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vendredi, 19 octobre 2012

Le jeune homme pressé...

Lectrices chéries, depuis le temps que vous dévorez mes moindres mots avec une avidité bien compréhensible, vous savez toutes , j’en suis sûr, que j’ai la chance d’être doté d’un potentiel fantasmatique qui fait naître chez vous des émotions plus ou moins avouables.
Néanmoins je vous avertis, lectrices toujours chéries, que ce qui suit est une œuvre de pure fiction et que toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé ne peut être qu’une coïncidence. En foi de quoi, quand arrivera enfin l'épisode fleur bleue que vous attendez avec impatience, il est parfaitement inutile de vous lancer dans une recherche sur FB qui ne pourra que se révéler vaine et, pire encore, me faire avoir des histoires avec le délicieux être aux yeux verts qui ravit mes jours,  enchante mes nuits et partage ma vie (là, pour la vie partagée, j’ai des témoins). 
OK ?

Un je ne sais quoi dans l’air lui disait que ça allait se gâter.
Ça avait pourtant bien commencé. Il était tranquillement assis à « sa »table, celle du coin, adossé au le mur qui laissait à sa droite la vitrine de son café préféré, celui de la rue Cujas. La table était petite mais permettait au moins d’y mettre son paquet de feuilles tenu par la sempiternelle « araignée » et une ou deux tasses de café. « Sa » place lui assurait une position stratégique. Une vue imprenable sur la rue, toujours pleine de spectacles intéressants. Une vue sur l’entrée, ce qui donnait assez de délai pour autoriser ou interdire à l’arrivant de s’asseoir face à lui. Il lui suffisait d’étaler ses papiers et de pousser sa tasse pour empêcher les indésirables de lui gâcher son moment de paix.
Aujourd’hui, son moment de paix allait être gâché de façon inattendue.
Il avait toujours eu le regard acéré en matière de filles et savait du premier regard apprécier une brillante contribution au patrimoine génétique de l’humanité.
Celle qui venait d'entrer en était un bel exemple, il aurait parié sur un mètre soixante environ, ce superbe mètre soixante surmonté d’une coiffure châtain, en fait plutôt acajou, dite « à l’aiglon » qui encadrait un joli visage au teint clair. Il se dit que, tant à faire, puisqu’elle avait des yeux clairs, il devrait pousser son « araignée » pour qu’elle puisse prendre place à sa table. 
« Je peux ? » demanda-t-elle d’une voix pas si douce que ça en fait. En garçon bien élevé il ne put que dire « Je vous en prie ».
De plus près, il confirma que la fille était aussi mignonne que ce qu’il avait pensé en la voyant entrer, les verres ovales à monture fine n'altéraient en rien sa joliesse, son écharpe bleu marine soulignait le bleu-gris assez sombre de ses yeux et faisait paraître son visage encore plus pâle qu’il n’était réellement. Les mystères de la transformée de Laplace s’éloignaient rapidement de son horizon immédiat. Mystères qui furent remplacés aussitôt par des supputations stratégiques de la plus haute importance pour la suite de sa vie, il en était sûr.
C’est toujours dans ces moments là que les dieux prennent un malin plaisir à faire des plaisanteries douteuses…

 

jeudi, 18 octobre 2012

Le choix des maux...

