mardi, 30 octobre 2012
Giboulées de mars.
On dit que les lits de 90 sont trop petits et sont des lits d’une personne.
En fait non, ça dépend dans quel sens sont rangés les occupants.
S’ils sont absorbés par leurs jeux, c’est comme les enfants, ils ne se préoccupent pas du confort…
Mais, comme les enfants, il leur arrive de se lasser rapidement d’un nouveau camarade de jeu, si agréable soit-elle ou soit-il.
Et de fait, leur amour se délita lentement et silencieusement. Ils ne se disputaient quasiment plus. C’était peut-être là la cause de son extinction… Ils vivaient tranquillement leur histoire. Trop tranquillement. Bien sûr, ils n’allaient pas aussi souvent qu’ils l’auraient souhaité au cinquième étage, dernière escale avant le septième ciel. Les épreuves passées avec une relative aisance leur assuraient l’année suivante sans problème mais quelque chose n’allait pas. N’allait plus.
Il commençait à renouer avec une sensation de mauvais augure quand on est en couple, celle de l’ennui. Elle acceptait trop facilement qu’il éludât leurs rendez-vous. Ce n’était pourtant pas le cas il y a à peine un mois. Ils vivotaient déjà comme un vieux couple. Leur aventure n’en était plus une, qui devenait routinière. Il n’y avait plus d’éclats de voix. Ils s’embrassaient, et plus, avec plaisir, certes mais il manquait ce qui les avait mus depuis le début.
C’était ça, il n’y avait plus d’élan.
Il leur était agréable de se retrouver mais la sensation de fièvre, la boule dans le ventre, le cœur qui s’emballe, le sentiment d’urgence quand ils allaient se retrouver, la sensation d’abandon, d’arrachement quand ils se quittaient, tout cela avait petit à petit disparu. Le silence commençait même à s’installer entre eux. Ils ne se disputaient même plus à propos d’un livre ou d’un film.
Alors que l’université commençait à bruire des revendications des étudiants de Nanterre, ils se remirent à prêter une attention soutenue au monde qui les entourait.
Un jour de début mars, alors qu’ils étaient assis au Jardin des Plantes, il prit son courage à deux mains.
- Dis-moi, tu ne trouves pas que « c’est plus ça » entre nous ?
Pour être honnête, il avait peur de sa réaction. Il attendait sa réponse avec inquiétude.
- Je n’osais pas te le dire mais c’est vrai que ce n’est déjà plus comme au début.
Il fut instantanément soulagé et osa :
- J’ai l’impression qu’on s’ennuie ensemble, maintenant.
- Tu m’en veux ?
- Ce n’est pas ta faute, c’est comme ça, ça arrive.
- Tu sais, on a de la chance, on n’est pas marié, on n’a pas d’enfant, nous ne sommes même pas majeurs…
Il était sûr maintenant qu’elle ressentait la même chose mais qu’elle ne l’aurait avoué pour rien au monde.
Une impression de liberté recouvrée lui dilatait la poitrine, à peine voilée par une légère sensation de perte mais pas du tout, heureusement, celle de gâchis.
Ils s’embrassèrent encore une fois, histoire de graver dans leur mémoire le goût de leurs lèvres et le souvenir d’une jolie mais courte histoire. Puis soulagés tous les deux, elle lui donna le bras et ils partirent assez joyeusement vers la rue Cujas prendre un café et retrouver d’autres copains.
Il allait pouvoir se remettre à refaire le monde.
Il ne savait pas qu’une autre rousse, aux yeux verts celle-là, usait ses jeans sur les bancs de la Sorbonne et qu’il la rencontrerait ailleurs quelques années plus tard.
Il ne savait pas plus qu’il allait participer à une grande aventure où il devrait remercier le ciel d’avoir encore le souffle qui lui permettrait de courir assez vite…
Le 22 mars, un étudiant rouquin, juif-allemand de surcroît, autant dire un gauchiste subversif, lança un mouvement de révolte.
