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lundi, 18 novembre 2019

Devoir de Lakevio N° 16

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Dites moi, lectrices chéries, vous ai-je déjà parlé de ma grande sœur ?
Elle s’appelle Anne, Colette, Marie, Florence  et non Anne, Françoise, Marie, Florence comme je l’avais écrit il y a peu.
Pris d’un doute, je l’ai appelée hier et elle a corrigé ce que je pensais.
Je peux toujours avancer une excuse du genre « ouais mais les autres prénoms on s’en sert pas, c’est normal qu’on oublie… »
Mais nom, bien que je l’ai appris il y a plus de soixante-cinq ans et ne me sois servi que de « Anne », je n’aurai pas dû oublier.
Mais pourquoi diable vous parlé-je de ça ?
Ah oui… Cette histoire de vélo…
Ma grande sœur –si ça continue je vais devenir Fernand Raynaud…- ma grande sœur, donc, quand elle eut environ quinze ou seize ans, « tapa » nos parents, « Le cousin François », « La cousine Beline », son parrain fils du cousin François, sa marraine lointaine que je n’ai jamais vue, le grand-père qui n’avait jamais une thune mais planquait des sous partout dans des boîtes, la grand’mère, mon père qui a dû claquer la moitié de ses « heures sup’ » dans l’affaire, bref tout le monde.
Elle finit, grâce à je ne sais quelle fête ou occasion, par pouvoir acheter « Le vélo ».
Un vrai ! Un « vélo de fille » avec le cadre qui permettait de se mettre en selle sans trop dévoiler d’anatomie.
Il fut acheté au maréchal-ferrant de la place, en face de l’épicerie-graines-maison de la presse de notre cousine, celle qui habitait près de notre grand’mère.
Mon dieu que ce vélo était beau et suscitait de convoitise !
Il était blanc et neuf et fut équipé plus tard de deux sacoches qui ne servirent jamais à autre chose que le décorer.
Il était si beau qu’il en fallait absolument un à ma sœur cadette et moi.
C’était un magnifique vélo Peugeot avec même de quoi protéger les chevilles et les mollets de la graisse grâce à un carter de tôle laquée blanc ouvragée.
Ma sœur cadette et moi avions beau être promenés sur le porte-bagage, c’était insuffisant.
Mus par la jalousie, nous convînmes qu’il nous fallait à nous aussi un vélo.
La chance nous servit.
En allant près du canal en direction de l’étang, tout près du déversoir nous aperçûmes un vélo appuyé contre un arbre.
Vélo vieux mais seul et, nous parut-il, surtout abandonné.
Nous savions que le vol c’était mal et la propriété privée sacrée.
Mais nous savions aussi que ce qui était abandonné appartenait au premier qui le trouve.
Passant et repassant sur le chemin de halage, moi tenant ma sœur cadette par la main car ma mère m’aurait tué après une semaine de torture si « Souricette » était tombée dans le canal, nous attendîmes.
Pour nous un temps long n’était que celui qui usait notre patience.
Ce temps long, d’après le clocher de l’église que nous regardions chaque minute, n’excédait pas une heure.
Cette heure écoulée, nous nous appropriâmes donc le vélo noir et vieux avec la bonne conscience qui sied aux âmes pures et je pédalai jusque chez la grand’mère, « Souricette » sur le porte-bagage et m’enserrant la taille de ses bras.
Taraudé par un scrupule tardif sans doute, nous laissâmes le vélo contre le muret de la maison qui donnait sur la rue…
« MON GARÇOOOON !!! » hurla la grand’mère.
Je me précipitai à pas aussi petits que possible et eus droit à une claque sur la cuisse.
« Le père V. n’est pas content ! Il est revenu de la pêche à pied et a vu son vélo contre la maison ! Petit voleur ! »
Je n’ai plus jamais eu de vélo.
Cette affaire m’avait guéri du cyclisme…

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samedi, 16 novembre 2019

Xylolalie…

Ne craignez rien lectrices chéries, « Xylolalie » est le nom moqueur et savant du discours haituel du monde politique.
Cette logorrhée sort d’un automate appelé « Pipotron » dans les milieux autorisés.
J’entends la production de cet automate tous les jours.
Le matin, j’écoute la radio.
Il y a le défilé du matin.
Celui des hommes politiques qui passent nous expliquer qu’on ne voit pas encore les résultats mais qu’ils font quand même quelque chose et qu’on sera tous éblouis quand on les verra..
Ils ont quelque chose de particulier sans doute.
Ils sont « en capacité ».
Ils sont « en confiance ».
Ils sont « en situation ».
Ils sont « en position ».
Je ne sais pas comment ils font à cette heure là pour être tout ça.
Le matin, je me contente d’être « en caleçon »…
Une amie,
 qui se reconnaîtra sûrement, heureuse comme tout de voir reconnaître ses capacités, m’avait dit il y a peu « Mais tu sais, Le Goût, je suis en capacité d’assumer ma mission professionnelle en autonomie ! »

