mercredi, 13 mai 2020
La gifle.
Yvanne disait lundi dans son commentaire « Quelle humiliation de recevoir une gifle devant tous ses camarades. Et sur l'estrade en plus ! »
Quand tu sais que les baffes étaient libéralement dispensées dans les pensionnats religieux de l’époque, ça relativise vachement la notion d’humiliation.
On ne peut pas parler d’humiliation, lors de la première gifle on était vexé mais surtout surpris pour cause de nouveauté et d’ignorance des règles en vigueur.
Cette vexation disparaissait rapidement car tous y avaient droit à un moment ou un autre de la journée.
Avec le recul de l’âge, je me dis que les Frères devaient avoir mal au mains avant le fin de la journée…
De ces gifles on ne retirait que la douleur qu’il fallait éviter le plus possible grâce à un mouvement de tête qui accompagnait le geste auguste du semeur de tarte.
La technique, qu’on finissait tous par acquérir avec un peu d’entraînement, consistait à relever la tête de façon à présenter le bas de la joue pour éviter que la baffe n’atteignît l’oreille et te laissât la tête bourdonnante et la joue brûlante.
Sinon, l’imagination étant au pouvoir en matière de sadisme éducatif, parmi les punitions courantes en cas de bêtises, si vénielles fussent-elles, il y avait cette façon de nous convaincre que la pesanteur était une idée idiote.
Vous faisiez en classe ce que vous ne pensiez pas un instant être une bêtise comme tourner la tête vers votre pote alors que le Frère disait quelque chose d’important.
Par un mystère que je n’ai jamais éclairci, le Frère s’apercevait toujours que vous n’étiez pas attentif à ce moment-là.
Il descendait alors de son estrade, marchait vers vous d’un pas lent puis, à côté de vous, toussotait.
Pile au moment où vous leviez la tête vers lui, il vous attrapait par les petits cheveux sur la tempe.
De toute façon il n’y avait pas de cheveux autres que petits sur nos têtes.
Les mieux lotis avaient « les cheveux en brosse », les autres, comme moi justement, avaient la coupe de l’époque, entièrement prévue antipoux, « courts devant, ras derrière et bien dégagé autour des oreilles »…
Et le Frère tirait. Il tirait et vous vous leviez, vous suiviez.
S’il levait le bras ? Eh bien démerdez-vous mais flottez !
Le sadique vous traînait ainsi jusqu’à côté de l’estrade et vous aviez d’un coup écopé de « Une heure ! »
Une heure à genoux sur le carrelage de la salle.
La fatigue s’installait et au bout d’un quart d’heure à vingt minutes, il vous venait l’idée de vous reposer un peu.
La première idée qui vous venait à l’esprit était de vous asseoir sur vos talons.
Vous étiez alors, au choix, remis à la position « normale » par un nouveau « tirage des petits cheveux » ou d’un magistral coup de pied dans le bas du dos.
Bref, Yvanne, le souci n’était pas, tu le vois « l’humiliation » mais la survie en milieu hostile.
Sachant que les récrés n’étaient pas plus calmes, ça forge un caractère…
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