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lundi, 17 septembre 2012

Promenade

Les gens de la boîte sont très gentils. Ils ont décidé de faire une sortie pour accueillir Heure-Bleue. Ce côté scout mâtiné patronage me surprendra à chaque fois.
Notre CEO, plus connu sous le nom de Ran, a décidé de faire plaisir à son CTO/CSO préféré, c'est-à-dire Le-Goût, en accueillant dignement Heure-Bleue.
La veille, déjà, tandis que je méditais sur la meilleure façon de piéger l’ours prématurément vendu, il était venu me voir et m’avait rassuré « Ta femme va bien, on l’a vue, elle sortait du Centre Dizengoff les bras chargés de paquets… »
Une sortie est donc prévue. On ira dans le nord du pays, en Galilée. Une promenade est programmée avec un guide –ils sont très didactiques dans ce bled- puis un repas prolongé et allongé sous une tente, chez les Bédouins.
L’inévitable séance d’Histoire suivra, émaillée d’anecdotes plus ou moins saintes.
Le pays est riche en personnalités célèbres, leurs noms émaillent la Bible. J’ai personnellement une grosse préférence pour David. Ce roi querelleur, précurseur de Robin des Bois, musicien, poète, surtout cavaleur et pour tout dire infernal a tout pour me plaire.
La promenade commencera par transformer Heure-Bleue en nounou dégoulinante. Pendant une grande partie de la promenade elle portera Lior, un bébé tout neuf que sa mère est très contente de voir dans les bras de quelqu’un d’autre.
Je surprends ma moitié, qui est victime de plusieurs « fractures de l’œil » à contempler Tomer, un jeune homme de trente et quelques années que la moitié des femmes de l’assistance  regarde comme un gâteau.
Il faut dire que ce pays est beaucoup plus jeune que la France et plein de jeunes gens et de jeunes filles. Ce qui présente l’indéniable avantage de rendre l’œil de votre serviteur particulièrement exercé.
Au cours de cette promenade, le guide discourra abondamment sur de petites fleurs blanches sans aucun intérêt. D’après lui, elles ont acquis cette couleur virginale le jour où Adam à croisé Eve –dite Ava en hébreu, ce qui a donné « ahava », l’amour. Vous dites que je ne pense qu’à ça. Je vous prouve à l’instant que depuis le début, l’humanité entière ne pense qu’à ça.
Il nous cause de choses comme ça pendant qu’Heure-Bleue, n’ayant pour se mettre à l’ombre que le bébé de quelques mois qu’elle a dans les bras, commence à fondre…
Il n’y a qu’un seul autre participant qui semble dans le même état. Sharon, un jeune homme clair de peau, d’yeux et de cheveux. Ce pays a été manifestement choisi non parce que c’est le berceau des trois « religions du Livre », non.
Il a été choisi pour emmerder les askenazim, ces juifs d’Europe de l’Est qui grâce à un effort soutenu des cosaques et autres barbares du coin à contribué à éclaircir le peuple hébreu dispersé par Rome.
Heureusement pour moi, les spharadim, mélangés uniquement avec des arabes supportent très bien le climat.
D’ailleurs, l’histoire juive la plus courte que je connaisse est « C’est un juif, il rencontre un autre arabe… ».
Les ashkenazim préfèrent répandre le bruit que les spharadim sont des bougnoules de confession mosaïque…
Ça donnerait presque raison à ceux qui disent qu’Israël n’existera que quand tous les juifs seront enfin unis. On a le temps…
Revenons à notre promenade. Nous commençons à avoir faim et les voitures des uns et des autres nous emmènent vers un village arabe dans lequel elles seront garées.
Nous marchons un moment et arrivons sous une tente immense où nous attendent nos hôtes. L’odeur est puissante. La tente sent le mouton, la chèvre, la sueur, les épices et les fruits. En moins de cinq secondes, nous avons déjeuné avec le nez. Mais nous ne sommes pas rassasiés. Nous allons manger ce que ça sent.
Nous serons vite rassasiés cette fois. Du moins Heure-Bleue et moi.
Nous avions l’habitude du couscous de mon père ou de celui de « Chez Omar ».
Ce couscous là nous fait d’un seul coup fait comprendre pourquoi les arabes sont fâchés avec quasiment tout le monde…

 

samedi, 15 septembre 2012

L'arrivée du printemps...