Après avoir retiré toutes les échardes qui parsèment habituellement la langue de bois administrative, j’ai compris ce qu’elle avait dit.
Je n’ai trouvé à lui répondre que « Bref, tu peux travailler seule… »

vendredi, 15 novembre 2019

Dernière étape

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Mince ! J’ai failli oublier d’occuper votre week-end !
Je n’avais pas pensé à ce fichu devoir !
Avant-Hier, j’ai entendu un peu parler  de Bourganeuf et beaucoup de « Poupou » Alors je vais vous dire deux mots de Bourganeuf dont je ne sais pas grand’chose.
D’ailleurs lectrices chéries, je n’ai jamais mis les pieds à Bourganeuf.
J’aimerais néanmoins que vous me racontiez quelque chose qui parle de vélo.
J’espère que ce tableau de Miki de Goodaboom vous inspirera.

mercredi, 13 novembre 2019

Ballade de la balade…

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Ce matin, j’ai lu la promenade de Célestine.
Elle y parle de forêt, de feuilles et de novembre.
Je n’y vois pas du tout la même chose car ce qui me saute à la mémoire, ce n’est pas novembre à Paris avec Heure-Bleue.
Non. Ce qui me saute à la mémoire c’est décembre dans la forêt de Montargis avec ma grande sœur.
Ma grande sœur s’appelle Anne et j’ai toujours trouvé que c’était un beau prénom.
Anne, ma sœur Anne…
Grâce à Célestine j’arpente de nouveau la forêt de Montargis, j’erre entre les arbres à la recherche de houx, dans les feuilles mortes jusqu’à mi-mollet.
Il y avait encore du houx, le vrai, celui à grandes feuilles déchiquetées et piquantes et à boules rouges, de ce rouge vermillon qui troue les yeux quand la lumière tombe dessus.
Oui lectrices chéries, du vrai houx, pas celui que j’ai vu plus tard ailleurs, à petites feuilles « normales » mais piquantes de l’extrémité.
Et ce que je me rappelle très bien aussi, c’est qu’il n’était pas rare au point que la cueillette en fût interdite.
On avait le droit de le cueillir.
À dire vrai, c’était une épreuve que cueillir ce houx, nous n’avions pas le droit d’avoir un couteau car nous étions trop jeunes et nous n’en avions pas car l’époque n’était pas à désobéir ouvertement aux parents.
Alors, ma sœur Anne et moi nous piquions les doigts pour en ramener au moins deux branches chez la grand’mère.
Il me faut aussi avouer que j’aimais bien que ma grande sœur me tienne la main car j’étais petit et la nuit tombe tôt en décembre.
Bref, je n’étais pas rassuré et si elle n’avait pas été là, me tenant la main et ne la lâchant que pour ramasser une feuille qu’elle trouvait jolie, je crois que je me serais enfui jusqu’à la route.
Mais elle était là, ma grande sœur.
En vrai, en entier et c’est écrit sur sa carte d’identité, la vieille, celle en cartonnette jaune, ma grande sœur s’appelle « Anne, Colette, Marie, Florence ».
C’est beau, non ?
Aujourd’hui ma grande sœur est beaucoup plus petite que moi, elle m’arrive tout juste à l’épaule et habite trop loin de la forêt de Montargis.
Alors nous n’irons plus cueillir du houx.
D’ailleurs elle a du mal à marcher et il est maintenant interdit d’en cueillir.
Je ne suis pas sûr qu’il en reste…
Nous allions encore y chercher du bois, Heure-Bleue et moi quand l’Ours était petit.
Cette forêt a rétréci à moins que ce ne soit moi qui aie grandi…
À l’automne elle sentait le pin et bien d’autres essences.
Elle sentait le bonheur et je ne le savais pas.

lundi, 11 novembre 2019

Devoir de Lakevio du Goût N° 15

Vous m’avez forcé à travailler, lectrices chéries, et je déteste ça.
Mais bon... Au boulot, donc ...

