dimanche, 24 février 2013
Car elle me comprend, et mon cœur transparent Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème
La semaine suivante, nous déambulions dans les allées des Tuileries quand elle m’entraîna près du petit bassin asséché par les allées désertes que je lui avais fait découvrir lors de notre visite au Louvre.
Une fois assis côte à côte elle posa sa tête sur mon épaule et soupira d’aise.
Toujours la tête sur mon épaule, mon bras entourant ses épaules, nous appréciions la douceur de l’après-midi en regardant le bassin vide. Elle semblait, l’air songeur, préoccupée malgré tout et, comme chaque fois que je la sentais s’éloigner, je sentis au cœur un pincement d’inquiétude.
Au bout d’un moment, elle se redressa et me chuchota :
- J’ai déjà couché avec un garçon.
Comme j’étais sûr que ce n’était pas le soixante-seizième de l’année et que je m’attendais à une nouvelle autrement fracassante, genre « mais comment j’ai pu penser être amoureuse d’un type comme vous !? », je fus immédiatement soulagé…
- Moi aussi. Enfin non, moi c’était avec une fille, et alors ?
- Vous m’en voulez ?
Elle me regardait avec cet air qui lui allait si bien, les sourcils relevés près de l’arête du nez, les yeux un peu inquiets, la bouche entrouverte.
Quand elle me regardait comme ça je devenais aboulique.
Je gardai le silence un moment, non pour l’inquiéter mais parce que je me rappelai avoir causé de ce genre de chose avec mon père un jour où il était disposé à ça. Il en avait retiré une information dont il me fit profiter et qui se trouvait justement répondre à l’inquiétude de ma petite camarade fendilleuse de « pierre de cœur ».
Mon père avait beau être, génération et « pied-noiritude » obligent, très pudibond, il avait épousé ma mère qui était une jeune veuve de guerre et ce qu’il avait vu et vécu pendant cette guerre avait fortement relativisé ses vues sur la notion « virgo intacta », très en vogue, surtout chez les Méditerranéens, jusqu’au « Manifeste des 343 salopes » qui est devenu, « politiquement correct » oblige, le « Manifeste des 343 »…
Inquiète de mon silence, mon élue insista :
- Alors ? Dites-moi… Vous m’en voulez ?
- Pas du tout ! Être « le premier » est à la portée du premier négociateur un peu habile. Être le dernier est une autre affaire.
- Vous avez trouvé ça tout seul ou vous l’avez lu ?
- Non, c’est mon père qui me l’a expliqué, il a traversé la vie moins aisément que nous.
Et j’ajoutai, histoire de titiller « En plus, lui aussi on l’a souvent pris pour un Arabe… »
Elle me donna un coup de coude. Puis un baiser. Après un silence, elle ajouta « je me suis fait avoir ce jour là… »
Je souris en lui disant « c’est bien le mot… » puis, la voyant froncer les sourcils « allons, vous savez bien que la virginité est un état passager ».
Ce à quoi elle répondit le plus sérieusement du monde et assez vivement « Mais ce n’est pas si vrai ! N’allez surtout pas croire que parce qu’on n’est plus vierge, « le faire » n’est pas important ou sans signification. »
C’est là qu’elle m’a donné sous le coup de l’émotion et sans le faire exprès une information de la plus grande importance.
« Elle », venait de me faire comprendre que les filles redevenaient vierges à chaque nouvel amour.
Je réfléchis un instant lui dis « Je me demande s’il n’y a pas que les garçons pour se préoccuper de cet aspect et que ce qui importe aux filles, c’est bien autre chose. »
Que je n’ai toujours pas découvert, ça doit être interdit aux garçons…
Elle me jeta ce regard que j’avais déjà vu dans l’œil d’un prof quand il manque tomber de sa chaise parce que, de façon impromptue, un cancre vient de comprendre quelque chose.
Ça lui a fait peu comme mon prof d’Histoire quand il surprenait un éclair d’attention chez moi.
Apparemment soulagée, elle se blottit un peu plus contre moi.
Si, si, c’était possible, essayez vous verrez, c’est toujours possible, d’ailleurs nous y sommes parvenus…
Et il a bien fallu, hélas, que nous rentrions, elle chez ses parents, moi à la maison.
