samedi, 08 avril 2017
Plus près de toi, mon vieux.
Je sais, Mab, je sais…
Ce matin, j’ai reçu un long mail d’une cousine du côté paternel.
Une histoire de « cousinade ».
Une « cousinade » c’est comme un enterrement mais où on n’enterre personne.
Juste on fait connaissance de centaines de personnes dont on n’a jamais entendu parler mais qui te disent « on est de la même famille, ton père est l’arrière-petit-cousin de mon arrière-grand’ mère ».
En plus, je n’en connais que deux ou trois sur la centaine et demie qui sera peut-être là.
Ce mail est arrivé justement quelques jours après une lettre de ma grande sœur.
Lettre qui retraçait la carrière militaire de mon père.
Il fut décidément un homme très courageux.
Il le prouva en supportant ma mère et nous plusieurs décennies.
Parce que la guerre, pour avoir vu des tas de films de guerre, je sais que c’est facile.
Enfin... Dans les films…
Plus que ma mère en tout cas, parce que je la connais, elle…
D’ailleurs je le soupçonne dans mes moments de déprime d’avoir choisi l’amiante, histoire d’avoir une bonne excuse pour nous planter là.
J’ai donc lu la lettre de ma grande sœur.
En la lisant, une photo m’est revenue à l’esprit.
Une photo prise en Italie pour ce que je me rappelle.
Je la revois comme si elle était sous mes yeux, ce jour de soleil dans notre logement du XVIIIème.
C’est une photo « noir & blanc » sur laquelle on voit trois jeunes hommes en treillis, ces treillis unis qui n’avaient rien à voir avec les « tenues léopard » modernes.
Ma mère me la montre, assise à côté de mon père alors que je suis encore un gamin de pas même quatorze ans.
De ces trois jeunes gens, je me rappelle évidemment mon père qui était encore extrêmement mince et un autre, celui que mon père appelait « Jésus » à cause de sa ressemblance avec le crucifié due à la barbe qu’on lui voit souvent et des cheveux plutôt longs.
Tous trois avaient les cheveux bien longs pour des soldats mais l’absence des coiffeurs se fait cruellement sentir sur les champs de bataille.
Alors que j’écoute mon père raconter comment cette photo a été prise, un détail me frappe : Les fusils sont couchés à leurs pieds, les trois jeunes gens me semblent décontractés mais ils ont le casque attaché à leur ceinture.
- Pourquoi vous avez le casque à la ceinture et pas sur la tête ?
- Parce que tu vois, fils, une balle dans la tête et hop « adamacanne et mon chapeau » alors que si tu la prends « là », à quoi ça te sert d’être vivant ?
- Et autrement ?
- Autrement, des fois tu meurs, des fois tu meurs pas…
Bien plus tard il a expliqué à la lumière de mes jours « Tu sais, ma fille, la mort par hémorragie est une mort très douce, on s’endort… »
Heure-Bleue en est tombée d’accord qui avait bien failli, elle aussi de cette façon, laisser la vie en la donnant à l’Ours.
Bref, il savait ce qui était important, mon père.
Un jour je vous dirai ce qu’est « adamacanne et mon chapeau »…
09:36 | Commentaires (9)
jeudi, 06 avril 2017
Allez l’épié ! Nique les !
Ouais bon, je sais Mab, je sais...
Lectrices chéries, connaissez vous ce qu’il peut y avoir de commun entre « Les pieds nickelés », « Les comptoirs des Indes », « Les sept péchés capitaux », « les quatre fils Aymon » et « Les sept merveilles du monde » ?
Eh bien, ce rapport m’a sauté aux yeux lundi dernier.
Nous venions de déjeuner d’un « döner » et nous sommes partis faire nos kilomètres, ceux qui nous entraîneraient vers la Galerie Vivienne puis l’Opéra, enfin la Madeleine.
Nous sommes passés par « les passages ».
