mardi, 25 avril 2023
C’était quand même une drôle d’époque…
C’est une auditrice de ma radio matutinale qui ce matin me rappelle ce discours entendu quand j’avais à peu près quatorze ans.
Cette dame d’une quarantaine d’années m’a fait immédiatement penser à ce censeur de la très vieille école.
***
On aurait dû se douter que quelque chose se passerait ce matin-là.
Le « prof de Lettres » ainsi nommé pour concentrer en un mot ses multiples rôles de prof de latin, de français et de grec, s’était montré inhabituellement silencieux.
Nous-mêmes, avions gardé un silence prudent sauf, comme d’habitude, « Petit » dont toute la classe était persuadée que le vrai nom était « Klein ».
Le pas lourd du censeur se fit entendre dans le couloir, ce couloir déjà source de punition quand un farceur avait ajouté à la plaque émaillée « Sous peine de poursuite » sous l’injonction « Défense de courir ».
Il entra, referma la porte avec force, se tourna vers nous.
« Messieurs ! Vous êtes des cancres ! »
C’est sur ces mots que commença la mercuriale.
M’étant déjà fait reprendre à ce sujet, j’ai retiré les coudes de mon pupitre pendant qu’il continuait.
« Quelque chose de grave s’est produit hier alors que je quittais le lycée. »
Il reprit sa respiration et ponctua « Oui ! Votre lycée, Messieurs ! »
Après un silence, il reprit
« J’ai dû faire sortir quelques-uns de vos camarades du café face au lycée !
Certains buvaient du café ! Oui ! du café ! En fin d'après-midi !
Pire encore ! »
Là, s’étouffant d’indignation, il continua « Oui ! Pire encore ! Deux d’entre eux jouaient au billard électrique tandis qu’un élève avait mis une pièce dans l’électrophone automatique pour écouter un « jazz band », un « jazz band » ! De la musique américaine ! »
Nous écoutions attentivement ce monsieur qui découvrait avec stupeur que le monde n’était plus celui de Gilbert Cesbron dans « Notre prison est un royaume ».
Cesbron qu’en petit comité, nous appelions « ce vieux con de Cesbron » alors que nous avions été enchantés par son roman…
Mais bon, pourquoi l’incohérence serait-elle réservée aux adultes ?
J’aurais volontiers pensé de cette auditrice « vieille conne » si je ne m’étais surpris à penser à propos d’élèves mal élevés qu’elle fustigeait « Là elle n’a pas tort ! »
Bref, comme disaient les Romains « Nihil novi sub sole »…
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