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samedi, 09 novembre 2013

Le fil est mignon...

Si j’en crois les campagnes de publicité et la foultitude de décorations qui envahissent les vitrines, Noël approche, lectrices chéries.
Ce sera « la dernière séance » gratos chez vous, psys adorées.
Du moins jusqu'à Noël.
C'est pourquoi la séance d'aujourd'hui sera un peu plus longue. Je dois en effet faire provision de compassion pour les semaines qui viennent...
Vous excuserez, j'en suis sûr, mes amours, la longueur de cette note.
Mab serait assez gentille de la lire sans sauter immédiatement à la fin, comme d'habitude. Hmmm ? 
Reprenons donc.
Chez mes fondus, la gaîté était quelque chose d’assez mal vu. De même que pour certains chefs d’entreprise, un employé qui rit est un employé qui ne travaille pas assez, pour les Frères, un enfant qui a l’air gai est un enfant qui n’est pas assez pieux.
Certes, l’arrivée du Christ en ce bas monde était pour eux une bonne nouvelle, de là à s’en réjouir, il ne fallait pas pousser. Un autre saint s’y prêtait mieux à leurs yeux et faisait l’affaire. Saint Nicolas avait le bon goût de n’être pas Jésus, de permettre un semblant de réjouissances et son jour tombait peu avant les vacances de Noël et donnait l’occasion du « banquet ».
Jusqu’à la Saint-Nicolas donc, je me fis oublier. Je me contentai de suivre le cours de chant du Frère, d’écouter en classe et de défendre mon indépendance dans la cour de récréation.
Ce fut une occupation à plein temps. Le plus difficile, car il faisait assez froid, fut de supporter l’épreuve de la douche hebdomadaire qui nous était administrée chaque vendredi.
L’efficacité de cette douche était toute relative, surtout dans les classes des « petits ».
Les « grands » avaient semble-t-il l'épiderme sensible, ou alors plus sale, car leurs classes passaient avant tout le monde.
Le résultat de la « douche des petits » était immuable. Dès qu’au bout du couloir le jet se faisait entendre, la pomme de douche nous voyait, debout sur les clayettes, collés contre le mur, essayant d’échapper au jet glacé que nous avaient laissé les « grands » une fois leur douche tiède passée.
Pour une fois j’avais de la chance, je n’étais pas du côté de l’arrivée d’eau. Le temps que la maigrelette pression amène l’eau jusqu’à ma place, j’avais tout loisir de me coller contre le mur. De temps à autre une gouttelette glacée m’arrivait sur le ventre tandis que je regrettais de ne pouvoir m’incruster dans le mur.
La « douche » finie, nous nous dépêchions de nous rhabiller pour échapper à l’œil du Frère. Ce qui donna lieu à une séquence comique un samedi matin.
Saint Nicolas approchait. Le samedi, la messe avait lieu à sept heures pour que ceux qui habitaient Paris puissent passer assez de temps chez leurs parents.
Pour éviter des réflexions désagréables de parents qui trouveraient que « pour ce prix là on pourrait quand même vérifier la toilette des enfants », un Frère était désigné pour « l’inspection ». Cette inspection était, comme la douche, immuable. On nous faisait aligner, classe après classe, dans la cour. Comme pour la douche, les « petits » passaient les derniers. Le Frère se mettait face à la classe, réunie en demi-cercle devant lui et nous demandait de retirer la chaussure droite. Les nouveaux arrivants étant prévenus par « les anciens », l’inspection se passait bien. Hélas, peu avant la Saint Nicolas, le « Frère inspecteur » tomba malade. Son remplaçant, soit par ignorance du programme, soit par connaissance de l’âme enfantine nous ordonna de retirer la chaussure gauche. Devant une rangée de pieds allant du gris au noir il fut décidé d’abord de nous envoyer nous laver pour de bon, puis de méditer sur la fourberie le reste du week-end. La décision semble-t-il fut prise en haut-lieu de procéder à un tirage aléatoire pour le choix du pied à exposer…

