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mardi, 12 avril 2022

L’émule du pape.

Ouais, ne dites rien, je sais…

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Adrienne me rappelle incidemment avec son histoire de « jubé », un camarade de géhenne qui s’était fait serrer par un Frère baladeur et silencieux.
Le « jubé » de la chapelle n’était pas destiné à « ordonner » comme le voulait le rite.
Il était d’ailleurs modeste et posé là simplement pour suivre la règle qui voulait que le chœur ne soit pas plus long que la nef.
Ce qui était idiot car la chapelle devait nous contenir tous alors que le chœur, hormis l’officiant et les enfants de chœur ne devait contenir que l’autel et les deux bouquets de lys qui le bordaient.
C’était une sorte de tribune de bois teinté dont le but m’avait toujours été étranger sauf à penser que les deux Frères qui y passaient parfois pendant la messe au lieu de prier comme nous étions sommés de le faire étaient pour une mission inconnue de moi et de mes compagnons d’infortune.
J’ai su un jour à quoi il servait en réalité.
C’était un jeudi matin et le jeudi matin n’était pas que le jour où les enfants normaux étaient libres.
C’était le jour où les détenus que nous étions devions nous lever comme les autres jours pour commencer la journée par la messe.
Le jeudi matin dont je vous parle fut marqué par un incident.
Un incident qui me fit comprendre à quoi servait le « jubé ».
Cet incident ?
Un camarade de détention se fit serrer pendant la messe.
Habituellement, un entraînement de sportif de haut niveau nous permettait de savoir avec précision, sans écouter réellement ce que racontait le Frère prêcheur, quand se lever, s’agenouiller, s’asseoir, sans même l’aide de la clochette qui rythmait l’office.
Mais ce jeudi-là, il y eut quelque chose d’inhabituel.
Alors que, selon le rôle qui m’était dévolu, je me tenais devant le premier rang, debout, et chantais « agnus dei qui tolis peccata mundi », je fus arrêté au milieu de mon solo par la vue du Frère qui descendit du « jubé » au pas de course.
Il courut jusqu’à la rangée où mon camarade se trouvait.
Ce dernier était si occupé à lire le « Tex-Tone » planqué dans son missel qu’il avait raté le moment de répondre « miserere nobis » et pire, ne s’était pas levé au bon moment.
Le Frère l’attrapa, non par une oreille mais par les petits cheveux de la tempe, ceux qui font oublier la pesanteur, et tira le pécheur au milieu de la nef.
Le Frère officiant en perdit la parole un instant et entama le prêche à contretemps.
Il fit un long speech sur l’impie qui venait de commettre un « péché mortel » en gaspillant le temps de la messe à des lectures païennes au lieu de rendre grâce à « Celui par qui nous existons » car il parlait du bon dieu en majuscules.
Le pire ne fut pas la fessée qu’il reçut, non, ni les deux dimanches suivants qu’il passa – dont un avec moi – non plus.
Ce fut cette enquête menée par le « chef des lèche-cul » dans la cour de récré lors de la récré suivante.
Il faisait attraper par ses sbires un autre gamin et, sous la menace de représailles terribles, exigeait qu’on répondît sans mentir – sous peine de raclée cette fois – à la question suivante : « le coupable avait-il osé communier et mâcher l’hostie alors qu’il s’apprêtait à commettre ce péché mortel ? »
Bref, c’était ce jeudi-là qu’Adrienne m’a remis en mémoire avec son histoire de « jubé ».
Et je ne saurais trop vous recommander de voir celui de la cathédrale d’Albi qui est une pure merveille de ce qu’on peut broder avec de la pierre…