Il est temps qu’Heure-Bleue arrive, la contemplation de « harutz esrim vé shtaïm » chaque soir commence à être pesante.
 « harutz esrim vé shtaïm » est l'équivalent d'Arte, où on parle hébreu comme les speakers des années cinquante parlaient le français à la radio, lentement et correctement. Ça aide énormément pour apprendre.
 J’ai beau faire l’effort de mettre la table et préparer un frichti histoire de ne pas vivre comme un clochard, les heures ne passent pas.
Surtout, éviter de manger à même la boîte que l'on rincera pour y mettre le café le lendemain matin. Si on n'y prend garde, on tourne vite SDF avec DF...
Hier, coup de téléphone à ma mère, ça a tourné court.
Ma mère a un sens de l’humour limité. Quand elle a décroché, par réflexe j’ai dit « bonsoir maman, tu vas bien ? », pour la première fois depuis au moins quarante ans elle a dit « oui, ça va ! ».
Je n’ai pas pu m’empêcher de dire « Oh excusez-moi madame, je me suis trompé de numéro !» et j'ai raccroché.
Il a fallu attendre deux jours avant de pouvoir lui parler.
Il faut dire que ma mère ne va jamais.
Elle ne dort jamais, sauf quand on sonne chez elle et que du coup elle n'ouvre pas.
Elle ne mange jamais, sauf quand on arrive à l’improviste et qu’elle engouffre les pots de 250g de riz au lait, elle a du diabète mais se suicide au riz au lait...
Elle ne respire pas mais est intarissable et ne manque jamais de souffle quand il s’agit de médire de Heure-Bleue.
Bref, ma mère est infernale.
Mais comme on n'en a qu'une, je fais avec...

Aujourd’hui, est un grand jour, c'est celui tant attendu où il me faut aller chercher Heure-Bleue à l’aéroport Ben Gourion à Lod.
La température est douce et la soirée agréable. Le taxi m’a raisonnablement volé à l’aller « meter be va kasha ! » - « le compteur, s'il vous plaît ! »- est l’injonction obligée et souvent peu suivie d’effet. Au retour, bien que surveillé comme le lait sur le feu par la police de l’aéroport, le chauffeur m’a encore grugé mais je m’en moque, Heure-Bleue est là.
Elle a, comme d’habitude trop chaud mais elle supporte la douceur de la soirée. Ses bagages posés, nous allons dîner chez « mi vé mi », probablement le meilleur filet de porc que nous ayons jamais mangé…
« Tu n’élèveras pas de porc sur la Terre d’Israël » a enjoint Adonaï un jour où il avait envie de donner une occasion supplémentaire de pécher.
Grâce à Lui, Adonaï, censément omniscient, n’avait pas prévu la dalle de béton qui permet d’élever les porcs localement sans enfreindre la « halakha », du moins la lettre.
De toute façon, s'il y a quelqu'un avec qui on peut prendre des arrangements sans risque, c'est bien Adonaï...
Le dîner fut délicieux, la soirée plus encore, la vraie surprise fut pour le lendemain…
La température était d’environ 25°C le soir.
Le lendemain midi, elle atteignait 45°C.
J’admirais Heure-Bleue qui n’a pas fondu mais a néanmoins réussi à trouver suffisamment d’énergie pour pester après ce climat dont la température étouffante lui fait dire qu’il lui donne une idée de ce que devaient ressentir les « Sonderkommandos »…