09:16 | Commentaires (9)
samedi, 23 février 2013
Nos deux âmes jumelles, Ensemble ouvrant les ailes,
Plusieurs jours passèrent dans une ambiance oscillant entre merveilleuse et paradisiaque et un après-midi, serrés l’un contre l’autre sur un des bancs du square qui fait face au Théâtre de la Gaîté Lyrique, elle me parlait doucement.
Oui, elle parlait toujours doucement et oui nous parlions aussi…
A un moment, elle me dit « emmenez moi dans votre quartier, montrez-moi où vous habitez, vous voulez bien ? ».
- Ce n’est pas aussi reluisant que votre quartier, vous savez, vous y tenez vraiment ?
- Oui, j’aime l’idée de savoir où vous êtes quand je ne suis pas près de vous.
Nous nous sommes alors levés et nous sommes partis pour une contrée qui ressemblait à Beyrouth dans les années soixante-dix…
Nous voilà donc, marchant en direction du XVIIIème et, parvenus au croisement du boulevard Magenta et de la rue Lafayette, avons parcouru tous deux les trois boulevards que j’avais empruntés seul tout à l’heure.
Dès que nous atteignîmes la station Barbès-Rochechouart, elle sentit le changement de quartier.
Il en va de Paris comme des toutes les grandes villes du monde où il suffit souvent de franchir une rue pour changer totalement d’univers. Plus tard, au cours de mes pérégrinations, je suis souvent passé d’un quartier huppé à un quartier où le type que vous croisez sait au premier regard combien il va tirer de vos chaussures et de votre veste.
« Elle », eut l’air inquiet tout le long du boulevard Barbès, entre les stations Barbès-Rochechouart et Château-Rouge. Quand nous avons traversé la rue de la Goutte d’Or, elle se cramponna fermement à mon bras et agrippait son petit sac à main contre sa poitrine, comme si nous étions assiégés par une armée de bandits. Elle m’attira vers elle pour me chuchoter à l’oreille qu’elle se sentait mal à l’aise et même avait un peu peur. Bien qu’elle se rassérénât un peu quand elle vit que je m’y sentais à l’aise, j’allongeai le pas et nous entraînai sur le trottoir en face, moins populeux.
Plus nous approchions du métro Simplon, plus j’étais gêné. La proximité des « voyous de la Porte de Clignancourt » sans doute. Les voix devenaient plus fortes, les tenues plus débraillées et les immeubles plus lépreux. C’était un quartier ouvrier où le rasage hebdomadaire était la norme.
Ça donnait à beaucoup un air peu engageant et à certains un air franchement patibulaire. Je la rassurai en lui disant que le quartier n’était « que » pauvre, et « pauvre » ne veut pas dire « dangereux ».
Je me gardai bien de dire toute la vérité, qui était plutôt « pauvre ne veut pas toujours dire dangereux mais il vaut mieux faire attention ».
Je l’emmenais à l’entrée du passage où j’habitais et quand je lui montrai le « bougnat » du rez-de-chaussée, elle se serra contre moi et ne voulut pas aller plus loin.
Elle rit quand je lui racontai que la femme de monsieur « Bois et Charbons » était tombée dans les pommes quand elle avait ouvert sa porte et m’avait découvert sur le seuil, la figure en sang, ce jour funeste du lancement raté du véhicule interstellaire dont la portée n’excéda pas l’hôpital Bichat où il m’envoya pour deux mois et demi.
Elle se rappela d’un coup que j’étais la victime –pas vraiment innocente- et m’embrassa après m’avoir dit « Oh ! Je suis désolée ! » d’un ton qui montrait parfaitement qu’il n’en n’était rien.
Mais bon, elle était très bien élevée…
Nous sommes repartis vers des quartiers pas forcément plus cléments mais en tout cas moins miséreux.
J’avais peur maintenant qu’avoir vu dans quel endroit je vivais « ne portât un coup fatal à un amour qui ne demandait qu’à se transformer en passion dévorante » me disais-je car, à l’époque déjà, je ne reculais devant aucun cliché et la grandiloquence mal à propos ne me faisait pas peur.
Du coup, ce fut moi qui la serrai contre moi, tandis qu’on s’approchait de la rue d’Hauteville, quartier où le rasage quotidien était la règle.
On eut dit que je voulais me l’approprier. Idiot…
Elle dût le sentir car elle leva le visage vers moi et me sourit, l’air de dire « Il n’y a pas de raison que ce soit toujours la même qui soit inquiète… »
07:54 | Commentaires (8)
vendredi, 22 février 2013
Les mains dans les mains restons face à face
Le lundi fut, suite à cette découverte, encore plus triste.
