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dimanche, 06 mars 2016

Call of duty...

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Ah non Lakevio !
Tu ne m’as pas fait ça !
Ça, c’est vache !
J’en ai encore mal au mollet droit.
Mais si, tu sais bien, quand on vient de la rue Steinkerque et qu’on remonte le jardin du Sacré-Cœur par l’allée sinueuse qui longe la rue Ronsard.
Je suis sûr que tu connais cette allée.
Eh bien regarde le, ce gosse, Lakevio.
Il a quoi ? Dix ans ? Onze ans peut-être ?
Je suis comme toi, Lakevio, je le vois, il a encore sa culotte courte de velours côtelé.
Une de ces culottes marron foncé qu’il cessera bientôt de traîner.
Et encore, aujourd’hui c’est le printemps alors ça va.
Il semble content d’avancer le long de l’allée qu’il remonte d’un pas lent.
Non qu’il traîne la patte, non, simplement il regarde attentivement dans les buissons tout le long de l’allée.
Il donne un coup de pied dans le journal qui vient de glisser du banc devant lequel il passe, poussé par un petit coup de vent.
Oui, il fait ça le gamin, le bras droit allongé par un cartable lourd d’un énorme Gaffiot.
C’est le cartable du mercredi, le jour de la correction de la version rendue le lundi.
Tu le vois ce gosse, Lakevio ?
Je suis sûr que tu le vois, il regarde dans les arbustes s’il peut voir les oiseaux.
Il les entend mais ils sont invisibles.
Et ce cartable, bon sang ce cartable qui, à chaque pas, lui bat le mollet…
Quand il arrive presqu’en haut de cette allée qui longe la rue Ronsard, il s’arrête un moment. Il s’assied sur la première marche de l'escalier qui mène à la rue et pose son cartable entre ses jambes. Le fermoir d’une des poches du devant lui griffe la jambe, il pousse un peu le cartable mais ne bouge pas.
Le gosse se demande seulement s’il va sortir là du jardin ou continuer jusqu’en haut, jusqu’aux escaliers de la rue Utrillo et la sortie de la rue Muller.
Oui, il ira jusque là car sortir la où il est l’amènerait à prendre la rue Del Sarte jusqu’à la rue de Clignancourt et il n’aime pas.
Or la rue Del Sarte pue le pipi.
D’aussi loin qu’il se souvienne, même plus petit quand sa grande sœur l’emmenait au Sacré-Cœur, la rue Del Sarte sentait le pipi et il n’aimait pas ça.
En plus elle était laide comme tout, les immeubles étaient noirs, comme tous les autres du quartier mais en plus ils avaient quelque chose de triste.
Tous. Absolument tous !
Tandis que la rue Muller, elle, lui semblait bien mieux.
Alors le gamin s’est relevé,  a passé une main, pleine de taches d’encre de stylo qui fuit, dans ses cheveux pleins d’épis et est reparti dans l’allée, vers la rue Utrillo et la rue Muller.
Il la prendrait jusqu’à la rue Ramey.
Il aimait bien la rue Ramey, surtout ce petit carrefour ou un panneau magique scintillait au moindre souffle de vent.
Il s’est toujours demandé comment ça marchait mais il trouvait ça très beau, surtout avec le soleil de printemps.
Alors, heureux, il oublia le battement du cartable contre sa jambe et se dépêcha d’atteindre la rue Ramey.
Il savait bien, lui, pourquoi on venait du monde entier pour voir Montmartre…

Commentaires

Le Baedeker des rues de Paris c'est toi.

Écrit par : mab | dimanche, 06 mars 2016

"lourd d’un énorme Gaffiot."
Ah non, pitié, pas lui !!!!!

Écrit par : Brin de broc | dimanche, 06 mars 2016

Ah le Gaffiot et le quartier Montmartre... Des tas de souvenirs pour moi aussi, même si je n'y venais que pour aller au lycée avant de reprendre mon métro... Très beau texte.

Écrit par : la Mère Castor | dimanche, 06 mars 2016

Tu aurais pu laisser mon com de correction et enlever celui avec la faute.

Écrit par : mab | dimanche, 06 mars 2016

J'aime ton texte... il est très vivant
et je vois bien ce gosse avec son cartable trop lourd...

Écrit par : Coumarine | dimanche, 06 mars 2016

je ne vois pas d'enfant, je vois un homme mûr

Écrit par : liliplume | dimanche, 06 mars 2016

Tu ne vois pas clair, il vient de passer.
L'homme mûr a abandonné son canard sur le banc.
C'est ce canard à quoi l'enfant a donné un coup de pied.

Pff... Faut tout t'expliquer...

Écrit par : le-gout-des-autres | dimanche, 06 mars 2016

Ça sent le vécu, tes descriptions sont d'une précision impressionnante ;-)

Écrit par : Praline | lundi, 07 mars 2016

on sent tout de suite que tu ... es chez toi et que dans ce cas les souvenirs affluent !

Écrit par : emiliacelina | lundi, 07 mars 2016

Bien sûr que j'ai pensé à toi, mon cher Goût et je savais que tu nous trouverais des mots pour nous raconter un souvenir sorti de dessous le banc, des buissons du sentier, de l'enfance curieuse et prometteuse. ce que tu as fait. Bravo et merci.

Écrit par : lakevio | lundi, 07 mars 2016

L'homme s'assied sur le banc, ce banc qui garde ses souvenirs d'enfant.
Il lit un journal, mais ce ne sont pas les nouvelles du jour qu'il égrène mais la douceur des jours anciens. Le journal n'est là que pour éviter qu'on l'aborde.

Écrit par : Sophie | lundi, 07 mars 2016

Quel bel hommage à ce quartier d'exception. La prochaine fois que je vais à Paris, je prends tes indications et je suis les dédales des rues ici nommées, comme on le fait d'un guide touristique.

Écrit par : Véro | lundi, 07 mars 2016

Bpn je vais changer de lunettes...

Écrit par : liliplume | lundi, 07 mars 2016

Les commentaires sont fermés.