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dimanche, 21 octobre 2012

Reprenons donc...

Elle aussi tenait quelques feuilles et son poly avec une « araignée ». Elle commença par vouloir poser son petit paquet de feuilles sur la table. Comme elle voulait« faire du genre », travers bien connu de la jeunesse imprudente, elle tendit le paquet de feuilles négligemment, « l’araignée » passée dans son petit doigt en crochet, au dessus de la table, manquant de peu la tasse de café.
Il se dit, un peu tard, qu’il aurait dû la prévenir de la fragilité des« araignées »… On ne se méfie jamais assez du sort qui a une fâcheuse tendance à se montrer malicieux. Surtout quand il ne faudrait pas. L’araignée de la fille choisit évidemment ce moment pour casser, les feuilles pour s’éparpiller, épargnant heureusement un café menacé par deux fois en un instant.
Leur chance, à tous deux, ne pouvait pas durer, surprise par la rupture de son porte-documents de fortune elle eut un sursaut qui fit tomber ses lunettes.
A sa grande surprise, elle ne tombèrent pas dans son café, non, ce fut plus insidieux. Il se dit que finalement il n’y aurait pas de catastrophe. Il dût déchanter. Il aurait dû se douter qu’elle ne portait pas de verres pour le plaisir. En ramassant ses lunettes, elle ne vit pas la branche passée dans l’anse de la tasse…
Deux voisins se manifestèrent. Un pesta parce qu’il avait une tache sur son journal, l’autre pouffa.
Quant à lui, il prit un air désespéré en regardant ses feuilles trempées de café. Il se moquait bien de celles de la fille qu’il trouva toujours aussi jolie mais qu’il regarda alors avec méfiance. Les notes sur lesquelles il bûchait ressemblaient à un vague tas de papier détrempé. Elle se confondit en excuses et proposa de l’aider à réunir les ruines de son travail. Il secoua la tête en disant« non, non, ça ira comme aide pour aujourd’hui » et s’employa à tenter d’effacer de son jean le chapelet de taches brunes laissé par la giclée due à l’envol de sa tasse. Sur un Newman vert, c’était d’un effet discutable. Il avait eu de la chance, ses « clarks », déjà bien fatiguées, n’auraient pas survécu à un rinçage au café.
S’il ne l’avait pas trouvée si jolie il l’aurait agonie d’injures, ce qui prouve que la réflexion, surtout esthétique, entrave l’action…
Il la regarda essuyer ses lunettes. Il admira ses yeux bleu-gris sombre. Yeux au regard d’autant plus doux que la fille était myope comme un taupe ce qui expliquait sans doute la catastrophe.
Comme tout étudiant en sciences, il se rappelait que c’était un problème de focale oculaire mal ajustée qui donnait ce regard si doux à Marilyn.
Comme expert en gamelles sentimentales, il se rappelait aussi que ça n’avait rien à voir avec une quelconque douceur de tempérament.
Il n’avait donc pas cru un instant que son charme avait agi. Après avoir pris un air raisonnablement désolé, elle rechaussa ses lunettes et eut enfin un réflexe humain. Elle lui proposa un café que cette fois il pourrait boire. Puis, contemplant le désastre, elle rit de bon coeur. Le regard à nouveau vif et une absence totale de regret pour les dégâts causés achevèrent de le désarmer. Toujours lancée dans son entreprise de« faire du genre », théâtrale, en plein bistrot, à neuf heures du matin elle lui lança, histoire de faire oublier sa bévue :

Jugez après cela de votre déplaisir !

Décidément cette fille était folle. Néanmoins, ce vers jeté dans la conversation, devant le champ de ruines qu’était la table après l’arrivée de cet Attila en jupon, lui rappela quelque chose. Creusant une mémoire en bon ordre de marche, ça lui revint. Autant piocher dans la même pièce ce qui s’accordait à la situation. Se levant à son tour il lui répliqua, retouchant à peine l’original :

Du café, non du cœur je la veux éloigner,
Car c’est ne régner pas qu’être deux « araignées ».

Le mastroquet, habitué à ce genre de scène, leva les yeux au ciel, secoua la tête et leur lança « dites, les gamins, vous comptez payer comment ? En faisant du théâtre ? Une pièce de un franc suffira.». Il sortit son franc, elle protesta, sortit un franc à son tour et insista. Il finit par céder, après tout, la peine de refaire ses notes valait bien un café.
Les pièges avaient beau être faits pour tomber dedans, l’aisance avec laquelle on mettait le pied dessus le surprenait chaque fois.
Il faisait pourtant très attention à ne pas succomber à ce que les gens de lettres appelaient « les élans du cœur ».
Du moins le pensait-il...

 

Commentaires

on pourrait presque croire qu'elle ait fait exprès !

Écrit par : maevina | dimanche, 21 octobre 2012

Voici une histoire bien troussée ! Euh, enfin, pas encore !... ... (Joke!)

Écrit par : lakevio | dimanche, 21 octobre 2012

@ Maevina > Mais elle l'a fait exprès. Ça faisait quelques jours qu'elle l'avait repéré en dépit de sa vue basse et avait précisément des vues sur le coquin ; elle avait acheté une araignée à dessein qu'elle avait maltraitée pour qu'elle pêtât au bon moment. Futée, la bigleuse !

Écrit par : Berthoise | dimanche, 21 octobre 2012

Sourires... sûr qu'elle a tout manigancé ... Avec un air angélique....

bel après midi.. amicalement

Écrit par : patriarch | dimanche, 21 octobre 2012

boudu...tu vas finir par te faire étriper!!! c'est marrant car on s'y croirait...en tout cas tu as été très gentleman...je trouve...alors qu'elle n'avait même pas les yeux verts!!!pfff

Écrit par : mialjo | dimanche, 21 octobre 2012

newman et clarks , on est vraiment de la même génération !

Écrit par : liliplume | dimanche, 21 octobre 2012

tu dis qu'elle avait des "yeux bleu gris sombre !" bien sûe, il ne faut pas pousser! si tu nous dis qu'elle avait des yeux verts, sûr que Heure bleue, comme ont dit ,( et passes moi l'expression), pète une case!!!!!et je ne vois pas comment tu pourrais nous finir cette captivante aventure!

Écrit par : emiliacelina | dimanche, 21 octobre 2012

Tu connais la solidarité féminine... donc j'agite le drapeau blanc. Je suis pour la paix des ménages.

Écrit par : Seringat | dimanche, 21 octobre 2012

Les commentaires sont fermés.