Elle avait, elle aussi, des obligations familiales.
Il paraît qu’il est bon que les filles et les fils passent quelque temps avec leurs parents.
Au moins ça permettait, malgré un syndrome de sevrage cruel, de reposer des lèvres soumises à rude épreuve.
Mes parents étaient partis ce matin vers cinq heures, ce qui allongeait considérablement une journée qui promettait déjà d’être interminable.
Je mis donc à profit ce temps de torture pour, en premier lieu mettre un peu d’ordre et en second lieu, écouter de la musique. Mais non, pas Tristan et Isolde ni Don Giovanni, pfff…
Parmi mon fouillis audio il y avait un « tuner FM » – à tubes, s’il vous plaît ! Si je l’avais gardé, je pourrais tirer une fortune de ce truc « vintage »- ce « tuner », bidouillé à partir de kits et toujours tripes à l’air permettait d’écouter France Inter, France Culture et France Musique, les trois seules stations disponibles en 1966.
France Musique avait un énorme avantage sur le « France Musiques » d’aujourd’hui : On y diffusait les œuvres plutôt qu’en parler continûment pour n’en diffuser que des extraits à titre d’illustration du discours…
Il n’empêche que, malgré un peu de commissions et un passage devant « l’Ornano 43 » pour voir ce qu’on y projetait, la journée était longue comme un jour sans pain.
Je repassai sur France Inter qui passait un truc genre Rolling Stones ou Beatles.
A la fin de la chanson, j’éteignis tout et pris un livre auquel je ne réussis pas à m’intéresser.
Dieu n’existe pas mais il y en a quand même un pour les adolescents que l’absence de l’autre noie sous le spleen.
Il commença par réveiller la faim qui, chez moi avait le sommeil léger.
Le dîner avalé et la vaisselle faite, ce même dieu me permit de m’endormir profondément au bout d’une vingtaine de pages.
Le matin me réveilla avec son soleil éblouissant et un ciel qui, avec cette avalanche de lumière, ressemblait déjà à une tôle de fer.
Devinez quelle fut ma première pensée ? Ouiii !!! J’allais « la » voir !
Tout à l’heure était déjà trop lointain mais, comme disait le comte de Bussy-Rabutin, « quand on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a… ».
Je partis lentement pour la rue d’Hauteville, j’y allai en traînant nonchalamment le long des trois boulevards qui m’amenaient au bas de son immeuble. Je m’arrêtai dans un café pour y manger un sandwich et boire un verre d’eau.
Plus loin, j’achetai un paquet de chewing-gum à la menthe.
C’est ça le tact, ne pas oublier que la menthe c’est mieux que le saucisson sec pour embrasser l’élue de son cœur…
J’avais beau marcher lentement, mon pas était encore trop long et j’arrivai avec près d’une heure d’avance au bas de chez elle. D’ailleurs, j’étais idiot de l’attendre déjà. Il n’était pas treize heures.
Mais il y a des jours où la chance vous sourit. J’entendis dans son immeuble claquer précipitamment des semelles. Une heure de gagnée ! Après qu’elle m’eût dit que derrière le rideau elle surveillait la rue, nous refîmes une prise de « la fille du shérif et le héros » et nous partîmes pour le jardin du Luxembourg.
Après avoir rejoint les grands boulevards, nous descendîmes le boulevard de Sébastopol jusqu’à la Seine que nous traversâmes via l’île de la Cité.
Toujours flânant, nous avons remonté le boulevard Saint-Michel jusqu’au jardin du Luxembourg où nous nous sommes assis, face au kiosque à musique. Nous étions très en avance mais nous avions tant de jours à rattraper que nous avons su mettre ce temps à profit. Que n’avons-nous pas dit comme bêtises, ri sous cape à dire des méchancetés sur les promeneurs –c’est quelque chose où je suis très fort et il est heureux que je parle doucement- et évidemment échangé des serments où cette histoire d’éternité revenait souvent.
L’orchestre est arrivé et a commencé à s’installer, la cacophonie de l’accord des instruments nous a passionné un moment, les gens ont commencé à affluer à leur tour.
Le chef a présenté l’orchestre et l’oeuvre que vous connaissez sans doute.
