.
Elle en choisit avec soin la position et la mût là où ça semblait l’intéresser.
Après quelques instants, elle retira sa main.
Je cessai de bouger, paralysé de trac.
Les yeux clos,  elle souffla « Non… Continue… ».
Je vivais une expérience plus qu’étrange, plus qu’intéressante, en tout cas nouvelle, passionnante et terriblement troublante.

Au bout de quelques minutes j’arrêtai et, inquiété par son souffle qui devenait court,  lui demandai avec difficulté « ça va ? ».
« Chhhuuut… Continue… » coassa-t-elle, la voix encore plus cassée que la mienne.
Des minutes et des minutes passèrent, puis elle se crispa soudain en agrippant mon bras.
Et, comme l’a si bien écrit Maupassant dans « La maison Tellier », elle poussa « un gémissement tellement profond qu’on l’eût pris pour l’adieu d’une âme. ».
Et c’était moi qui avais fait ça ? Idiot que j’étais –que je suis-, j’allais écrire « et c’était moi qui avais fait ça tout seul ! »…
Ce fut à ce moment la plus belle découverte de ma courte existence,  je suis sûr que Colomb fut moins heureux en découvrant l’Amérique.
Elle ouvrit des yeux plus que vagues, et pour tout dire bizarres, me sourit assez tendrement et nous décidâmes sur le champ de nous marier dès le retour de vacances plutôt que retourner bêtement au lycée.
L’idée de vivre d’eau fraîche nous branchait moyen, d’autant que nous avions un appétit aussi féroce que notre ligne était filiforme, mais celle de vivre d’amour nous enthousiasmait…
C’est cette découverte extraordinaire qui m’a mené à poursuivre un travail de recherche acharné dans le domaine.
Vous n’en saurez pas plus.
J’en ai déjà trop dit.
Ce fut le premier des deux-cent-quatre-vingt-seize-mille-huit-cent-cinq serments de mariage entre mes quatorze ans et mes vingt-deux ans.
En revenant à Paris, mon père, à qui il arrivait parfois d’être raisonnable, lorsque je lui annonçai que j’allais me marier incessamment, remarqua platement « Tiens donc, tu as trouvé une méthode pour qu’un grand amour résiste longtemps aux pommes de terre à l’eau ? », il ajouta « fais taire les oiseaux qui te chantent dans la tête et écoute plutôt tes professeurs au lycée. »
Il savait qu’il me condamnait à mourir de chagrin, à pleurer mon amour perdu mais fut intransigeant.
Je ne me mariai donc pas l’année de mes quatorze ans, victime de la dictature parentale.
La semaine d’après, j’allais plutôt bien.
L’emploi du temps ménageait des plages intéressantes qui permettaient d’aller avec des copains jusqu’au lycée Jules Ferry, vivier inépuisable de futures grandes amours.


Et puis.
Des années plus tard, en allant chercher les semi-conducteurs dont j’avais besoin afin de prouver combien mon stage d’ingénieur était efficace, je rencontrai une rousse ravissante, dotée d’yeux verts absolument merveilleux.
Bref, « une bombe » comme on dit aujourd’hui.
Elle était malheureusement dotée du caractère qu’on prête aux panthères, je m’en aperçus hélas trop tard, piégé que je fus sur l’instant.
Je lui proposai de l’emmener voir « Soldat Bleu », elle résista.
Je repassai la voir plusieurs fois. Nous déjeunions parfois dans petit café près de la Bourse. Je la raccompagnais souvent.
J’étais tenace, incapable de résister à un regard pareil et, pour tout dire de résister à une fille pareille.

A force de déjeuner ensemble, nous finîmes par dîner ensemble.
Sans y prendre garde nous prîmes un jour petit-déjeuner ensemble.

Ce fut la deux-cent-quatre-vingt-seize-mille-huit-cent-sixième idée de mariage.
Elle tient toujours.
La rousse en question s’appelle Heure-Bleue.
Et si vous voyiez ses yeux quand elle est en colère, à tomber…

Et voilà, la boutique de souvenirs est fermée pour l’instant.

Commentaires

C'est vraiement une trés belle histoire.

Écrit par : clodoweg | lundi, 23 juillet 2012

Et très joliment racontée qui plus est.

Écrit par : Frédérique | lundi, 23 juillet 2012

J'adore ton récit, de bout en bout. Tu devrais en faire un livre ! Et en plus qui se termine bien !!

Écrit par : liliplume | lundi, 23 juillet 2012

Garde bien tout ça pour La Merveille.

Écrit par : mab | mardi, 24 juillet 2012

Belle histoire.

La panthère rousse te mangera ! Que dis-je, elle t'a déjà mangé !...

Écrit par : lakevio | mardi, 24 juillet 2012

oooooohhhhh!!!!!!! Heure Bleue! quelle belle déclaration!!!! comme je l'ai déjà dit, je rejoins Lili, aussi agréable à lire qu'un livre! et quelle fin!!!! enfin tu vas bien trouver de nouveau à écrire, du passé ou du présent!!! on en redemande!

Écrit par : emiliacelina | mardi, 24 juillet 2012

tu vois comment c'est passionnant de repartir en arrière, j'ai adoré, par contre j'étais loin d'imaginer une heure Bleue Rousse aux yeux verts, tu m'étonnes que tu as craqué!!!! pour le mariage....lol...en tout cas tu racontes bien, dommage que tu fermes, mais bon à très bientôt...pour d'autres aventures...tu as raison pour la case à cocher, je devrais en faire autant!!! je suis blindée je mets tout en spam!

Écrit par : mialjo | mardi, 24 juillet 2012

Je me souviens dans mon petit village de tous les petits parigots qui débarquaient en été, qui snobaient plus ou moins les petits paysans que nous étions..Le Morvan étant une région très pauvre, beaucoup de ses habitants sont "montés" à Paris..Ils reviennent y passer leur retraite..Ils doivent trouver bien tristes maintenant nos petits villages déserts, sans école, sans boucher, avec juste un boulanger au pain immangeable qui vend un peu de tout, même qu'il prête de l'argent "liquide" aux habitants, je ne l'ai appris que récemment par ma mère...

ps : quelle belle rencontre au rayon bricolage...Imagine que tu n'ais pas été un " Géo trouvetout", jamais, vous ne vous seriez rencontrés avec la belle rousse aux yeux verts...Il n'y avait qu'une rousse aux yeux verts pour avoir su enchaîner un dragueur impénitent aux cent-quatre-vingt mille conquêtes..
Mon mari n'est pas bricoleur..Lui, c'est avec sa belle veste et sa belle cravate qu'il m'a séduit..A chacun "ses armes"...

ps : ouf, tu t'es arrêté à temps, sinon, ton article aurait dû être classé X..

Écrit par : juju | vendredi, 03 août 2012

Évidemment, si je commence par la fin, comme les épisodes de Columbo...

Écrit par : livfourmi | mercredi, 10 octobre 2012

Les commentaires sont fermés.