C’est là que j’ai demandé à la lumière de mes jours :
- Les Pieds Nickelés, il y a Filochard… Ribouldingue… et…
- Tu les as déjà dits, il manque… Il manque…
C’était ça, le rapport !
Il en manque toujours un !
- Je vais demander, il y a plein de librairies dans le passage Jouffroy.
Heure-Bleue m’a répondu :
- Non ! En revenant tu regarderas sur le Web, et puis c’est tout !
Elle m’a épié du coin de l’œil tout en regardant les vitrines, histoire que je n’aille pas déranger quelqu’un
Elle est comme ça, la lumière de mes jours, elle me fait faire des kilomètres à traverser et retraverser les rues pour regarder des fringues mais demander un renseignement sans acheter lui semble insurmontable.
Ça doit dater de l’époque où sa librairie se remplissait les jours de pluie et se vidait subitement quand le bus arrivait.
Je la comprenais.
Mais je suis tout de même entré dans la librairie dédiée aux BD, celle qui est à côté de l’hôtel Chopin où on s’était promis d’aller un jour et où on n’est pas encore allé.
J’ai demandé.
Un vieux barbu a levé les yeux, m’a souri et dit « mais enfin ! C’est Croquignol ! »
Du coup, je me suis rappelé « les sept péchés capitaux » et « les sept merveilles du monde ».
Pour « Les quatre fils Aymon », chanson de geste que j’ai lue il y a des milliers d’années, il m’a fallu gratter mais ça a fini par revenir.
Quant aux « Comptoirs des Indes » celui qui m’échappe toujours, c’est Yanaon
Je ne sais pourquoi…
09:03 | Commentaires (22)
mercredi, 05 avril 2017
Quand le vin cuit, le verre asseoit…
De rien Mab, de rien...
J’avais préparé un filet mignon avec une purée de carottes à la crème.
Il serait accompagné de « dim sum » de légumes à la vapeur.
Bon, vous vous en foutez, lectrices chéries, mais quand même, il faut que je vous dise.
Nous étions à table en train de papoter.
J’avais remarqué que depuis le matin, passé l’heure de calme qui suit le petit déjeuner, nous parlions.
Sauf un bref moment de silence pour écouter « le jeu des mille €uros », nous avons parlé.
Je serais bien incapable de vous dire de quoi.
Seulement que beaucoup de sujets furent abordés.
Ma tendance à « bordéliser » la maison fut l’un d’eux.
Oui, Heure-Bleue est trop petite pour nettoyer le miroir de la salle de bains, la tâche m’est donc dévolue.
Et j’oublie souvent…
Faire le lit aussi, formé à la dure, je le fais « au carré », juste je mets les oreillers d’une façon qui ne convient jamais à la lumière de mes jours.
Puis, le dîner a commencé, ouvert par les « infos ».
Puis la conversation a dérivé je ne sais pourquoi, sans doute une phrase entendue à la télé, sur une histoire de divorce.
Nous avons commencé à discuter sur les comportements possibles entre « les ex ».
La conversation a commencé à s’éteindre quand j’ai eu l’idée idiote de dire :
- De toute façon on n’a pas d’ex…
- Ou alors ils ne comptaient pas…
A dit Heure-Bleue.
- Ouais, on n’a pas d’ex…
Ai-je renchéri.
C’est là que le regard d’Heure-Bleue s’est allumé.
Souvent j’aime bien parce que j’aime beaucoup ses yeux clairs mais là je me suis méfié.
J’ai bien fait.
- Enfin, peut-être quand même…
- …
- Bon, il y en a quand même une qui t’a retrouvé sur le Net…
Par chance, ça a déclenché un fou-rire.
Ça nous a fait du bien, ça faisait au moins deux jours que ça n’était pas arrivé.
Mais quand même, cette mémoire infaillible pour les détails embêtants ou les bêtises que j’ai faites il y a parfois des décennies, c’est gênant.
Vous savez ce qu’elle m’a jeté un jour à la figure, lectrices chéries ?