De mauvaises langues, payées par Mon Général sans doute, prétendaient que c'était pour se venger de s’être fait sortir du pavillon des filles l’année d’avant par la maréchaussée.
Les étudiants étant finalement plus anarchistes que communistes, ils le suivirent.
Comme le temps s’y prêtait, ça dégénéra.
Ça s’étendit au pays tout entier, puis la situation s’y prêtant, au monde occidental.
Ce qui prouve qu’on peut tout faire aux étudiants.
Sauf leur interdire l’accès aux étudiantes quand le printemps arrive…
L’auteur vous contera cette histoire plus tard…
Vous savez presque tout, lectrices chéries, de votre scribe préféré.
Votre serviteur n’a à sa disposition que quelques jolies histoires. Je vous en ai conté trois, dont une a été sévèrement censurée par l’héroïne elle-même. Les autres m’appartiennent. Je retourne donc à mes billets d’humeur.
06:42 | Commentaires (14)
Commentaires
Et sur l'écran le rideau est tombé. Moi aussi j'ai des lettres, merci Eddy Mitchell
Écrit par : mab | mardi, 30 octobre 2012
Merci pour cette belle histoire que se termine bien.
Et puis j'adore qu'on me raconte des histoires.
Écrit par : Berthoise | mardi, 30 octobre 2012
Je préfère ses billets d'humeur....
Écrit par : heure-bleue | mardi, 30 octobre 2012
Je suis comme Heure Bleue je préfère les billets d'humeur !!!!
Écrit par : Minha casa | mardi, 30 octobre 2012
un peu de billets d'humeur, et de temps en temps....mais seulement de temps en temps!!!!
Juste pour briser la monotonies des motifs si nombreux, sujets à récriminations! hélas, justifiées!!!
Écrit par : emiliacelina | mardi, 30 octobre 2012
Que plus tard advienne alors.
Écrit par : rosaannoma | mardi, 30 octobre 2012
c'est idéal quand les deux en ont marre en même temps !
dommage que tu renonces à ces jolis récits mais bon ça doit chiffonner un peu Heure Bleue et ce n'est donc pas nécessaire !
Écrit par : liliplume | mardi, 30 octobre 2012
Scribe préféré, bonjour
Par hasard sur ce blog, par le biais de Maevina, je suis interpellée, bien écrit, j'aimerais faire partie des "lectrices chéries"
Écrit par : ptitejojo | mercredi, 31 octobre 2012
Bienvenue ptitejojo !
Écrit par : le-gout-des-autres | mercredi, 31 octobre 2012
ben voila une histoire d'amour qui s'achève d'elle même c'est bien quand il n'y a pas de casse !
Écrit par : maevina | mercredi, 31 octobre 2012
L'aventure continue avec Heure- Bleue ..
Écrit par : Brigitte | mercredi, 31 octobre 2012
Me voilà donc " lectrice chérie "...
Qu'Heure Bleue se rassure, je fus rousse jadis, mais n'ai absolument rien à voir, mais alors rien du tout, avec la demoiselle lassée.
Quand je pense qu'en 68, déjà gauchiste subversive, je criais moi aussi " Nous sommes tous des juifs allemands !", que je l'étais et que je ne savais pas...
Écrit par : Champ Libre | jeudi, 01 novembre 2012
Bonjour le goût
je découvre ton blog , aux travers de celui d'Heure-bleue . Quelles belles histoires, dommage pour la censure , mais on en est tous là à faire des compromis . Je vois que "tes lectrices chéries" restent cependant comblées par les autres récits , et s'attendent aux billets d'humours . à bientôt
Écrit par : rivka17 | jeudi, 01 novembre 2012
je ne comprendrais jamais pourquoi la passion n'est qu'éphémère, mais c'est une jolie histoire qui fini très bien...par contre j'aimerai bien que tu me racontes ton mai 68 avaec Dany le rouge!!!! quand on voit ce qu'il est devenu...comme quoi l'être humain quand il vieilli devient faible, opportuniste...etc...kiss
Écrit par : mialjo | vendredi, 02 novembre 2012
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