La Saint Nicolas arriva enfin, un lundi si mes souvenirs sont exacts. C’était le seul repas de l’année, un peu plus agréable que les autres. On disait en parlant de lui « le banquet ». Non qu’il y eût profusion d’ortolans, bestioles dont nous ne connaissions que le nom et grâce à La Fontaine mais il y avait une entrée.
Je le saurai les trois années suivantes, cette entrée était immuablement constituée de saucisson, denrée bannie les autres jours de l’année, et trois tranches, histoire d’éviter l’indigestion, maladie quasiment inconnue de l’estomac de pensionnaire.
Il y avait aussi, ô surprise, changeant cette fois sans risque financier pour l’école, de la purée. Rien à voir avec la purée que faisait ma mère, pourtant peu regardante sur les pommes de terre. Il s’agissait de pommes de terre cuites à l’eau, vaguement passées au presse-purée géant et agrémentées de margarine. Je dirais aujourd’hui un paquet de cinq-cents grammes pour cinquante kilos de pommes de terre. Et les boulettes. Aaaahhh ! Ces boulettes ! Une merveille ! Disons un tiers de gras de porc, un tiers de porc, un tiers de bas morceaux d’un animal dont je soupçonne qu’il ne s’agissait pas de filet d’Angus ou de Kobe...
Quant au dessert, je crois bien que c’est le seul gâteau qui ne fût pas un macaron qu’on nous servait dans l’année. Le mille-feuille était la règle et nous l’attendions avec plus d’impatience que le Messie, d’autant que ce dernier était censé être déjà passé.
La Saint Nicolas avait en outre l’avantage de nous signifier que le rythme scolaire serait un peu plus relâché. Les vacances de Noël approchant, le Frère chargé de notre éducation avait trouvé, pour s’assurer une attention soutenue, une méthode autrement efficace que « l’heure sans ». La dernière heure de cours de la journée était consacrée au martyre de tel ou tel autre saint, savamment torturé devant des foules de païens afin qu’il abjurât sa foi juste avant de s’en aller faire un tour au paradis.
Chaque soir nous y avions droit, ce qui était peu étonnant vue la démographie galopante du martyrologe chrétien.
Dans la journée, en revanche, l’enseignement n’avait rien perdu de sa férocité.
La nécessité d’un exemple édifiant, destiné à nous torturer l’âme pour les vacances fut le récit de la mort d’Abel sous les coups de caillou de Caïn.
Imaginez un instant Eve, « tenant le corps de son petit Abel dans les bras, effrayée par sa froidure et son silence, peinant à retenir ses larmes, sûre qu’elle était que quelque chose de grave était arrivé au plus gentil de ses fils ».
On peut remarquer d’ailleurs que le premier crime répertorié dans l’histoire de l’Humanité, aussi surprenant que ça puisse être pour une population de quatre personnes, soit le meurtre d’Abel par son frère... (Je sais, je l’ai déjà dit mais la chose me surprend chaque fois.)
Ces deux semaines s’écoulèrent plutôt rapidement pour moi, occupé que j’étais le jeudi par le chant, le vendredi par la messe et l’étude de la meilleure technique pour échapper à la douche froide.
Et puis, le vendredi il y avait la confession. Ça aurait dû aller vite compte tenu de la rareté des occasions de pécher. Je me dépêchais d’avouer un péché d’orgueil parce que j’étais fier d’avoir chanté à la messe et d’avoir parlé en classe avec mon voisin, péché véniel en apparence seulement car il vous valait tout de même « une heure sans » voire, si la conversation avec excédé deux secondes les célèbres cent lignes « Je ne doit pas parler en classe ». L’année suivante j’expérimenterai le truc vicieux issu d’un cerveau particulièrement retors, la ligne suffisamment longue pour déborder à coup sûr sur la ligne suivante. La spécialité du cru : les « cent lignes » qui font cent-cinquante lignes.
Ces deux semaines passées, je fus heureux de retrouver la maison pour deux autres semaines. Ma mère nous emmenait passer Noël, mes sœurs et moi, chez ma grand-mère. Pas de messe, pas de confession, pas d’ « heure avec », aucune de ces petites tortures incessantes qui me gâchaient la vie.
C’est pendant ces vacances que j’appris qu’il y avait d’autres livres que les « vrais livres ». Une vague cousine de ma mère tenait dans le village où vivait ma grand-mère une de ces boutiques magiques où on trouve de tout. Des journaux, des fruits secs, du vin, et des produits de jardinage. Des produits dont la coexistence dans la même boutique vous enverrait en prison aujourd’hui.
J’y découvrirai un héros autrement intéressant que le Christ : Blek le Roc...

