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vendredi, 29 novembre 2019

18ème devoir de Lakevio du Goût

promenade dans les prés.jpg

En regardant cette toile d’Harold Harvey je m’interroge.
À quoi peuvent bien penser ces trois enfants ?
J’ai bien une idée, mais vous ?
Je vous dirai lundi ce qu’ils ont d’après moi à l’esprit…

Je suis si mal armé pour répondre...

Ah… Lectrices chéries, je crains hélas qu’on ne me lise parfois mal.
J’avais quelquefois écrit que la poésie est un art difficile.
Je le sais bien car j’ai imprudemment dans mon jeune âge commis quelques poèmes. J’ai eu la prudence de me relire, ce qui, à défaut d’éviter la honte a au moins évité qu’elle ne me frappe publiquement.
Cela dit, j’ai aussi écrit à ce propos et pas plus tard qu’il ya peu et je me demande même si ce n’est pas récemment « Mallarmé est quelqu’un qui n’est pas incompréhensible, il est seulement obscur et il faut beaucoup l’éclairer pour saisir mais surtout ressentir quelque chose à sa lecture… »
« Saisir »… « Ressentir »…
Sauf si vous êtes professeur de lettres, tout est là.
S’il s’agissait de disserter pour déduire de « La négresse » qu’il ne s’agit que d’une « minette » en mots choisis et s’étaler complaisamment sur les termes employés et ceux qu’on peut y substituer ou de la lecture de « Les fenêtres » que la mort y rôde et que le pessimisme et la désespérance y suintent de chaque vers, tout ça réduirait salement l’intérêt de la poésie.
Réclamer l’explication d’une sensation d’un point de vue didactique me fait penser à quelques discussions que j’ai eues avec des stagiaires.
Curieux de beaucoup de choses sauf du fond du problème, s’intéressant à la technique de l’application d’un principe plutôt qu’à l’appréhension et la compréhension du principe lui-même.
Les amener à la compréhension du principe, ce qui amène à l’élaboration des techniques qui permettront de l’utiliser ne nécessite pas tant d’explications que de poser les questions qui vont amener à comprendre.
Quand votre stagiaire donne la réponse adéquate, vous savez qu’il a compris et qu’il tirera tout le profit possible de ce qu’il a appris pour décrocher sa « peau d’âne ».
Que Mallarmé ait eu une connaissance des techniques de versification ne fait de doute pour personne l’ayant lu.
Que Mallarmé regarde et soit sensible à des éclats, de lumière ou de peau, ne saute pas aux yeux à la première lecture.
Mais lisez le, ayez « l’esprit mal tourné » - mais non, pas que « ça »- regardez autrement, vous verrez, ce n’est pas si obscur que vous le pensez.
Si Lamartine n’avait voulu parler que de vaguelettes sur un plan d’eau et de quelques sportifs, il se serait réincarné dans la peau d’un journaliste de « L’Équipe ».
Que voulez vous dire d’un poème de Rimbaud comme « Rêvé pour l’hiver » ?
À part le lire puis le rêver puis le vivre, vous voyez quoi ?
Théophile Gautier parle de montagne dans « La petite fleur rose » et son langage n’est pas plus explicite que celui de Mallarmé dans « Billet à Whistler ».
Et je suis sûr que vous ne pensez pas à l’alpinisme en le lisant pas plus qu’à de l’habillement en lisant ce « Billet à Whistler ».
Et ces petites merveilles de l’écriture ne seraient que des occasions de « disserte » ?
En parler avec quelqu’un qui vous pousse à avoir des arrière-pensées, je conçois.
En tirer un devoir qui fera ou mieux sourire un prof de lettre, je veux bien.
Mais surtout les lire et les suçoter comme un bonbon délicieux, quand on en trouve un sur son chemin.
À moins, évidemment qu’il ne s’agît d’une boutade…

mercredi, 27 novembre 2019

Love story…

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Le matin, je fais habituellement quelques petites choses.
Certaines cessèrent un moment, reléguées par la bidouille que j’étais chargé de concevoir pour cet ami avec qui je ne suis jamais d’accord puis je m’y suis remis.
Que je vous dise, lectrices chéries.
Sur l’enceinte acoustique située à la droite de la petite table où je m’installe pour prendre de vos nouvelles, il y a depuis longtemps deux bouquins.
- « Aphorismes » d’Oscar Wilde
- « Poésies » de Stéphane Mallarmé
Chaque matin je lis donc, selon l’humeur, quelques aphorismes de l’un ou quelques poèmes de l’autre.
Je relis certains de ces poèmes plusieurs matins de suite avec la joie qu’on devine quand je pense enfin en avoir saisi l’essence.
Mallarmé est quelqu’un qui n’est pas incompréhensible, il est seulement obscur et il faut beaucoup l’éclairer pour saisir mais surtout ressentir quelque chose à sa lecture…
Oscar Wilde est beaucoup plus drôle mais pas tant que ça à y regarder de près.
Son œil d’aigle pour les faiblesses et l’hypocrisie du genre humain a quelque chose de revigorant pour l’âme ensommeillée…
Je passai donc chaque matin un moment calme et rêveur à lire ces deux personnages quand un jour, avec la lumière de mes jours où nous passions galerie Vivienne, ce passage qui mène de la rue Vivienne à la rue des Petits Champs, je me suis arrêté, comme chaque fois devant la magnifique librairie Jousseaume.
J’y acquis une œuvre étrange.