Mais si, lectrices chéries, vous connaissez toutes, j’en suis sûr, ce concerto pour clarinette de Mozart. L’adagio de ce concerto accompagne merveilleusement la scène où Robert Redford lave les cheveux de Meryl Streep dans « Out of Africa » probablement la scène la plus érotique du cinéma américain. Quoique je me demande si la partie d’échecs entre Faye Dunaway et Steeve Mc Queen dans « L’Affaire Thomas Crown », ne l'est pas autant qui, elle aussi, réveillerait un mort…
Inutile de vous décrire l’état dans lequel ce concert nous mit. Nous sommes restés assis un temps fou après la fin du concert, ne voyant pas pourquoi nous devrions nous lever et regagner nos pénates.
D’autant qu’il faisait doux et que nous étions si bien, nos chaises presqu’aussi collées que nous.
En fait, je me demande encore comment nous sommes parvenus en bas de chez elle car parcourir une telle distance en se tenant par la taille n’est pas si aisé. Surtout qu’il n’était pas question une seconde de nous séparer en traversant les rues ou les boulevards.
Ah si ! A un moment, nous nous sommes arrêtés pour boire un café. Il a fallu que je lâche sa main au moment de régler le cafetier. On ne dira jamais assez la cruauté des cafetiers.
Avec bien du mal, nous nous résolûmes à nous séparer jusqu’au lendemain.
C'est fou comme les lèvres ont des propriétés adhérentes qui ne sont pas sans rappeler le gekko...
08:41 | Commentaires (7)
jeudi, 21 février 2013
Un petit baiser, comme une folle araignée, Te courra par le cou...
Non, ce détail affreux n’avait rien à voir avec des drames épouvantables comme le travail, la peau grêlée, la solitude ou pire, les cours d’Histoire. Non, c’était bien plus grave.
Et non, lectrices chéries qui ne pensez qu’à ça, il ne s’agissait pas de « ça ».
Je dois vous rappeler qu’en 1966, à part les bourrins qui se faisaient envoyer aux pelotes neuf fois sur dix, on ne « parlait pas de ça », « ça » arrivait, c’est tout, et seulement des fois, et le plus souvent « ça » n'arrivait pas…
Bon, revenons à notre histoire.
En effet, dans notre programme dominical, il n’y avait pas que l’échange de bisous, il y avait aussi un déjeuner. Déjeuner que avions prévu dans un de ces petits restaurants, nombreux dans les rues avoisinant les grands boulevards.
Bien que nous nous soyons retrouvés assez tôt, nos nombreux arrêts firent que la matinée était bien avancée quand nous atteignîmes le boulevard de Bonne-Nouvelle.
Plus nous avancions, plus il apparaissait, malheureusement pour la capacité d’absorption phénoménale des estomacs adolescents, que tous les petits restaurants qui nourrissaient le travailleur parisien pendant la semaine étaient fermés le dimanche.
Les restaurants ouverts sur les boulevards étaient hors de notre portée. Tous affichaient des prix qui allaient d’inabordable à exorbitant. Malgré la chappe de désespoir qui s’abattit alors sur les épaules de votre serviteur et de sa camarade, nous tînmes bon.
Nous avons donc continué jusqu’à la rue Montmartre que nous avons descendue jusqu’aux Halles.
Je voyais venir le moment où, tels « Carmen et La Hurlette », nous serions sur un banc à manger un paquet de gâteau « acheté chez un Arabe », un vrai repas de clochards.
Heureusement, pas très loin de l’Hôtel de Ville, un café du bas de la rue des Archives nous accueillit.
Enfin… Nous accueillit surtout d’un « non, non, non les enfants ! Là devant, il y a une table, pas la banquette là-bas ! »
Je tentai un « mais… Madame… » que j’eus à peine le temps de finir.
Elle continua, plus gentiment cette fois « je sais ce que c’est ! Vous allez vous mettre là-bas et vous bécoter jusqu’à pas d’heure ! Et moi, demain j’ouvre de bonne heure, alors je ferme tôt ! Qu’est-ce que vous voulez ? »
Je regardai Anne-Marie et lui dis « un sandwich ? », elle acquiesça, j’allai demander deux sandwiches quand la dame soupira et haussa les épaules.
« Un sandwich… J’vous demande un peu… A votre âge, ça mange…Vous ne voulez pas plutôt une omelette ? », elle sourit et ajouta « au jambon, pas aux oignons… » d’un air entendu.
Les dernières bouchées furent mangées froides parce que déjeuner les yeux dans les yeux nécessite un minimum de précautions qui ralentissent considérablement le rythme prandial.
