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lundi, 08 janvier 2018

Absence…

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Je monte difficilement l’escalier aujourd’hui.
Aujourd’hui plus que d’habitude.
Je ne m’habituerai jamais.
J’ai mal.
Elle me manque.
Elle me manque tant…
Ça fait des années qu’elle est partie.
Je n’ai jamais su pourquoi.
Je me demande tous les jours pourquoi elle m’a quitté.
Même les enfants ne me l’ont pas dit.
Ils ne m’ont jamais rien dit.
Pendant que je ressassais ça, comme tous les jours depuis…
Pfff… Depuis des années.
Je ne sais plus combien.
Elle me manque depuis si longtemps…
J’aurais dû être guéri, depuis le temps, mais non, tous les jours c’est comme si elle avait claqué la porte la veille.
J’insère la clef dans la serrure et ouvre la porte qui donne sur l’entrée.
Et je revis !
La console n’est plus ce meuble désert, vaguement occupé par la coupelle dans laquelle je pose la monnaie du pain ou une agrafe qui encombre ma poche.
Elle est revenue !
Je sais que c’est elle, rien qu’au bouquet de tulipes.
Elle adore les tulipes.
Je reconnais ses gants, cette paire de gants que les années n’ont pas même effilochés.
Et cette petite pochette !
Cette petite pochette de tissu que je lui avais ramenée de je ne sais où et qui lui plaisait tant.
Elle m’embrassait chaque fois qu’elle la prenait.
Oui, elle la prenait, la faisait tourner autour de son poignet et me donnait un baiser.
Évidemment, comme toujours elle a laissé traîner sa boîte d’allumettes et son étui à cigarettes.
Elle est revenue !
C’est la première fois depuis des années que je suis vraiment heureux.
C’en est douloureux...
                                                 ***
Elle arrive essoufflée au deuxième étage, y trouve son frère devant la porte.
Les pompiers et la police sont à l’intérieur, appelés par un voisin.
En entrant, elle pose son sac sur la console déserte, à côté de la petite coupelle où reposent quelques pièces de monnaie et un trombone.
Le corps de leur père est là, en travers de l’entrée.
Elle dit alors à son frère :
- Heureusement, il a toujours cru qu’elle s’était enfuie avec on ne sait qui.
- Si on lui avait dit qu’elle était morte...
- Oui… Je sais bien comment il était, il serait mort peu après…
- Oh oui, il aurait passé ses journées à attendre la mort.
- Alors que là, il a juste attendu pendant des années qu’elle revienne.
- Tu crois vraiment qu’il ne savait pas ? Il n’était pas idiot, quand même…
Elle a regardé son frère :
- Il avait besoin d’une raison pour vivre, alors il l’a attendue, même s’il savait qu’elle ne reviendrait jamais.
- Bon, là, c’est lui qui l’a rejointe.
Ils ont payé le médecin et attendu les pompes funèbres dans l’appartement froid aux fenêtres grandes ouvertes.
Elle a dit :
- Tu te rends compte ? Il a pleuré plus de dix ans sans savoir qu’elle était morte.
- Tu le crois, ça ? Que nos parents s’aimaient comme ça ?
- Peut-être que pour lui, il était simplement impossible que maman soit morte...

Commentaires

Tu aurais pu faire plus gai, c'est d'avoir pris un an qui te donne des idées noires.

Écrit par : heure-bleue | lundi, 08 janvier 2018

J'aime beaucoup ton texte. C'est d'une profondeur, d'une tendresse... Un peu cruel, le choix des enfants...

Écrit par : lakevio | lundi, 08 janvier 2018

C'est vrai que ce n'est pas gai pour une reprise. Mais, je crois que, d'un autre côté, on appréhende tous le moment de la disparition de l'autre. Soupir...Bon, partons voir si, chez les autres, c'est plus gai...
ps : c'est vraiment sympath de lire les 2 versions d'un couple. J'espère que vous ne nous ferez pas le coup de nous quitter ensemble tous les deux.

Écrit par : julie | lundi, 08 janvier 2018

c'est.. terriblement beau!

Écrit par : Coumarine | lundi, 08 janvier 2018

Oui, poignant. Mais je ne sais pas ce qui est préférable.
J ai connu un veuf de type éplorée.
J ai tenu le coup cinq ans.
C est un record...
D'autres sont parties après trois mois.
Mais il n y avait pas que cela...

Écrit par : Pivoine | lundi, 08 janvier 2018

Le choix des enfants me semble bien cruel : penser qu'elle est partie avec un autre me semble tellement plus dévastateur que la mort.

Écrit par : camille-madeleine | lundi, 08 janvier 2018

Sauf qu'on peut espérer le retour de quelqu'un qui est parti.
Jamais de quelqu'un qui est mort...
Alors espoir de peut-être ou désespoir certain ?

Écrit par : le-gout-des-autres | lundi, 08 janvier 2018

Désespoir d'être seul, bafoué et humilié ou entouré de la compassion d'autrui ?

Écrit par : camille-madeleine | lundi, 08 janvier 2018

C'est une question délicate.
Je ne suis pas certain que la compassion soit une "compensation" plus efficace.
Et puis on peut être entouré de la compassion d'autrui dans les deux cas.

Écrit par : le-gout-des-autres | lundi, 08 janvier 2018

belle imagination! je me demande comment réussir à cacher la mort du conjoint, ne serait-ce qu'avec toutes les formalités et autres paperasses que ça entraîne... et puis il faut mentir à tout le monde, pour que personne ne lâche le morceau par inadvertance
(je pense comme Camille-Madeleine qu'une trahison fait plus de mal qu'un décès, ce n'est pas le même genre de blessure)

Écrit par : Adrienne | lundi, 08 janvier 2018

Pfff... Que vous êtes terre à terre !

Écrit par : le-gout-des-autres | lundi, 08 janvier 2018

Merci Adrienne, je me sens (enfin) comprise.
M le Goût, j'ai toutefois goûté votre histoire.

Écrit par : camille-madeleine | lundi, 08 janvier 2018

Tu m'énerves Mais tu m'énerves!!!!!!!!!!!! Je lis la première partie et je suis contente pour lui (bien que me demandant ce qu'elle avait fichu tout ce temps aprs l'avoir plaqué) mais l'histoire était "gentille" et puis PAF! Tu nous balances la suite.... et tout change Bon Puisque les enfants ont réussi à cacher la vérité, au moins le pauvre homme est mort au moment d'un grand bonheur! C'est quand-même chouette à lire !

Écrit par : emiliacelina | lundi, 08 janvier 2018

Quand on aime, c'est juste impossible!

Écrit par : Livfourmi | lundi, 08 janvier 2018

Ton récit est superbe mais ..... je ferai la 3ème en pensant que la vérité aurait peut être été moins douloureuse à supporter .......

Écrit par : Colette | lundi, 08 janvier 2018

Petit conte cruel pour bien commencer cette journée de mardi, jour de congé.
L'espoir d'un retour est plus vivifiant que le silence définitif.
Surtout, continuez d'écrire, une certaine HB dit que les blogs deviennent comme le Sahara.
Je vous souhaite une bonne journée.
Jean-Jacques'60
Berne le 9 janvier 2018

Écrit par : jeanjacques666 | mardi, 09 janvier 2018

Les deux parties sont belles, séparément....
Laquelle est la plus douloureuse ? ça, je ne sais pas le dire. Seule cet homme aurait pu le dire, mais ses enfants ont décidé pour lui...

Écrit par : Sophie | mardi, 09 janvier 2018

Les commentaires sont fermés.