 

vendredi, 14 septembre 2012

La vie n’est peut-être pas un long fleuve tranquille, mais quand même…

Aujourd’hui, c’est vendredi, c’est pas raviolis c’est digression.
Et je vais me mêler, comme d’habitude, de ce sur quoi je devrais me taire.
Pour tout dire, sur les commentaires que vous laissez, lectrices chéries, chez Heure-Bleue ou votre serviteur.
Je crois que nous ne nous sommes pas assez ennuyés au cours des quarante dernières années.
Il en ressort que nous sommes –peut-être- amoureux, mais surtout que nous sommes un peu cinglés.
Eh bien en fait, il faut que je vous dise une chose.
Heure-Bleue fut quelqu’un de très sage –du moins le prétend-elle – jusque vers dix-huit ans, âge où elle abandonna le domicile familial, un peu trop animé à son goût, pour une piaule au Quartier Latin.
Elle dit aujourd’hui qu’elle est cinglée, mais il faut bien voir qu’elle partait dans la course à la plus grosse bêtise avec un handicap sérieux.
Elle ne pouvait pas rattraper quelqu’un qui s’était élancé dès l’entrée en primaire dans d’énormes âneries.
Vous pensez bien qu’elle ne pouvait que tenter de suivre, sans jamais le rejoindre, le fougueux siphonné.
Tant qu’elle courait, elle ne pouvait pas réfléchir.
Tant qu’elle ne pouvait pas réfléchir, elle ne pouvait pas se poser de questions dangereuses sur la finalité de la course.
Tant qu’elle ne  se posait pas de questions, ça évitait les réponses.
Et c’était toujours ça de gagné !
Des années gagnées !
Bon, aujourd’hui on court moins vite, mais comme on ne réfléchit pas plus.
D’ailleurs on a une autre bêtise en vue.

Mais non, on ne va pas faire un bébé…

 

jeudi, 13 septembre 2012

Va voï ma fils !

Heure-Bleue n’est pas encore arrivée mais il y a suffisamment de travail pour que son absence soit –tout juste- supportable. Et puis il fait beau alors qu’à Paris le temps est gris et pousse à se jeter dans la Seine. Mais ça ne va pas sans inconvénient. Au bout de trois à quatre semaines, quand vous allez à la fenêtre au réveil, vous regardez le ciel et vous finissez par vous dire « M… ! Il fait encore beau ! ». Rassurez-vous, ça ne dure pas et on s’y fait très vite. Près de la maison, il y a des boutiques ouvertes entre sans arrêt et tout le temps. Vous manquez de cigarettes ? Vous descendez la rue Bograshov jusqu’à la rue Pinsker et un peu après le coin, une boutique vend à peu près tout. Du Coca-Cola au jeu de cartes en passant par les gâteaux et les cigarettes. Du moment que vous y allez avant trois heures du matin, ça va.