Commentaires

J'ai tout lu!

Écrit par : mab | samedi, 09 novembre 2013

moi aussi! mais je pense que je te relirai ce soir , moins vite!

Écrit par : emiliacelina | samedi, 09 novembre 2013

mdr!! j'ai bien aimé l'image du gamin qui rêve de s'incruster dans le mur pour éviter les gouttes d'eau froide !!!!!!!

Écrit par : maevina | samedi, 09 novembre 2013

Ma 3e visite matinale est pour toi Mr le goût..
C'est très agréable de lire les souvenirs d'enfance de quelqu'un de bien vivant, pas besoin de verser une petite larme attendrie..
Je détestais aussi aller à confesse, je me demandais aussi quel pêché inventer...Mis à part voler l'argent du lait de ma mère, je ne me trouvais guère d'autres péchés, peut-être un peu feignasse, me cachant souvent dans le grenier pour lire pendant que frères et soeurs bossaient...Mais, là, c'est la meilleure, punir un enfant pour avoir avoué une faute vénielle....Z'était un peu fêlé ces frères...En l'an de grâce 2013, on les condamnerait à 2 ans de prison pour torture mentale et ça ferait les gros titres des journaux..
Il faudrait vraiment publier ces souvenirs dans un livre, pour tes merveilles...Ce serait tellement plus agréable pour elles de feuilleter votre livre de vie (tiens, pourquoi pas un livre à 4 mains, en 2 parties, souvenirs d'elle, souvenirs de lui)..
ps : ah oui, j'ai aussi été ravie de voir une faute égarée dans ton texte...Parfois, on a beau se relire, on ne voit rien..Il faut un regard neuf pour les voir..
Rien à voir avec toi ce que je dis, puisque je sais que tu es fort doué, je suis juste ravie que tu puisses laisser quelques fautes échapper à ton oeïl de lynx.
Que je t'explique..
Pour la Toussaint, lors de la réunion annuelle avec ma famille, mon oncle, dont nous avons fêté les 90 ans cet été, a offert à toute la famille un album photo-souvenirs de cette journée, une quarantaine au moins..
Dans cet album photo, ma cousine a mis le discours que j'avais préparé pour mon oncle, une sorte de mémo...Ma cousine ou album-photo.com ont décidé de corriger mon texte (je n'ai pas encore osé poser la question à ma cousine)....Dans le texte d'origine, je n'avais oublié qu'un S à parties....Pourtant, 3 ou 4 personnes m'ont dit y avoir vu au moins 3 fautes, mes 2 enfants entre-parenthèse, nos enfants sont intraitables et se fichent comme de l'an 40 de la teneur de nos écrits et ne traquent que les fautes...
J'ai donc relu mon texte et y ai vu effectivement 3 fautes, qui n'existaient pas dans mon texte d'origine...tiens, entre-parenthèse, le mot gaîté comme dans ton texte, écrit par moi, gaieté se retrouve gaîté..Ca m'a fort contrariée....Je sens que beaucoup étaient heureux de m'avoir pris "en faute", comme mes enfants, avec leur Bac+5, on dirait que ça leur déplait que leur mère, avec son simple brevet, puisse écrire aussi bien qu'eux...
Pardonne moi cette digression...

