samedi, 06 janvier 2018
Le débat éclot…
L’affaire Weinstein a décidément des effets collatéraux déroutants.
Que des femmes aient enfin osé porter devant la justice des faits inexcusables et tus pendant trop longtemps est un bénéfice évident.
Même si la loi, depuis longtemps, n’a jamais autorisé qui que ce soit à violer ses congénères, elle dit clairement et depuis des décennies qu’on ne peut exciper de sa position pour exiger des avantages d’ordre sexuel de qui que ce soit sous quelque prétexte que ce soit.
De même, que ce soit à l’embauche, lors de l’attribution de promotions ou d’augmentation, discriminer de quelque manière que ce soit en raison de l’âge, du sexe, de la religion ou de l’ethnie est strictement interdit par la loi.
Je ne peux que regretter que le bras de la justice tombe avec tant de vigueur sur l’échine du mal loti quand il vole une pomme et rate le bien loti avec constance quand il vole des organismes.
Je regrette encore plus que ce bâton soit de velours quand le coupable est un homme et la victime une femme.
Néanmoins…
Néanmoins donc, pour en revenir aux effets secondaires curieux de l’affaire Weinstein, une nouvelle m’a tellement surpris que j’ai failli m’envoyer mon café sur les genoux.
La dernière mise en scène de Carmen a vu un développement étrange.
Une précédente tentative, celle d’Olivier Py, avait vu Carmen désarmer Don José et le jeter comme le nullard qu’il était.
La dernière version est encore plus surprenante.
L’opéra de Florence a laissé Muscato faire une modif à revisiter l’œuvre de Bizet.
Muscato décide que cette fois, c’est Carmen qui tuera Don José.
Il dit « à notre époque, marquée par le fléau des violences faites aux femmes, il est inconcevable qu’on applaudisse le meurtre de l’une d’elles. »
Comme si le meurtre d’un homme, fut-ce Don José, était plus acceptable…
Ce qui m’a le plus chiffonné, ce n’est pas que Carmen flingue Don José, ce connard qui n’avait même pas remarqué que Micaela était raide dingue de lui.
Non, c’est qu’on en soit réduit à bidouiller des œuvres parfaitement écrites.
J’attends avec appréhension la transformation de Tristan et Iseult en vague histoire de cocufiage royal pendant une croisière.
Suivra alors la transformation de Roméo et Juliette en une histoire d’ados, pincés par des parents ennemis, en train de jouer au docteur…
Manquons-nous si cruellement de gens de talent capables d’écrire des pièces de théâtre au point qu’on en vient à lire des romans sur scène ?
Manquons-nous aussi de librettistes et de compositeurs au point de laisser des metteurs en scène mégalomanes massacrer des œuvres qu’ils ont été incapables de créer ?
Si le dénouement d’une œuvre ne leur plaît pas, qu’ils en écrivent une !
Ce qu’ils font est du vandalisme.
Ils seraient les premiers à hurler au scandale si on agrémentait « Le pont de l'Europe » de graffiti comme c’est le cas aujourd'hui ou si on épilait « L’Origine du Monde » pour qu’elle soit « dans l’esprit du moment »…
07:00 | Commentaires (17)
Commentaires
Quelle belle et saine colère, que je partage dans son entièreté.
Ce qui est valable dans la Musique l'est également dans le cinéma : il n'y a plus de scénaristes qu'il devient courant de faire plus de remakes que de bons films s'appuyant sur des textes solides, et surtout ne dénaturant pas un livre jusqu'à lui retirer sa substantifique moelle.
J'en profite pour te souhaiter un heureux anniversaire, il n'y a plus qu'un tout petit bout de chemin pour sauter le pas. Et tant que tu auras l'appétit de t'indigner, tu seras toujours jeune. Alors le nombre d'ans ne veut pas dire grand chose.
Écrit par : Sophie | samedi, 06 janvier 2018
Triste époque, triste époque... On ne retouche pas encore les tableaux ou les sculptures mais on les ôte ou on les masque... Très beau billet qui se termine sur une phrase désopilante. La pince à épiler, il fallait y penser.
Cette année, je ne l'ai pas mis sur mon blog mais j'y pense depuis plusieurs jours : Bon Anniversaire, LeGoût !
Bises
PS : nous ne sommes pas dans l'état de ta douce mais presque morts quand même avec des rhumes tenaces.
Écrit par : lakevio | samedi, 06 janvier 2018
Oui, c'est vraiment ridicule tu as raison.
(et bon anniversaire !)
Écrit par : Anita | samedi, 06 janvier 2018
N'importe quoi!
Écrit par : mab | samedi, 06 janvier 2018
Tout d'abord bon anniversaire Mr le Goût. Au moins, tant qu'on peut s'indigner, c'est que la santé mentale est encore bonne...
Là, tu as raison de t'indigner. Ca m'horripile de voir qu'au nom de la bien pensance, de la bienséance, des nouvelles règles de la société, on dénature tout..
A quand la suppression des cigarettes dans tous les films ! (va y'avoir du boulot, là) les indiens massacrant John Wayne avant qu'il ne les flingue...
Bon, le tableau l'Origine du monde, là, je veux bien qu'on mette un string à la dame. Ce tableau me gêne presque autant que le plug anal...et on sait que dans la gêne, y'a plus de plaisir.
Écrit par : julie | samedi, 06 janvier 2018
Vaste débat...où les amalgames, hélas, desservent la cause plus qu'elles ne la servent.