*
***

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J’admirais cette beauté.
Avec envie je la contemplais, jaloux aussi de sa souplesse.
Pas seulement de sa souplesse et pas seulement parce qu’à mon âge j’aurais été bien en peine, assis sur le pouf du cabinet de toilette,  de poser le pied sur le bord du meuble.
Je regardais ébloui, ce dos, et ce sein hélas en partie masqué par une jambe dont la peau pâle donnait envie de croquer dedans.
Enfin… Croquer… Oh ! Pas mordre, oh non !
Seulement croquer à la façon dont les chats vous mordillent pour vous montrer qu’ils vous aiment.
Je l’admirais donc, trouvant la suggestion plus excitante elle-même que la vision de ce qu’on devine…
C’est à ce moment qu’elle m’a dit :
- Ah ! Au fait, je m’en vais ! 
- Mêêêê…
Bêlai-je, abasourdi.
Tout en finissant calmement d’essuyer son pied, bon sang que de beauté, elle a ajouté :
- Ah ! Au fait, tu sais, le garçon avec qui tu m’as vue au café…
- Euh… Non.
Je ne l’avais pas remarqué, tout occupé en la regardant à rêver à des choses qu’on ne dit pas mais qu’on fait et qui me semblaient tout à coup compromises.
- Eh bien, c’est lui que j’aime !
J’ai sursauté :
- Mais enfin ! Cette nuit… Tout de même… 
- Eh bien c’était la dernière !
- Mais pourquoi ?
- Parce que lui au moins il est jeune ! 
Elle me l’a expliqué, se cachant vaguement cette fois-ci en se relevant du pouf, contrairement aux autres matins où elle prenait un malin plaisir à me tenter de ce qui me serait interdit jusqu’au soir.
J’en ai retiré que non seulement je craquais du dos la nuit, ronflais mais que lui au moins se préoccupait de protéger la Terre.
En plus il l’avait convaincue que non seulement manger de la viande c’était mal mais que même porter des chaussures cuir ne se faisait pas.
J’ai surtout compris qu’il avait un futur que je n’avais plus et que mon avenir, contrairement au sien, était derrière moi…
Quand elle fut habillée, elle me planta deux baisers sur les joues, remplit ses deux sacs et, avec un culot de commissaire  me dit « Tu m’accompagnes à la gare ? Il habite la campagne… »
Je suis donc descendu, « bien élevé » malgré tout.
J’ai même porté les sacs…
Pendant le trajet j’eus droit à tous les poncifs sur l’exploitation des animaux, le confort des chaussures à semelles de bois et autres billevesées comme les loups qui devraient discuter avec les agneaux plutôt que sauter dessus pour les bouffer...
Je l’ai abandonnée sur le quai et ai une dernière fois admiré sa démarche et le balancement de hanches que je savais si accueillantes…

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Je suis ressorti de la gare, plutôt triste mais la surprise du lever et la beauté à sa toilette m’avaient empêché de prendre mon petit déjeuner.
La vie ne perdant jamais ses droits, je fus tiré de ce cauchemar par la faim.
Rien que la constatation de mon appétit me consola de la perte de ma camarade de jeux.
Peu porté au sentiment élégiaque, au lieu d’un immense chagrin j’éprouvai soudain un sentiment de liberté qui me gonfla aussitôt la poitrine.
Je me rendis compte alors que j’étais non seulement un peu vexé de m’être fait jeter mais surtout affamé.
Mon estomac commençait à gronder et je me mis à rêvasser à quelque repas pantagruélique.
Je me suis rappelé qu’il y avait une excellente boucherie sur le boulevard.
Je m’y suis arrêté et j’ai bien fait.
Derrière la vitrine, un bœuf était accroché qu’on venait de livrer et qui attendait d’être débité avant de rejoindre l’armoire réfrigérée.
Cette grande carcasse que je voyais, pleine de filet, de côtes, d’entrecôtes, de poire, d’aloyau, de merlan, de bavette, me faisait saliver d’avance.
Même, en haut de la carcasse, je discernais un morceau oublié là par le boucher.
De l’araignée que je n’appréciais que modérément car j’en trouvais le goût trop marqué.
Tout en maugréant quand même après ce jeanfoutre jeune, plein de dents blanches, de muscles et de cheveux, j’ai poussé la porte.
En entrant m’échappa « Je t’en foutrais, moi du véganisme ! Connard ! »
Je pensais avoir dit ça in petto aussi je fus surpris d’entendre le boucher me dire « Bonjour Monsieur ! Ah vous avez bien raison Monsieur ! » 
Je me suis rappelé alors que pour le boucher j’étais censé être un intellectuel alors j’ai tempéré mon propos d’un sentencieux :
- Tout de même, ce n’est pas parce qu’on les bouffe qu’on doit en plus maltraiter les animaux… 
- Vous avez bien raison, Monsieur, vous savez que je viens de recevoir du veau de Galice ? Une pure merveille…
- Il est comment ?
- Parfait, une maturation de trente jours pile !
- Une côte alors, s’il vous plaît.
- Une dizaine de minute au gril à pas plus de 55°C à cœur.
Le boucher m’a délesté d’une fortune…
Plein d’enthousiasme, je me suis alors lancé à la recherche de quelqu’une qui partagerait mon goût pour la vie à deux, les crus de Bourgogne et le veau de Galice…