Écrit par : juliette | samedi, 09 novembre 2013

Moi-aussi, la séance de douche m'a bien fait rire..Quelle imagination ! Bizarre comme la crasse s'inscuste surtout dans nos pieds..Je me souviens aussi de nos pieds crasseux, la grande lessive de notre corps ayant lieu dans un baquet une ou 2 fois/mois, il valait aussi mieux être le 1er que le dernier..

Écrit par : juliette | samedi, 09 novembre 2013

maintenant tu devais vraiment l'apprécier ta famille !! Je me demande si je n'aurais pas dû mettre mes enfants quelques années en pension moi ? mdr !

Écrit par : liliplume | samedi, 09 novembre 2013

Bleck le Roc , Zembla , Tartine , Nevada , on se battait pour les lire , je suis née en 56 , et étant la dernière , je lisais en dernier ! pff! Pas facile la vie chez les frères !

Écrit par : Brigitte | samedi, 09 novembre 2013

Ma plante est un epiphylium , sorte de plante grasse très facile , tu l'oublies , puis tu l'arroses et hop ! beaucoup de fleurs !

Écrit par : Brigitte | samedi, 09 novembre 2013

Dis donc c'est à te dégouter de la religion à vie!!! suis moins surprise maintenant! des douches froide, punaise en plein mois de décembre...inhumain! la confession, le vrai truc à la con, franchement si ça se trouve le curé à fait plus de péchés que toi tout petit innocent...jai adoré ta dernière phrase...Blek le Roc...mon frère en lisait plein des bouquins de coboy comme on disait...je lui piqué car de toute façon ils passaient de mains en mains, des riches jusqu'au pauvres...nous en l'occurence...lol...tu fais déjà la trève de Noël t'es pas en retard dis donc! kiss.

Écrit par : mialjo | samedi, 09 novembre 2013

c'est vrai ! Tu ne crois pas qu'un jour Merveille serait contente de lire tes souvenirs d'enfance, tel que tu les écrits, tu n'as rien à changer, c'est parfait ! Ce sont des choses qu'elle ne pourrait pas imaginer seule !Imagine: Merveille n°1 disant à sa soeur Merveille n°2,:
-"tu ne peux pas savoir ce qu'a vécu papy enfant, attends, il l'a écrit, je vais te le lire! ..et c'est pas des histoires!!! C'était comme çà, avant! il y a trèèèès longtemps !""
je vois très bien la scène !

Écrit par : emiliacelina | samedi, 09 novembre 2013

Quel horreur, t'as vécu avec ces fous chrétiens, ou ces chrétiens fous, comme tu préfères…..

Mon père nous avait raconté des histoires semblables, lui aussi avait été jusqu'au début de la guerre 39 - 45 chez ces gens.

On m'a menacé pendant toute mon enfance de me mettre en internant chez les bonnes soeurs….

Écrit par : Rubynessa | dimanche, 10 novembre 2013

kiss du dimanche..

Écrit par : mialjo | dimanche, 10 novembre 2013

on dit Tapiole, hé...j'ai bossé assez longtemps dans le Marais pour être au parfum...eux...quand ils parlent d'eux disent tapiole, mais j'aime bien ton jeu de mots...rhôôô
pour tes coordonnées il faut que je me renseigne mais c'est drôle car les autres ça marche...heu fonctionne....

Écrit par : mialjo | dimanche, 10 novembre 2013

suis obligée de rigoler!!!!!! tu lâches jamais l'affaire toi j'aurais dû m'en douter...bon tu as regardé tapioles aussi ? je vais y aller...MDR...

Écrit par : mialjo | dimanche, 10 novembre 2013

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