Ce soir, il n’avait pas vraiment le moral en sortant de la fac par la rue Linné. L’ennui peut-être. Il traînait, ne savait pas trop « quoi faire de sa peau » comme disait sa mère. Ecouter de la musique ne le tentait pas, ce qui était rare. Il était à jour dans son travail. Mais si, mais si, ça arrivait, un effet secondaire du célibat sans doute… Il décida donc d’aller retrouver ses copains au bistrot de la rue Cujas. Il y en avait deux ou trois qui essayaient vainement de le convertir au communisme pur et dur. En fait plus dur que pur. Ces tentatives restaient lettre morte et parfois tournaient court quand il opposait à ses contradicteurs l’intervention de 1956 en Hongrie.
Cette entorse au principe affiché du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », si souvent mis en avant quand il s’agissait de vilipender les Etats-Unis et leur intervention au Vietnam, laissait assez facilement ses interlocuteurs à court d’arguments de bonne foi. Il lui arrivait néanmoins d’acheter de temps en temps « Les Cahiers du Communisme », revue intello du Parti Communiste International. Un gigantesque parti qui s’étendait sur une grande partie de la planète. Plus précisément sur quelques pâtés de maisons du Quartier Latin.
Il avait même assisté à une réunion où, pour convaincre des bienfaits de la politique de Brejnev autrement démocratique que celle de Lyndon B. Johnson, les aficionados du centralisme démocratique avaient invité un Brésilien affligé d’un accent épouvantable. Ce Brésilien était censé nous dire tout le mal qu’il pensait du maréchal Branco qui voulait rien qu’à torturer les artistes de gauche –ce qui était vrai- alors qu’il fallait absolument instaurer le communisme partout pour garantir les libertés –ce qui, pour les informations dont il disposait, était faux.
Bref, il s’était ennuyé ferme, était resté opaque à une argumentation pleine de trous –il se demandait comment ces lascars avaient eu autre chose qu’une bulle en philo-. En fait il préférait le côté joyeux des manifs où on hurlait « US go home ! » avant d’aller se vanter de faits d’armes, assez miteux au demeurant, au café avec des « camarades de combat pour une vraie démocratie ».
Tout cela n’allait pas toujours sans mal et l’expérience lui avait parfois montré que le CRS bien nourri et entraîné courait nettement plus vite que l’étudiant romantique  nourri n’importe comment et toujours à court de calories. La méthode n’avait pas que des inconvénients, qui permettait à l’étudiant, toujours prompt à s’avachir, de bénéficier d’un entraînement gracieusement dispensé par le ministère de l’Intérieur…
Ces échanges un peu vifs entre la gent estudiantine et les chevaliers du guet montraient en outre le soutien indéfectible du pays à ces chiens de capitalistes, impérialistes de surcroit.
Et ce, malgré les dénégations véhémentes de « Mon Général » qui protestait souvent de l’indépendance de la France vis-à-vis des USA, non mais !
Il faisait finalement des journées telles que tenter la même chose dans une usine eût conduit à la grève sur le champ. Songez à des heures de cours plus ou moins magistraux car il n’y a pas toujours la corrélation souhaitée entre le savoir et l’art d’enseigner. Heures de cours suivies d’heures de café, en fait de tentatives de restauration de la justice sociale dans le monde, tentatives montrant évidemment que, pour faire valoir son point de vue, les muscles de la langue étaient nettement moins efficaces que le porte-avion ou la bombe thermonucléaire. Ces journées se soldaient de plus par des heures de marche et enfin de travail à la maison. Heureusement que la jeunesse permet de supporter quelques années de manque de sommeil sans se retrouver avec des yeux de panda le lendemain matin.

 

lundi, 15 octobre 2012

L'école est finie !

