samedi, 29 avril 2023
Le livre des proverbes…
Célestine, une charmante lectrice chérie que je vois de temps à autre, vient faire part avec sa note d’hier de sa préoccupation du fond des choses plus que leur simplicité apparente.
Hélas, elle démarre sa note avec un proverbe.
« Il pousse plus de choses dans un jardin que n’en sème le jardinier.
Proverbe espagnol ».
C’est avec des proverbes comme ça qu’on acquiert et surtout répand chez les adeptes du simplisme, la légende « Le Latin est un cossard ! »
On ne fait jamais assez attention aux proverbes.
Les Romains, ceux qui parlaient le latin étaient malins qui décrétaient « Carpe diem ».
Ils se tuaient allègrement mais savaient prendre la vie comme elle vient…
Le bon comme le mauvais et on finalement réussi à inonder le monde de leur lumière en culturelle et artistique.
Les Alsaciens, plus saxons que latins et décidément « branchés sérieux » nous sortent des proverbes comme « Avec un bon chef, la moitié du travail est faite. »
Le genre de truc qui me coupe l’envie de bosser rien qu’à le lire…
Certes, ils ont donné naissance à Goethe, Schubert et Nietzsche mais aussi à Berg, Büchner et Karl Marx, qui donnent une grosse envie de se jeter dans le canal…
Bref, outre le fait que l’expérience montre rapidement qu’il ne faut rien prendre au sérieux, il faut fuir comme la peste ces bleds qui nous expliquent très sérieusement qu’on vit pour travailler.
On ferait mieux de se rappeler qu’on travaille pour vivre et que ce n’est déjà pas facile tous les jours…
13:03 | Commentaires (13)
vendredi, 28 avril 2023
En terre étrangère...
Ce jeudi Heure-Bleue a eu une idée.
Une idée qui a mal tourné.
Une idée de « bobo gauchisant » comme disent les lecteurs du Figaro ou les auditeurs de Cnews.
Elle voulait aller à la « Halle Pajol » dans une boutique de « produits de seconde main ».
Après avoir regardé sur le site de la RATP quel était le trajet, obligatoirement en bus, nécessitant un seul changement car la lumière de mes jours déteste l’idée de prendre trois bus pour aller d’un point à un autre.
Le métro est hors de question, elle ne supporte pas d’être sous terre et je suis incapable de monter des escaliers…
La RATP me conseilla le 341, changer à Angélique Compoint et prendre le 60 jusqu’à Marx Dormoy.
C’est peu après nous être assis dans le 341 que ça a dérapé.
Ce bus pourtant « propre sur lui » qui partait de la place de l’Étoile a emprunté une route curieuse pour aller en direction de la Porte de Clignancourt.
Elle commença par l’exil en nous emmenant à Levallois puis sinua longuement dans des contrées étranges, voire étrangères, pleines de gens inconnus en passant dans Clichy.
Le bus passa par Levallois, Clichy puis Saint-Ouen et nous lâcha finalement sur le boulevard Ney après être passé derrière l’hôpital Beaujon puis devant l’hôpital Bichat.
J’ai emmené Heure-Bleue jusqu’à l’arrêt du 60, en traversant le chemin du tramway.
Alors que nous étions arrivés là dans un bus quasiment vide et n’ayant été surpris que deux fois par un parfum destiné à cacher l’odeur tenace du « tabac qui fait rire », à l’arrêt du 60, nous sommes passés dans un autre monde, celui que je ne voyais plus depuis des années.
Un monde pauvre, bigarré, où les femmes parlent beaucoup et fort, où les hommes ont des allures inquiétantes et se rasent une fois tous les jamais.
Pour rester dans l’esprit de ce temps de populisme croissant, en plus quand ces gens ne sont pas des Arabes, ce sont des Noirs et les « Gaulois » quoique rares ne sont pas les moins inquiétants !
Et ils sont nombreux !
Ils se tassent dans le 60 qui nous amènera jusqu’à Marx Dormoy.