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Le titre certes m’avait « tiré l’œil » mais le sous-titre encore plus.
Le titre « La femme et l’amour » me faisait supputer une œuvre, à la couleur passée de l’ouvrage, pleine de la vision romanesque d’une époque qui pouvait être intéressante.
Le sous-titre « Étude médicale et morale » m’en fit entrevoir quant à lui une vision nettement plus, si ce n’est rigoureuse, du moins rigoriste.
En sa qualité de médecin, l’auteur me fit penser que c’était peut-être plus sérieux que je l’imaginais.
La minceur de l’ouvrage et la modicité de son prix me poussa à l’acquérir sur le champ.
Je fis bien.
J’avais évidemment entendu beaucoup d’âneries sur le sujet et lu beaucoup de bêtises sur l’idée que l’homme se fait de celle qui est normalement sa compagne et pas une esclave ou une bête de somme supplémentaire.
Sans parler de droit au respect et de droits tout court qui devraient être le résultat minimal de toute éducation.
Il est donc question dans cet ouvrage d’amour et des réactions biologiques qu’il entraîne sur la moitié de l’humanité selon cet exemplaire de l’autre moitié.
Alors que la littérature médicale sur le sujet regorge de bibliothèques entières de tomes épais comme l’humour de Canteloup, le bon docteur Grémillon estime qu’un fascicule d’une soixantaine de pages est bien suffisant pour traiter le sujet…
Pour l’avoir lu, je vous confirme lectrices chéries, que ce bouquin mérite une lecture faite avec un certain recul.
La page de garde aurait dû m’alerter qui porte la mention :

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mardi, 26 novembre 2019

Lasciate ogni speranza voi ch’entrate

 

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Je vais tenter de vous dire, lectrices chéries, pourquoi la Divine Comédie est le livre à lire, « the book to read » qui me semble au moins aussi important que la Bible.
Ce n’est pas une mince affaire qu’expliquer pourquoi vous êtes poussé à lire et relire un bouquin, pourquoi il vous a frappé, quels sont les ressorts plus anciens qui vous y ont amené.
Amené d’abord à faire l’effort de le lire, alors que vous êtes entré dans la vie active.
Puis à l’apprécier pour ce qu’il vous apporte, le regard qu’il vous amène à porter sur le monde.
Enfin à l’aimer.
Je l’ai découvert dans la boutique de ma libraire préférée il y a trente-neuf ans.
En fouinant derrière le grand « meuble-étal-présentoir » des livres de poche.
A l’arrière de ce meuble étaient plutôt entassés que rangés de vieux bouquins qui auraient dû être « retournés » depuis cinq lustres au bas mot.
J’y ai trouvé un vieux « Classique Garnier » qui m’a rappelé les bouquins qu’on avait au lycée.
La Divine Comédie de Dante Alighieri.
Je ne savais que trois choses de ce bouquin.
La première était qu’il était censé avoir été écrit en une seule nuit, celle d’un Vendredi Saint si je me souviens bien.
La seconde est qu’il était dédié à une Béatrice dont j’ignorais tout sauf qu’elle avait tapé dans l’œil de Dante..
La troisième était que, comme la Bible de Martin Luther était la source majeure de la langue allemande et Chaucer celle de la langue anglaise, la Divine Comédie était la source principale de la langue italienne.
Je ne savais donc pas grand’ chose de Dante…
Je me suis donc plongé dans « La Divine Comédie ».
Avec difficulté au début car mon métier n’était pas de ceux qui poussent pas à lire des bouquins en vers tous les jours.
Puis, le rythme pris, la première lecture se passa bien et se contenta de me laisser un souvenir agréable et même de me remémorer quelques tirades que je me récitais dans les embouteillages.
Quelques années plus tard, moins de cinq, je le relus.
Là, les souvenirs affluèrent.
Ceux des cours de latin.
Si vous avez été obligé de vous taper l’Enéide en VO, vous avez de quoi je parle.
Ces cours sont comme la langue d’Esope, la meilleure et la pire des choses.
Ça peut être aussi bien passionnant que d’un ennui mortel si le prof n’est pas terrible.
Apparaît plus tard un éclair de compréhension.
C'est-à-dire le moment où je comprends que la facilité est un piège.
Sale découverte pour un type rétif à l’effort…
Finalement, la « Divine Comédie » est comme la Bible :
Chacun y trouve ce qu’il y cherche…
C’est un bouquin qu’on peut lire avec diverses visions.
C’est une remarquable construction intellectuelle qui comble l’esprit.
De l’adolescence et ses rêves d’absolu à l’âge mûr et ses rêves relatifs…
Ouaip, lectrices chéries !
Ne me regardez pas comme ça, je ne suis pas encore vieux, juste déglingué.
Trop mûr quoi…
Âge mûr où on sait « qu’on a fait le plus gros » et que « vous qui entrez ici, laissez toute espérance »…
Hélas, depuis la tempête de 1999, je ne l’ai pas relu, il a sombré corps et biens avec les autres biens confiés au garde-meuble pendant que nous étions, Heure-Bleue et moi en en « Terre Promise » qui n’a pas tenu ses promesses.
Mais je le rachèterai.
Et en « Classique Garnier » où ils viennent de ressortir.
Comme disait Philippe Khorsand dans la publicité MAAF « Je l’aurai un jour, je l’aurai ! »

