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lundi, 12 août 2019

« Devoir de Lakevio du Goût » N° 4

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À regarder cette photo de Doisneau m’est revenu un souvenir qui prouve que les visites médicales à l’école n’étaient pas d’une fiabilité à toute épreuve.
Je sais, lectrices chéries, ça ressemble à un recyclage mais après tout, c’est moi le maître, celui qui donne les devoirs et je me rappelle très bien que les seuls domaines où l’arbitraire règne sont les services du Trésor Public et les classes de l’Éducation Nationale.
Du moins à l’époque où j’allais à l’école car maintenant il semblerait que ce sont les parents qui mènent la danse et non plus les « maîtres d’école ».
C’est là qu’on commence à comprendre la nuance entre « maître » et « professeur ».
Vous vous rappelez sûrement « Roja Flore », cette « brillantine » célèbre dans les années cinquante.
Et qu’a donc cette bouteille pour se rappeler à mon souvenir ?
Eh bien elle m’a servi, en pension chez mes fous.
Un jour, le Frère tortionnaire habituel est passé dans les classes des « petits » pour nous annoncer que « lundi il y aurait visite médicale » et que nous devions absolument amener avec nous une petite bouteille dans laquelle il y aurait un peu de notre pipi.
Comme d’habitude, j’étais convié à rester pour tenir compagnie à quelques compagnons d’infortune, cloués là que nous étions pour « conduite déplorable » ou « mauvais esprit ».
Le lundi, après un réveil somme toute agréable dans un dortoir quasiment désert, j’ai fouillé dans ma valise planquée sous mon lit quand le Frère nous a rappelé qu’il y avait visite médicale.
J’en ai sorti la petite bouteille de « Roja Flore » que j’avais amenée dans un but incertain, sans doute une ânerie, et l’ai mise dans la poche de ma blouse.
Bleue la blouse, et à col « mao » rouge. La honte… mais je vous en ai déjà parlé.
Quand les autres sont arrivés de chez eux, nous avons tous été réunis dans la cour.
Je sais maintenant pourquoi la visite avait lieu au printemps bien engagé.
C’est parce que la cour était plantée de tilleuls censés calmer les enfants, ça ne marchait pas vraiment mais ça sentait bon. Si bon…
On nous a mis en rang. Les grands sont sortis les premiers. Ils ont commencé à ficher la trouille aux plus petits en leur racontant à voix basse des trucs du genre « faites gaffe, ils y vont avec des grands couteaux et ya du sang partout ! »
C’est là que j’ai regardé la petite bouteille d’eau de Cologne de mon copain A.
Je vous en parlerai une autre fois, il m’a laissé une impression pénible et décevante un jour.
Mais bon, c’était mon copain parce qu’il était petit et que je l’avais défendu quand on l’avait embêté.
J’ai donc regardé sa petite bouteille et je me suis rappelé d’un seul coup que la mienne était dans ma poche. Vide. Désespérément vide.
La sienne était pleine.
Je lui ai dit « passe moi de ton pipi, j’ai oublié de faire pipi dans ma bouteille ! »
On a regardé si le Frère ne nous voyait pas.
On a aussi vérifié que pas un fayot ne nous surveillait.
Il a fait couler de son pipi dans ma petite bouteille de « Roja Flore ».
Des gouttelettes scintillantes sont tombées par terre. Certaines avec un vif éclat dans la lumière du soleil.
L’étiquette avec mon nom, ces petites étiquettes bordées de bleu qu’on met sur les livres, tenait mal mais bon…
On a su plus tard qu’on « avait tous eu bon à l’analyse ».