À écouter les uns tousser, les autres nous parler dans le nez il a semblé prudent de mettre un masque.
Comme je sais que ce qu’on attrape n’est pas la pauvreté mais la grippe, j’ai mis le mien.
Se rappelant que les punaises sont de retour à Paris, la lumière de mes jours a regardé les sièges avec suspicion et a m’a dit, comme chaque fois qu’elle prend le bus « S’il y a une puce dans ce bus, elle est pour moi… »
Enfin arrivés dans un coin que pourtant elle connaît pour y avoir habité, elle l’a trouvé bien changé.
Tu parles… En cinquante ans il a eu le temps de changer…
Il semble être retourné à « la débine années cinquante » et les gens qu’on y croise sont aussi inquiétants que ceux de la satation Angélique Compoint.
Bref, on a fait du tourisme pour rien puisque la boutique où nous voulions aller était « exceptionnellement fermée jeudi 27 »...
10:24 | Commentaires (6)
mardi, 25 avril 2023
C’était quand même une drôle d’époque…
C’est une auditrice de ma radio matutinale qui ce matin me rappelle ce discours entendu quand j’avais à peu près quatorze ans.
Cette dame d’une quarantaine d’années m’a fait immédiatement penser à ce censeur de la très vieille école.
***
On aurait dû se douter que quelque chose se passerait ce matin-là.
Le « prof de Lettres » ainsi nommé pour concentrer en un mot ses multiples rôles de prof de latin, de français et de grec, s’était montré inhabituellement silencieux.
Nous-mêmes, avions gardé un silence prudent sauf, comme d’habitude, « Petit » dont toute la classe était persuadée que le vrai nom était « Klein ».
Le pas lourd du censeur se fit entendre dans le couloir, ce couloir déjà source de punition quand un farceur avait ajouté à la plaque émaillée « Sous peine de poursuite » sous l’injonction « Défense de courir ».
Il entra, referma la porte avec force, se tourna vers nous.
« Messieurs ! Vous êtes des cancres ! »
C’est sur ces mots que commença la mercuriale.
M’étant déjà fait reprendre à ce sujet, j’ai retiré les coudes de mon pupitre pendant qu’il continuait.
« Quelque chose de grave s’est produit hier alors que je quittais le lycée. »
Il reprit sa respiration et ponctua « Oui ! Votre lycée, Messieurs ! »
Après un silence, il reprit
« J’ai dû faire sortir quelques-uns de vos camarades du café face au lycée !
Certains buvaient du café ! Oui ! du café ! En fin d'après-midi !
Pire encore ! »
Là, s’étouffant d’indignation, il continua « Oui ! Pire encore ! Deux d’entre eux jouaient au billard électrique tandis qu’un élève avait mis une pièce dans l’électrophone automatique pour écouter un « jazz band », un « jazz band » ! De la musique américaine ! »
Nous écoutions attentivement ce monsieur qui découvrait avec stupeur que le monde n’était plus celui de Gilbert Cesbron dans « Notre prison est un royaume ».
Cesbron qu’en petit comité, nous appelions « ce vieux con de Cesbron » alors que nous avions été enchantés par son roman…
Mais bon, pourquoi l’incohérence serait-elle réservée aux adultes ?
J’aurais volontiers pensé de cette auditrice « vieille conne » si je ne m’étais surpris à penser à propos d’élèves mal élevés qu’elle fustigeait « Là elle n’a pas tort ! »
Bref, comme disaient les Romains « Nihil novi sub sole »…
09:29 | Commentaires (2)
lundi, 24 avril 2023
La race des seniors…
Comme le bas peuple ne comprend rien à l’économie de marché je vais tenter de lui expliquer ce qu’est « être raisonnable ».
C’est pourtant simple, prenez le problème des retraites par exemple.
Comment assurer à coup sûr l’équilibre des caisses de retraite et « en même temps » assurer le financement des investissements nécessaires au pays sans qu’ils pèsent sur les finances du pays ni augmenter « La Dette » ?