La fac commence...
Il faisait vraiment frais cette semaine de novembre 1967. Il aimait, Paris, les rues et les ponts de Paris.  Il aimait traverser la Seine en prenant le pont de l'Hôtel de Ville pour aller de chez lui à la fac. Mais ce jour-là, frileux comme il l'était, le trajet le laissait gelé pour des heures.
Il adorait la fac pour des tas de raisons. La moins avouable était que la rentrée universitaire avait lieu au début novembre. Ça ne paraît pas mais quelques semaines supplémentaires de vacances étaient non seulement bonnes à prendre mais rentables.
Evidemment, comme à chaque rentrée, il profitait de l’avantage d’habiter assez près pour aller à pied à la fac. Ça lui permettait d’arriver assez tôt, sans se lever aux aurores, pour éviter de rester tout bête à l’entrée de l’amphi, coincé à la porte avec cinquante autres retardataires, à tendre l’oreille et noter à toute vitesse en appuyant son bloc sur le mur. Il fallait arriver tôt pour éviter ce calvaire. Au moins, sur les bancs on pouvait écrire plus confortablement. Ecrire comme un cochon, mais écrire, pas entasser des notes qui ressembleraient, le soir arrivé, à des écrits cinghalais. Quand il traînait, il arrivait trop tard, n’entendait pas grand’ chose et était obligé de se rabattre sur les « poly ». Il détestait ça, ça obligeait à travailler, pire, à faire des efforts et ce n’était pas son occupation favorite.
Onze heures ! Enfin ! La faim le tenaillait et il se dirigeait d’un pas vif vers le « restau-U » de la rue Mabillon en espérant qu’il n’y aurait pas de lentilles et qu’il arriverait avant ceux de la fac de médecine.
Pour les lentilles, c’est parce qu’il appréciait assez peu de trier les cailloux pour pouvoir avaler une pincée de lentilles. Quant aux carabins, il tenait absolument à arriver avant eux parce que ces crétins, quand ils étaient d’humeur taquine, avaient l’habitude discutable de mettre du valium dans les pots à eau…
Tandis qu’il remontait la rue Cuvier et partait dans la direction de la Sorbonne, il se disait qu’il était temps que les vacances de fin d’année arrivent. Non qu’il en ait déjà assez de la fac mais il savait déjà que dès janvier, les amphis seraient dégagés à tel point qu’on pourrait s’allonger sur les bancs. Même sur les plus près de l’estrade. Et ça, ça lui plaisait. Ça lui éviterait des heures et des heures de travail. Heures qu’il mettrait à profit pour refaire le monde.
Si on ne refait pas le monde à dix-huit ans, c’est à désespérer de l’humanité…
Il avala son déjeuner rapidement puis repartit pour échapper au brouhaha du restau-U, bourdonnement incessant émaillé du tintement des couverts. Ça l’empêchait de penser, non qu’il fût un penseur mais il aimait que ce qu’il avait entendu soit correctement gravé dans sa mémoire et la marche était parfaite pour ça. Il n’y paraît pas mais c’est fou ce qu’il faut déployer de trésors d’imagination et d’astuces avérées par l’expérience pour éviter un effort…
Sorti dans la fraîcheur de la rue, il frissonna et redescendit vers le petit bistrot de la rue Cujas où il avait pris l’habitude de boire un café avant de retourner à la fac.
Le café était plein à craquer, comme toujours, il n’y prenait pas ses repas car bien que peu cher, ça restait désespérément au-dessus de ses moyens. D’ailleurs on ne pouvait même pas appeler ça « moyens » tellement c’était réduit. Il restait une table libre, il y posa ses deux chemises cartonnées et son petit paquet de feuilles, le tout tenu tant bien que mal par une « araignée ». Ce machin élastique mais léger et pas cher, qui avait tendance à casser au moment le plus inopportun, généralement quand il pleut et que l’on passe au-dessus d’un caniveau.
Il pensait avoir testé toutes les variations liées à la rupture de l’araignée, de l’envol de la moitié d’un « poly » un jour de grand vent à la chute des notes de la matinée sur un quai bondé.
L’araignée avait néanmoins à ses yeux deux avantages incomparables : un prix modique et le fait qu’il pouvait en avoir un ou deux en réserve dans une poche.
Il ne le savait pas encore mais il lui restait toutefois à expérimenter un autre effet de la rupture de l’araignée.
Et pour une fois, c’était un avantage…

 

dimanche, 14 octobre 2012

Je ne sais pas si Eugène Sue mais franchement, Ponson, tu dérailles…

C’était juste pour voir si vous suiviez.
Manifestement, lectrices chéries, vous ne faites pas très attention, obnubilées que vous êtes par le charme et le talent narratif de votre serviteur...
Vous ne repérez pas –sauf Lakevio qui a vicieusement relevé une faute de frappe et s’est malheureusement cantonnée à ça- les incohérences du récit.
Le fait qu’un type de plus de soixante ans soit encore au boulot –contrairement à plus des deux tiers des types de sa génération-, soit encore obligé de se raser deux fois par jour à un âge où la barbe est blanchie depuis un moment et soit encore soumis au contrôle d’identité au faciès ne vous semble pas le moins du monde bizarre.
Bon, quant à « mater les poulettes » c'est répandu à tout âge et être apte à dire quelques vers en espérant intéresser la « poulette » en question est à la portée du premier venu pour peu qu’il ait quitté l’école après ses douze ans.