Vous connaissez mon tempérament, celui qui me pousse à me faire traiter de « midinette » par Mab, celui qui a fait dire à une lectrice chérie que j’ai « un cœur d’artichaut » ?
Eh bien, il y a à peu près deux semaines, un jour où elle avait la veine argotique et leste, elle m’a jeté à la figure :
- Un « cœur d’artichaut »... un « cœur d’artichaut »...
- Mais…
- Je t’en foutrais moi, du « cœur d’artichaut » ! Une « b… d’artichaut », oui !
Ouais, elle m’a dit ça, la lumière de mes jours.
Alors quand la conversation dérive sur les histoires de couples qui se font et se défont, j’ai toujours ce petit pincement d’inquiétude.
Quand je vous dis que les femmes ne savent pas ce qu’elles veulent.
Plus exactement, elles veulent des choses inconciliables.
Genre l’amoureux tout neuf qui n’a jamais servi mais doté du savoir-faire acquis par l’expérience.
08:49 | Commentaires (12)
lundi, 03 avril 2017
Mon enfer me ment…

Ça ne va pas ce matin.
Le printemps est enfin arrivé, j’ai choisi des vêtements légers puis je me suis habillée.
Mais quelque chose ne va pas, je sens que quelque chose va de travers.
Ce n’est pas la première fois que je me lève en méforme.
L’âge se fait sentir, hélas…
Mais alors qu’habituellement je peste intérieurement à cause de douleurs diverses, ce matin c’est autre chose.
Ce n’est pas quelque chose de précis, non.
C’est une question d’ambiance.
Enfin, je vais y aller.
Le premier étage à peine descendu, la faim m’a tordu le ventre.
Ça m’est revenu, j’ai oublié de déjeuner.
J’ai même oublié mon café au lever.
Cette fois-ci, c’est la peur qui m’a tordu le ventre, en remontant mon étage, je me suis rendu compte que j’étais seule, que s’il m’arrivait quelque chose je devrais y faire face seule.
Déjà, cette sensation, heureusement éphémère et rare, de désorientation quand j’arrive dans ma rue et que je ne reconnais plus les immeubles ni ne sais où est mon entrée.
Enfin… Aujourd’hui il fait beau et je vais me promener.
Je commence par acheter un pain au raisin chez le boulanger, il faut tout de même que je mange un peu.
- Bonjour Madame Dugenou !
- Ah ? Vous vous rappelez mon nom aujourd’hui ?
- Bien sûr !
- Jeudi dernier vous aviez beau chercher, vous l’aviez oublié.
- Ah bon ?
- Mais c’est pas grave, allez, ça nous arrive à tous d’avoir des « trous de mémoire »…
La peur m’a saisie plus fermement.
- Vous vous êtes habillée en jeune fille, aujourd’hui.
- Oui, il fait enfin beau.
- On voit bien que le printemps est revenu depuis un moment, ça vous va bien.
Je suis sortie avec l’impression d’avoir raté quelque chose…
- Madame ! C’est deux €uros ! Vous avez oublié de me payer, c’est pas grave…
Je lui donne ses deux €uros et je marche en regardant les boutiques.
Il fait même chaud.
Quand je passe devant le jardin, je suis effarée, la peur grandit en moi.
J’ai été surprise à regarder les pelouses.
Je pensais que le printemps était arrivé ce matin et j’en étais heureuse.
Maintenant je suis paniquée.
Les pelouses ressemblent à de la paille.
Je le sais, j’ai la maladie dont j’avais le plus peur.
Elle m’a volé les dernières semaines !
Mais je ne me laisserai pas faire, ce n’est pas elle qui m’emportera.
Je ne me laisserai pas faire par cette saloperie.
- Que voulez vous, je ne pouvais rien faire, vous avez vu ?
- Mais oui monsieur, la RATP va envoyer quelqu’un vous relever.
- Vous avez vu, hein ? Vous avez vu ! Elle s’est jetée sous mon bus !
08:11 | Commentaires (25)