Eh bien c’est assez simple, que je vous explique :
Vous envoyez bêtement vos gosses à l’école jusqu’à plus d’âge en espérant qu’avec des diplômes ils auront un job intéressant et décemment rémunéré.
Ils sortent alors des études et cherchent un boulot qui correspondra aux diplômes qu’ils viennent de décrocher.
C’est là que commence le déclenchement de l’opération qui mène à l’horizon ultime de toute politique sérieuse : L’équilibre des comptes.
On commence alors par laisser mariner les gosses de stages gratos en stages non rémunérés jusqu’à 25 ou 28 ans.
Là, on les estourbit en les avertissant qu’il leur faudra 43 années de cotisations au-dessus du plafond de la sécu pour prétendre à une retraite égale à 50% du plafond de la Sécu en vigueur.
Enfin adultes, on les paie dans la plupart des cas au SMIC pendant un an ou deux, histoire de vérifier qu’en plus de connaître leur métier ils savent aussi conduire une camionnette de livraison ou manier une caisse de carrouf.
Ça, c’est pour qu’ils comprennent bien que ça ne sert à rien de savoir concevoir des appareils que les esclaves d’ailleurs fabriquent si bien et vendent si peu cher.
Puis, à partir de 45 ans on leur fait alterner des périodes de six mois de CDD et six mois d’ASSEDIC qui les amèneront jusqu’à 55 ans.
Après l’anniversaire de leurs 55 ans, ils seront partis pour des séries ASS suivies de « Formation diplômante » oubliant qu’ils ont déjà décroché des diplômes.
Puis, après des petits CDD de trois mois de temps à autre alternant avec un RSA versé contre un travail gratos, ils arrivent enfin à l’âge de la retraite sans décote.
Ils ont alors 67 ans et sont mis à la retraite d’office.
Comme ils n’auront jamais acquis que peu d’années souvent au SMIC, et toujours sous le plafond de la Sécu, ils n’auront jamais les « trimestres validés » nécessaires et compte tenu de la lourdeur des pénalités pour trimestres manquants leur retraite, déjà prévue mince à taux plein, ressemblera à l’aide des centres d’action sociale municipaux.
Bilan, à 69 ans vos gamins seront à la rue et, mal nourris, mal soignés, mal logés, les plus solides mourront vers 70 ou 72 ans.
Et voilà le problème des retraites résolu !
J’espère que vous avez compris !
C’est pourtant clair, non ?
12:01 | Commentaires (8)
dimanche, 23 avril 2023
La mère, la mère toujours recommencée.
Ben quoi ? Il n’y a pas que Paul Valéry comme poète !
Bref, il y a un moment, à une note où je parlais de ma mère, une lectrice me posa la question « Vous étiez le petit frère chéri ? Ah ah ! Vous n’avez donc été élevé qu’avec des femmes en dehors de votre passage en milieu «carcéral» ? Avez-vous connu des bizutages sévères en pension, et étiez-vous à l’aise avec d’autres garçons ? »
Cette lectrice d’alors m’était sortie de l’esprit jusqu’à ce que je retrouve le brouillon de la réponse que je n’ai jamais envoyée…
Bon, c’est un peu long.
Que je te dise, lectrice, à propos des garçons, des filles, des parents.
J’ai toujours été à l’aise avec les autres garçons parce que je venais d’un coin où « la castagne » était monnaie courante et qu’en pension, c’est « struggle for life » à tous les étages, c’est un sacré entraînement à la cohabitation.
J’en avais touché deux mots dans une note déjà ancienne et ça se résume assez simplement.
Soit tu es un « leader », soit tu es un suiveur, soit tu veux juste être en dehors de toutes ces âneries ce qui était mon cas et ce n’est pas toujours le plus facile.
Eh oui, il faut se battre, dans tous les sens du terme, parce que les suiveurs s’écrasent ou soutiennent le leader et le leader te veut dans sa cour...
