samedi, 07 avril 2012
Monsieur le Premier Ministre, je vous fais une lettre...
Que vous lirez peut-être, si vous avez le temps...
Je viens vous parler d’un ami.
Il est arrivé en France à l’âge de sept ans, il y a cinquante-sept ans, dans les bagages de ses parents.
Il est parfaitement intégré, d’ailleurs il parle le français comme vous et moi, c'est-à-dire plutôt mieux que le Président de la République.
Il est allé à l’école aussi longtemps que la moyenne des Français dits « de souche ».
Il est suffisamment français lui-même pour n’avoir été l’objet d’aucun de ces contrôles « au faciès » qui sont la marque de fabrique de nos pandores depuis quelques années.
Seulement voilà, cet aimable idiot, qui comme beaucoup, passait la moitié de son temps à travailler, au lieu de passer l’autre moitié à des choses sérieuses comme se faire nationaliser, avoir une carte de séjour, ou faire des économies, l’a passée à chercher ce qu’il pouvait y avoir d’intéressant sous les habits des filles.
Du coup, un détail a échappé à cet éternel gamin qui passe sa vie comme le piaf sur sa branche : Il a perdu ses papiers il y a trente-et-un ans.
Et, depuis trente-et-un ans, il a le temps de s’en occuper.
Aujourd’hui peut-être, peut-être demain…
Il est passé de quelques années, grâce à une législation de plus en plus féroce et sa légèreté crasse, de l’état de « Français de fait » pour être sur le sol français depuis plus de dix ans à l’état « d’étranger en situation irrégulière ».
Pour ne rien arranger il est juif, mais, comme il n’est pas né en Algérie, il ne peut bénéficier du décret Crémieux.
Il est né juste à côté. Il a beau être né à l’époque où la Tunisie était un protectorat français, il n’est pas français.
Il a beau vivre ici depuis cinquante-sept-ans, le fait qu’il a depuis près d’un demi-siècle franchi la « barre des dix ans » sur le territoire français ne lui donne pas le statut de Français auquel la loi lui donne théoriquement droit.
Monsieur le Premier Ministre, vous qui êtes aussi chargé de faire respecter la Loi, ce qui fait de la France un état de droit et non un vague pays livré aux caprices d’un autocrate ou à l’arbitraire d’un régime dictatorial, vous devriez laisser de côté les estrades électorales quelques instants pour faire accorder à mon ami la nationalité française qu’il a amplement méritée.
Ça ne vous coûterait pas très cher, beaucoup moins en tout cas qu’un meeting électoral.
Ça ne vous coûterait que quelques injections à titre de traitement palliatif.
Il est en train de mourir.
Travailler à la construction de nos bâtiments lui a truffé les éponges d’amiante au point que même son cerveau est métastasé…
Vous feriez œuvre pie, vous qui passez pour un chrétien fervent, en le laissant mourir dans un lit d’hôpital plutôt que sur un grabat de centre de rétention.
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