Evidemment je suis d'accord avec toi, bidouiller les oeuvres pour les mettre dans l'air du temps, c'est parfaitement idiot. C'est un peu comme avoir mis une fleur dans la bouche de Lucky Luke à la place de son mégot...
La seule chose que l'on peut se demander, c'est pourquoi tant d'oeuvres, littéraires, musicales, picturales passées à la postérité laissent plutôt la part belle aux éléments masculins...Si ce n'est que la culture a longtemps été une affaire d'hommes (confer le nombre d'académiciens rapport aux académiciennes...)
Mais Carmen doit continuer de mourir, je suis d'accord. Et l'origine du monde de montrer ce qu'elle montre sans pudeur ni faux-semblants
¸¸.•*¨*• ☆
Écrit par : celestine | samedi, 06 janvier 2018
C'est seulement que l'époque était comme ça.
Parmi les premières choses que l'on apprend, me semble-t-il en ethnologie ou en histoire, c'est de ne pas juger une époque selon les critères d'une autre.
Les Grecs de l'Antiquité s'accommodaient apparemment fort bien que lorsqu'une ville était conquise, on tuait tous les hommes, on emportait les femmes et on emmenait les enfants comme esclaves et ça ne choquait personne.
Je pense que si les gens de cette époque considéraient la nôtre avec la façon de faire de Muscato, ils prendraient l'Europe d'aujourd'hui pour un bled de chochotes et se demanderaient comment ça peut marcher dans des pays où les femmes et les gosses peuvent donner leur avis.
Pire, même les peuples peuvent choisir leurs dirigeants !
Ils seraient morts de rire, ils prendraient leurs glaives et se lanceraient à la conquête de ces bleds de fillettes...
Écrit par : le-gout-des-autres | samedi, 06 janvier 2018
Je partage complètement ton indignation ! Et "L'origine du monde "
est bien dans l'esprit du moment , car il me semble avoir lu ou entendu que la mode n'est plus à l'épilation ...
Bon anniversaire cher Goût !
Écrit par : Francelyne 17 | samedi, 06 janvier 2018
Maria... On est scotché à son siège!
J'ai du aller dans l'espace intersidéral pour voir La Bohème, j'ai assisté à un Don Giovanni amputé de la fin, c'est plus smart parait-il! Et j'ai vu un Cosi où le metteur en scène avait transformé l'histoire, juste par la mise en scène, en une torride histoire d'amour...
Je vous souhaite un bon dimanche.
Jean-Jacques'60
Berne le 6 janvier 2018
P.-S. Vous avez de la chance, vous pouvez aller voir "L'origine du monde " tous les jours, excepté le lundi, jour de fermeture du musée ainsi que les jours de grève...
Écrit par : jeanjacques666 | dimanche, 07 janvier 2018
P.-S no2 Carmen va occire Don José et hurlera: "Vous pouvez m'arrêter, j'ai tué mon Don José"
Écrit par : jeanjacques666 | dimanche, 07 janvier 2018
Je suis d'accord, c'est bête, autant pondre une autre histoire à ce compte-là...
Mais ce que je trouve intéressant dans cette anecdote, c'est le hiatus que ça révèle entre la culture et l'évolution des moeurs. Il y a des histoires classiques que je n'ai pas envie de transmettre à Adèle parce qu'elles sont vraiment tout ce qui me défrise question féminisme (au hasard, Blanche-Neige), et en même temps, je ne vois pas bien comment y couper, culture commune oblige.
Écrit par : Milky | dimanche, 07 janvier 2018
bien sûr que tu as raison !
Écrit par : emiliacelina | dimanche, 07 janvier 2018
Je ne comprends pas que les œuvres ne soit pas protégées aussi bien dans leurs paroles que dans dans leur époque. J'ai vu Rigolleto à la Fenice de Venise version ultra moderne, je n'ai pas aimé du tout.
Écrit par : manouedith | dimanche, 07 janvier 2018
C'est vrai que j'ai vu aussi le reportage à la télé... Les scènes de violence étaient assez crues. Je me souviens d'avoir vu Carmen au cinéma, mais je ne me souviens absolument de rien, je n'ai que la musique en tête. "Et c'est l'autre que je préfère, il n'a rien dit-i mais il me plaît-è" etc.
Mais si on ne s'était pas encore attaqué aux opéras, on l'a déjà fait aux films (tiens, Visconti, dans Mort à Venise, transforme le professeur Ascenbach écrivain en compositeur), et aux livres (Elisabeth Barbier était furieuse contre le réalisateur des Gens de Mogador qui non seulement n'avait pas respecté ses desiderata, mais avait vachement trahi l'histoire). Qu'on élague est compréhensible (voir Doctor Jivago), mais qu'on trahisse est plus perturbant...
Écrit par : Pivoine | dimanche, 07 janvier 2018
Et en effet, pour la naissance du monde, on serait plutôt à une époque où on lui mettrait un string (il devrait être large) ou une feuille de vigne. Personnellement, je n'en raffole pas.
Écrit par : Pivoine | dimanche, 07 janvier 2018
Épiler l'origine du monde.... Mouarf !
Écrit par : Berthoise | dimanche, 07 janvier 2018
Les téléjournaux n'en parlent que ce soir. Tu es un précurseur, le goût!
Écrit par : Livfourmi | dimanche, 07 janvier 2018
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