La pension t’enseigne ça très bien.
Tu apprends vite que « le leader » déteste les indépendants.
Il te veut toujours dans sa cour, il veut le pouvoir, il se fout de ceux sur qui il l’exerce. Celui qui échappe à son pouvoir le dérange.
Ça ne paraît pas mais ça forge une personnalité...
Tu n’as personne pour te défendre, le tout c’est d’amener l’autre à se dire « je peux gagner parce que je suis plus fort que lui, mais je vais en prendre plein la gueule, et ça c’est dangereux parce que les autres vont voir qu’on peut me remettre en cause. »
Tout ça n’est pas clairement formulé dans l’esprit d’un gamin de six ou sept ans mais c’est bien ce qui se passe.
Une fois que le « leader » a décidé qu’il n’y avait rien à gagner à faire entrer dans la bergerie un loup qui risquait en plus d’amener le troupeau à préférer le loup au berger, tu as une paix royale.
Les uns et les autres viennent même te voir en douce et c’est là que tu vois arriver de futurs traîtres qui se demandent si tu ne pourrais pas les conseiller sur la façon d’évincer le « leader » pour prendre sa place.
Tu vois tout là l’intérêt à rester en dehors de tout ça je suppose ?
Les pensionnats religieux sont bien un endroit rêvé pour les études de sociologie…
En plus, pendant que tu es dans ton pensionnat, tu es à l’abri des parents.
Qui font comme tous les parents, des erreurs, mais ils font ce qu’ils peuvent, comme nous tous quand on devient parent…
Quant aux filles, si j’en savais un peu plus grâce à mes sœurs, ça n’était pas simple du tout mais avoir des infos sur « les classes des filles », je trouvais ça très bien.
Évidemment, mes sœurs étant aussi jalouses que ma mère, elles se seraient sûrement raconté des choses dont je préférais sans doute qu’elles ne soient pas étalées en public au cours d’une chamaillerie familiale.
C’était un risque à ne pas courir inconsidérément…
Je dois dire qu’avoir trois sœurs, c’est super, on n’a pas peur des filles puisqu’on vit avec et avec un peu d’attention on en perçoit le mode de réaction et de fonctionnement.
Ce n’est pas comme les fils uniques ou les familles de garçons.
Je me suis rendu compte plus tard que beaucoup de garçons avaient plus ou moins peur des filles, non pas qu’elles leur inspirassent une terreur quelconque, simplement qu’ils ne savaient pas par quel bout les prendre…
Bon, pour mon père, c’était un homme profondément gentil, mais plutôt artiste de tempérament.
Il avait été quasi détruit par cinquante-trois mois de campagnes militaires où il avait vécu des choses épouvantables dont la bataille de Monte Cassino (renseigne toi sur le sujet, lectrice…).
Il en resta victime de cauchemars épouvantables au-delà du milieu des années cinquante, ce qui n’arrangeait pas l’ambiance.
Comme ma mère était veuve de guerre (son premier mari, le père de ma grande sœur avait été abattu par les Allemands en 1942 au cours d’une opération de la Résistance), ça causa un problème.
Quand mon père et elle se chamaillaient, elle faisait des comparaisons entre son premier et son second mari.
Tu sais combien la lutte contre un mort est vouée à l’échec, le mort gagne toujours… Ambiance dont il était bien agréable de s’échapper en allant en pension.
Après, en grandissant, endurcis que nous étions, mes sœurs et moi, on « dealait » assez bien avec ces histoires dont nous avions une longue habitude.
Du coup nous sommes devenus très indépendants et gardons des relations plutôt épisodiques, ce qui n’empêche pas l’affection réelle et des bons fou-rires à certains souvenirs familiaux pourtant pas toujours gais.
C’est long et tardif mais voilà tout ce que j’avais à te dire sur le sujet, lectrice chérie.
Ces réponses, comme les aides gouvernementales, arrivent trop tard mais elles arrivent…
09:56 | Commentaires (3)