mercredi, 29 juillet 2020
Rhabille les gosses
C’est quand je suis passé devant le café de la place, pas le tabac, l’autre, celui en face de l’hôpital, que j’ai entendu ce « Euh... » interrogatif.
Ça m’a arrêté net alors que j’allais au « mini Carrouf de la place ».
Je me suis retourné et je les ai vus, ces trois types d’environs soixante-dix ans, attablés, leurs trois verres vides devant eux.
J’étais sûr que c’était du pastis.
J’en étais sûr rien qu’à ce que l’un d’entre eux venait de lancer au patron du bistrot.
Le type avait interpellé le patron d’un « Euh… » Indécis, comme s’il avait peur de déranger.
Quand le patron avait tourné la tête il lui avait dit « Tu rhabilles les gosses s’il te plaît ? » en accompagnant l'expression d’un geste explicite, tournant l’index au dessus des trois verres.
Une expression que je n’avais plus entendue depuis une quarantaine d’années au bas mot.
Quand la boîte qui me payait grassement pour expliquer à d’autres comment faire le boulot que j’aurais été incapable de faire moi-même, fort de deux mains gauches habiles du stylo plus que de l’outil, je l’avais entendue maintes fois, cette expression : « Tu rhabilles les gosses ? »
Le « S’il te plaît ? » plus souvent implicite qu’exprimé.
L’époque où les cafés n’étaient pas des endroits neutres aux terrasses chauffées peuplées de clients mais simplement « des troquets » enfumés peuplés d’habitués prompts à la « brève de comptoir ».
D’aucuns se vexaient même à entendre sortir de la radio du bistrot la voix de Ferrat chanter « Terre terre voici ces rades inconnues ».
J’en entendis un dire il y a longtemps « Comment ça, des rades inconnus ? T’entends ça ? Comme si on ne connaissait pas tous les rades du coin !!! Mais y nous connaît pas, Jeannot ! »
Tout ça pour vous dire qu’il suffit parfois d’une phrase entendue en allant chercher quelque chose au « mini Carrouf » de la place, pour vous rappeler un monde expulsé de Paris par les rapaces de l’immobilier et la bienséance moraliste des génocidaires du bistrot à pastis, à ambiance enfumée, à « p’tite Côtes », à « demi sans faux col » ou pire du « un demi ! Et avec la mousse au fond ! Ha ha ha !!! »
Des bistrots pleins de gens « mal élevés » mais qui n’auraient jamais osé vous louer leur jardinet l’après-midi pour un anniversaire moyennant « cinquante €uros mais avec l’augmentation de la demande, j’ai déjà des demandes pour cent €uros de l’heure mais je vais devoir investir dans des parasols… »
Ça a laissé tomber le bleu de chauffe de l’Assommoir pour le jean Hermès.
Hélas, ça a laissé tomber l’esprit de Jean Valjean pour celui de Shylock…
Et ça me rappelle aussi qu’il y a à la maison une demi-bouteille de Pastis depuis 2013.
Il n’en manque que deux doses servies un été à quelqu’un qui aimait bien prendre « un p’tit jaune » quand il fait chaud…
Non, mais vous rendez-vous compte, lectrices chéries où trois pastis sur un guéridon de bistrot mène le rêvasseur ce matin ?
10:08 | Commentaires (9)
Commentaires
Je ne connaissais pas cette expression mais je la trouve assez drôle. Je ne pense pas l'avoir déjà entendue par ici. Argot parisien ?
Écrit par : Yvanne | mercredi, 29 juillet 2020
Les québecois comprennent autrement ton titre.
Écrit par : Nina | mercredi, 29 juillet 2020
Contrairement à la France où les femmes ont des gosses, à Québec ce sont les hommes qui ont des gosses... ;-)
Écrit par : le-gout-des-autres | mercredi, 29 juillet 2020
sympa cette expression que je ne connaissais pas, pourtant mon oncle, qui était chauffeur de taxi, utilisait souvent l'argot. Ici la chaleur s'installe entre un orage avec grele et l'autre. Bonnes promenades.
Écrit par : francesca | mercredi, 29 juillet 2020
oh ! une bonne vieille expression que ce « Tu rhabilles les gosses s’il te plaît ? » qui me fait songer au non moins fameux" tu me remets sa p'tite sœur, s’il te plaît ?" les rades inconnus des bars ont souvent une certaine sagesse à revendre en plus d'un verre bien rempli.
Écrit par : Jerry OX | mercredi, 29 juillet 2020
J'ai travaillé au bar d'un centre de vacances, on ne m' a jamais dit çà, heureusement car je ne sais pas si j'aurais compris ;)
Écrit par : Fabie | mercredi, 29 juillet 2020
oui, on se rend compte :-)
la seule de ces expressions que je connaisse c'est le "sans faux col"
Écrit par : Adrienne | jeudi, 30 juillet 2020
J'aime beaucoup ces vieilles expressions. Ça ne nous rajeunit pas, dis donc !... Je les aime bien ces vieux parigots (les messieurs comme les bistrots !)
Écrit par : lakevio | jeudi, 30 juillet 2020
Tu laisses traîner tes oreilles parisiennes et nous, nous savourons tes trouvailles !
(C’est quoi ton histoire de jardinet à louer ?)
Écrit par : Anita | jeudi, 30 juillet 2020
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