Cela dit, lectrices chéries, j’adore que vous me fassiez confiance.
Mais franchement, à ce point, vous ne pensez pas que c’est quand même de l’aveuglement ?
Imaginez que je sois animé de mauvaises intentions, hein ?
Genre feu Claude Nougaro, prêt à tout pour « séparer en deux portions, cinquante-cinq kilos de chair rose de cinquante-cinq grammes de nylon »
Certes les intentions ne sont dites  mauvaises que quand on ne souffre pas de la solitude…
Je tiens l’information d’Heure-Bleue qui me surveille comme le lait sur le feu et me dit, quand je regarde passer un tendron « c’est pas du mouron pour ton serin » et si le tendron a quelques heures de vol, m’assène   « pfff… Il y a plein de femmes suffisamment désespérées pour se jeter au cou de n’importe quel mec ! Même toi, c’est dire… »
Du coup, comprenez-moi, quand elle me dit qu’elle m’aime, un doute m’étreint…
Il va quand même falloir que je m’attelle à cette histoire dont je suis sûr que vous l’attendez avec impatience.
Hélas pour moi, lectrices chéries, je sais aussi que vous ne l’attendez guère que pour vérifier que je suis capable de vous raconter une histoire plausible et à peu près correctement.
Mais que diable allait-il faire dans cette galère…

 

vendredi, 12 octobre 2012

Il faut un début à tout...

Finalement il n’était pas si mal.
Si on passe évidemment sur quelques inconvénients liés à la mâlitude.
Le plus gênant, par ces temps d’obsession de la sécurité, c’est qu’il était de la famille de ceux qui sont obligés de se raser deux fois par jour.
Quand on prend le RER plusieurs fois par jour, il faut éviter d’avoir la tête qui appelle le contrôle d’identité avec bavure…
Cela mis à part, il n’était pas repoussant. A condition de ne jamais porter de ces Nike qui lui faisaient non seulement transpirer les pieds mais, lorsqu’il les quittait le soir, exhalaient un de ces parfums qui justifiaient à eux seuls la Convention de Genève de 1925.
Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes de, vous n’allez pas le croire, de Jean Dupont dit « Nono ». A moins que ce ne soit Dupond, il ne savait plus très bien, depuis le temps qu’on le chambrait avec cette histoire sortie tout droit de chez Tintin.
« Nono », donc, se trouvait plutôt pas mal. Et il en avait besoin car il avait en vue une poulette qui, si elle savait qu’il l’appelait poulette lui aurait sur le champ collé une baffe. Il le gardait donc pour lui afin de ne pas entamer une idylle directement par la rupture.
Ça faisait un moment qu’il se faisait la réflexion que plus les nanas –avant il disait « les gonzesses » mais il avait appris à manier l’euphémisme à force de rebuffades et surtout de râteaux à répétition-, plus les nanas, donc, étaient « libérées » plus elles étaient chochottes. Mais bon, « faut c’qu’y faut », si on veut suffit pas de vouloir, faut aussi apprendre à causer, la belle époque du sifflet ou de la claque sur les fesses était malheureusement révolue depuis qu’Alphonse Boudard avait jeté sa gourme.
 C’est toi, dis-je, qui sus ravir
Mon ferme cœur à te servir ;
A jamais tu seras servie
De lui, tant qu’il sera vivant.
Peut-on mieux conserver sa vie
Que de la perdre en te servant ? 
D’ici qu’il faille leur réciter des conneries genre ça, 
il n’y avait pas loin.
Celui là, il avait chopé les deux premiers vers  sur une pub de bijoux, après avoir cherché dans les librairies, il avait vu de quoi il retournait.
Il avait aussitôt décrété que c’était chiant, ajoutant « m’étonne pas que le mec qui a écrit ça ait appelé le tout « Les tragiques », c’était bien vu. ».  Il s’en doutait, faut croire, le d’Aubigné. Mais si on veut être un peu efficace, faut quand même faire un effort…
Il avait du boulot pour avoir le droit de faire un tour entre les draps de la belle. Elle était bégueule et il avait été élevé du côté de la Porte de Clignancourt. Vous en avez peut-être entendu causer.
A l’époque de son enfance il n’y avait même pas le périph’, juste un camp de gitans à la place du stade. « La table » ça s’appelait parce qu’on pouvait voir venir de loin. C’est même là que les voyous se donnaient rendez-vous, justement pour être sûrs qu’il n’y avait pas d’entourloupe. Ça n’empêchait pas les bagarres de « blousons noirs ». La chaîne de vélo, ça faisait les choux gras des infos à la radio mais il y avait en vrai un  truc infâme. Le tournevis de 3x300. Un machin épouvantable qui vous trouait le cœur à coup sûr. C’est pour ça que gamin, sa mère ne voulait pas qu’il « fricote » avec ces lascars.
Il en avait quand même attrapé le langage.
Et ça n'allait rendre les choses faciles...