Ces années là, avant la seconde Intifada, ce pays avait encore une caractéristique intéressante : un enfant pouvait traverser Tel-Aviv à pieds en pleine nuit sans risquer autre chose qu’une engueulade de ses parents.
La violence ne s’exerçait que sur le terrain militaire. Les choses se sont gâtées par la suite avec l’arrivée d’une nouvelle aliyah massive de Russie.
L’achat d’un petit bouquin, de longues discussions avec Mommy le matin et avec les gens de la boîte pour se faire expliquer les arcanes de la langue permettent de ne pas parler comme un zyva. Un juron dont on peut savourer la classe revient souvent dans la rue. Les automobilistes semblent partout les mêmes, du coup « ben zona » résonne souvent et permet des échanges parfois musclés. Mommy me renseigne, « ben zona » égale « fils de pute ».
Ce qui explique des réactions parfois vives mais qui ne vont que très rarement jusqu’aux coups. Il est surprenant par exemple, parce que ça tournerait au meurtre de masse à Saint Denis, de voir des soldats armés de leur fusil, se disputer comme des chiffonniers, puis se lever, accrocher leur fusil à la patère de Mommy et s’accrocher, prêts à se coller des baffes, se pousser puis se calmer et demander des cafés.
Comme partout ailleurs, on peut remarquer que l’uniforme de ces soldats n’existe qu’en deux tailles : trop grand et trop petit.
En revanche, vous qui me connaissez un peu, vous ne serez pas surprises, lectrices chéries, de l’intérêt –esthétique bien sûr, seulement esthétique-  que je porte aux petites soldates.
Et parmi les choses intéressantes à remarquer –mais non, pas que ça- il y a justement l’uniforme. Il est certain que leurs mères ont prêté la main à la transformation genre « fashion victims » de leurs filles.
Il y a notamment cette jeune fille  -les filles font leur service de dix-huit à vingt ans- dont la chemise « blouse » élégamment sur un pantalon collant à souhait –elles peuvent encore…-  retouché façon « pattes d’eph » dont les « pattes d’eph » sont fendues et équipées de revers qui dévoilent à chaque pas des volants en liberty du plus bel effet.
Faites ça en France et vous allez au trou pour dégradation du matériel administratif…

mercredi, 12 septembre 2012

L’exil.

Reprenons donc le fil de ce récit décousu.

Bon, je dis l’exil, j'exagère, il manque les gémissements.
L’exil si tu gémis pas, c’est pas l’exil, c’est rien que du tourisme…

Il y a une chose extraordinaire, enfin pas qu’une, dans ce petit pays où on compte plus de musiciens que de public et accessoirement équipé de trois millions de premiers ministres –il suffit de les écouter parler de la situation internationale- , c’est que même ceux qui y sont nés se sentent soit exilés, soit enfermés. Du coup, des gens que vous croisez pendant quinze jours disparaissent de la circulation pendant un mois. Vous demandez s’il leur est arrivé quelque chose et on vous dit que non, limite ils sont partis chercher du jambon à Paris.
Ils sont partis, ils partent, ils vont partir.
Parmi les conséquences curieuses de cet atavisme de la fuite, il y a ces  vols Paris-Tel-Aviv qui sentent la charcuterie, le saumon fumé et le camembert.
Tout ça mélangé à des parfums hyper sucrés et entêtants  car la « shalala » se parfume à pleins seaux de fragrances  redoutables.
Ça ne paraît pas mais Poison ou Shalimar au lait cru, honnêtement, ça arrache.
Finalement, ces vols constituent un excellent entraînement pour les trajets boulot-maison en transports en commun.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais ces trajets sont toujours riches en senteurs épouvantables…
Toujours est-il que nous avons décidé de recommencer notre vie ailleurs.
Vers un ailleurs riche de promesses. Surtout riche de promesses d’ailleurs.
Mais ne nous plaignons pas, le gîte est assuré, la rémunération est plus qu’intéressante,  le climat me plaît et l’appartement est agréable.
Si mon père qui, vit le jour près d’Oran, avait été là, il aurait fallu dix flics pour le sortir du pays.
Le matin, quand la main géante allume le ciel d’un seul coup, je prends l’habitude d’aller prendre mon café chez Mommy, à la terrasse, en contemplant le ciel sans nuage, lisant l’International Herald Tribune ou Haaretz (l’équivalent de Libé en Israël) et regardant la mer au bout de la rue Bograshov.
Il est tôt et j’ai le temps, la boîte n’ouvre que vers neuf heures, et j’ai un quart d’heure de marche par la rue Allenby.
Bon, j’y vais souvent en taxi car je suis fainéant comme une couleuvre.
J’ai été dénoncé auprès d’Heure-Bleue par un Russe.
 On ne peut pas faire confiance à un Russe.
Je vous parlerai plus tard de la vodka locale, que « c’est plutôt une boisson d’homme » comme disait Lino Ventura dans « Les tontons flingueurs ».