Après deux cafés, « un normal et un serré s’il vous plaît madame » nous partîmes bras dessus bras dessous vers la Seine. Nous nous promenâmes sur le quai de l’Hôtel de Ville, jusqu’au quai Henri IV. C’était bien, il n’y avait pas encore la voie Georges Pompidou.
Nous revînmes vers l’Hôtel de Ville et remontâmes la rue du Temple. En ces temps reculés, la rue était totalement vide le dimanche, ce qui est bien pratique pour échanger des baisers sans être l’objet de la réprobation des bien-pensants.
Au bout d’un bon millier de mètres et d’environ trois cent mille bisous, nous nous arrêtâmes au square du Temple et nous assîmes. A part quelques rares « vieux » -autant dire des gens de plus de trente ans- le square était désert.
Nous étions assis sur un banc, les pieds sur une chaise –je sais, ça ne se fait pas mais nous étions si peu dans ce square…- et nous papotions car nos lèvres servaient parfois à parler quand elle me demanda « au fait, vous préférez « tu » ou « vous » ? »
- Je ne me suis pas posé la question, nous nous voussoyons depuis le début et je n’y ai rien vu de gênant ou de distant.
- Et maintenant ?
Je réfléchis un instant –ne ricanez pas, ça m’arrive quand même-.
- Je crois que je préfère « vous », c’est bien plus doux que « tu ».
- Ah bon ?
- Absolument, « je vous aime » est nettement plus doux que « je t’aime ».
Un silence profond s’installa. Au bout de plus sieurs secondes, elle demanda :
- C’est vrai ?
- Quoi donc ?
- Les deux.
- Que c’est plus doux ?
- « Je vous aime ».
- C’est vrai ?
- Oui.
- Depuis quand ?
- Le premier soir, quand j’ai trébuché sur « Ophélie », j’avais perdu le fil et vous m’avez soufflé
« C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux! »,
j’ai failli vous embrasser, et vous ?
- Le premier soir, sous le réverbère, quand vous m’avez dit « Vous avez trouvé un prétexte ? », vous étiez si belle, avec un tel regard, j’ai eu un mal fou à me retenir.
J’attirai sa tête contre ma poitrine et lui demandai de répéter.
Elle redit doucement « je vous aime » et affirma « c’est vrai, ça bat plus vite ».
Je lui demandai « et vous », elle écarta les pans de sa veste, un je ne sais quoi –enfin si, je sais- dans mon regard la fit s’écrier « ne touchez pas ! » puis elle attira ma tête contre elle. Son cœur battait vite.
- Redites moi « je vous aime … S’il vous plaît… Redites le…».
Je redis « je vous aime » et effectivement, son coeur eut un raté et accéléra mais je fus victime d’un brusque accès de tachycardie quand elle posa doucement sa main sur ma joue et me pressa contre sa poitrine plus longtemps que nécessaire.
C’est là qu’on s’est aperçu qu’on avait quand même plusieurs jours à rattraper…
Mon dieu qu’on est niais à cet âge.
09:24 | Commentaires (10)
mercredi, 20 février 2013
Avec ivresse et lente gourmandise
Le reste de la promenade fut agréable et beaucoup plus détendu que les jours précédents.
Nous flottions au dessus du macadam.
À vue de nez, je dirais environ à trente centimètres du sol…
A croire que chacun avait attendu de l’autre le geste qu’il n’osait lui-même.
Nous retournâmes d’un pas tranquille jusque chez « elle » et là, de nouveau, nous sentîmes empruntés.
Aucun d’entre nous n’osait réitérer de son propre chef cette si intéressante expérience.
Nous passâmes encore quelques minutes en bas, elle me tendit sa joue, je lui tendis la mienne.
Elle se dirigea vers la porte puis se retourna.
Tandis qu’elle me regardait je partis, j’entendis la porte de l’immeuble s’ouvrir.
Je me retournai puis revins sur mes pas, elle s’arrêta, nous repartîmes.
Nous fîmes quelques pas pour nous rapprocher puis je dis « à demain » et on recommença ce ballet plusieurs fois.
Nous nous étions peut-être transformés en douce en « Jokary ».
Mais si, vous savez bien, ce jeu où une balle est liée à son support par un élastique, de sorte que quelle que soit la force qui l’en a éloignée elle y revienne toujours …
Après nous être embrassés une fois de plus sur la joue, elle se dirigea enfin vers la porte tandis que j’attendais que la porte se referme.