lundi, 25 novembre 2019

Devoir de Lakevio du Goût No 17

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Quelque chose m’est suggéré en regardant cette toile.
Mais vous ? Que vous dit cette toile ?
Si voulez bien faire ce « devoir de Lakevio du Goût », vous le commencerez par cette phrase « J’ai arpenté pendant plusieurs jours le XVIème arrondissement, car la rue silencieuse bordée d’arbres que je revoyais dans mon souvenir correspondait aux rues de ce quartier. »
Et le clorez par « Ce fut un chagrin désordonné. »

J’ai arpenté pendant plusieurs jours le XVIème arrondissement, car la rue bordée d’arbres que je revoyais dans mon souvenir correspondait aux rues de ce quartier.
J’en descendais certaines vers « l’Île aux cygnes » car je pensais que je la croiserais de nouveau.
Depuis des années je passais et repassais dans ces rues.
J’étais sûr que je la reverrais et qu’on s’aimerait de nouveau.
Je la revoyais, partir d’un pas rapide, fâchée. Je devinais son dos contracté par la peine et la colère au travers de ce manteau garance qu’elle affectionnait par-dessus tout.
Ce dos… Ce dos que j’avais caressé tant et tant, si doux, si chaud…
Bon sang, quel imbécile je fus !
J’avais encore dû sortir une de ces réflexions idiotes et cruelles dont j’avais le secret quand j’étais fâché pour une broutille.
J’aurais dû savoir que c’était grave pourtant rien qu’à la sentir se figer.
Pour elle, depuis ce jour où nous avions fait… Où nous fîmes plus ample connaissance, j’avais toujours été « mon chéri » et sauf dans quelques moments graves et sérieux ou en présence d’inconnus, elle ne m’appelait jamais par mon prénom.
Quand je lui avais dit cette méchanceté, elle s’était arrêtée net, s’était tournée vers moi et là,  à ma grande surprise m’avait dit « C’est trop. » et avait clos par mon prénom.
Elle s’était éloignée de ce pas rapide des gens en colère puis, apparemment délivrée de moi avait repris ce pas dansant qui m’avait séduit.
Depuis ?
Je l’attendais.
Je la cherchais.
Je déambulais le jour et parfois la nuit dans ce quartier où je l’avais vue la première fois.
Je marchais pendant des heures et, bien qu’il y eût maintenant plusieurs années que je la cherchais, je ne pouvais m’empêcher de sursauter à chaque manteau rouge que j’apercevais au loin.
J’en eus bien quelques nouvelles par hasard de gens que nous avions rencontrés mais ces nouvelles s’étaient raréfiées avec les années.
Pourtant, chaque fois que je passais devant telle statue, sur tel pont, devant tel autre monument où nous nous étions arrêtés, mon cœur battait plus fort et je m’immobilisais un instant, faisait du regard le tour de l’endroit.
Au cas où…
Un matin, je croisai X.
Il savait tout de mon obsession et la supportait avec le courage étrange qu’ont parfois les amis.
X. me dit, l’air triste « Tu sais, j’ai appris qu’elle est morte… Il y a longtemps… Un cancer. »
Je l’ai traité de salaud, de traître et j’ai voulu lui donner un coup de poing.
Il aurait pu me dire où elle était ! Il savait ! On aurait pu s’aimer de nouveau ! Comme avant !
Il a seulement soupiré, a retenu mon bras et m’a pris dans les siens tandis que je sanglotais autant de chagrin que de colère, contre moi, contre le monde, contre la maladie.
Comme a dit Flaubert dans « Un cœur simple » ce fut un chagrin désordonné…