Au bout de quelques pas, elle s’arrêta, se retourna vers moi et referma les yeux en disant doucement « vous ne voulez pas recommencer ? Pour être sûre… ».
Et je me demandai ce qu’une fille aussi jolie pouvait bien trouver à un garçon comme moi mais je m’exécutai.
Je n’avais aucune idée de ce que nous ferions dimanche mais ça n’avait plus aucune importance.
Tout ce que je savais, c’est que nous serions ensemble dès le matin car elle était seule et que nous déjeunerions dans un café.
Ce dimanche arriva trop lentement à mon gré, pourtant la soirée avec les parents avait été agréable et, pour une fois, le dîner consistait en « vraie cuisine », pas le sempiternel « pâtes-jambon » ou pommes de terre sautées-omelette. L’humour paternel, celui qui faisait bondir ma mère et lui donnait envie de lui donner des coups de poêle, faisait ses dégâts habituels. Cette fois, je faisais partie de ses cibles.
« Tu devrais y aller doucement, fiston, à force d’astiquer tes chaussures, on commence à voir tes chaussettes au travers… » ou « Fais quand même attention, un poteau est si vite arrivé quand on rêvasse en marchant. »
Ma mère, qui appréciait modérément l’humour paternel le supportait mieux quand il m’égratignait.
Surtout quand il moquait ma préparation à un rendez-vous galant.
Pour ma mère, qu’il s’agît d’un grand amour –pour elle d'ailleurs, aucun ne pouvait exister qui lui enlevât son fils- ou d’un flirt, j’avais droit à « tu vas encore retrouver cette fille ?! ».
Je me rappelle vous avoir dit que Freud s’est lamentablement planté, et que ce n’est pas le père qu’il faut tuer.
Je confirme.
Je quittai la maison joyeusement après avoir extorqué un supplément de plusieurs dizaines de francs à mon père qui n’était pas tenaillé, lui, par une envie furieuse de contrarier mes buts et savait bien l’importance du nerf de la guerre.
Et il savait combien les guerres de conquêtes sont dispendieuses…
Pour éviter d’empoussiérer mes chaussures, je pris le métro. J’attendis avec impatience le vacarme de ces rames vertes avec leur wagon rouge dans le milieu.
Vous souvenez-vous de ces plaques émaillées de couleur « blanc cassé » sur les flancs intérieurs des wagons ? Avec leur grecque tarabiscotée et difficile à suivre du doigt ? Ces merveilleuses créations de la société « Le Verre Etiré » faites exprès, j'en suis sûr, pour calmer l'impatience de ceux qui se rendaient à un rendez-vous.
Le dimanche, cette ligne était encombrée mais j’avais peu de stations à parcourir entre Simplon et Gare du Nord et ça m’éviterait une séance d’astiquage de mocassins poussiéreux.
Après avoir descendu la rue Lafayette, avant même d’avoir atteint la place Franz Liszt je la vis.
Hé hé… Cette fois c’est elle qui était en avance.
Nous nous commençâmes par échanger, alors que l’ai su plus tard, pas plus que moi elle ne songeait à ça, un baiser sur chaque joue.
Plus jeune, comme beaucoup de garçons, j’avais rêvé parfois vivre entouré de filles nues, livrées à ma curiosité sans limites et satisfaisant avec plaisir des caprices qui n’avaient rien à voir avec les bonbons.
Apparemment, la vie semblait un peu plus compliquée que ça…
Je fus même surpris à cette époque de constater que je n’avais pas qu’un zizi mais aussi un cœur et que l’un n’allait pas sans l’autre.
Ce qui ne va pas sans causer bien des problèmes, surtout dans ce monde plein de bellâtres blonds à deux yeux pour vous faire concurrence.
Nous avons commencé à remonter sa rue en direction des grands boulevards puis nous nous sommes regardés et nous avons « fait comme hier ».
Nous y avons pris goût et réitéré la chose avec assiduité.
Nous tentâmes même avec succès la « version The End » mais il n’était pas pour autant question d’amour, hein...
Elle fut éblouissante dans le rôle de la fille du shérif.
Je tins honorablement celui du héros qui gagne à la fin.
Au lieu de nous enlacer nous aurions mieux fait de réfléchir à un détail affreux.
Enfin, affreux pour des adolescents…
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