mardi, 02 décembre 2014
Je me lève tôt car j’ai un cours de bonheur…
En rentrant, j’ai encore parcouru les couloirs de Montparnasse-Bienvenüe mais j’ai pris la direction Porte de Clignancourt pour passer voir mon pote. Je suis descendu à Simplon et suis passé chez lui. Son père m’a ouvert, c’était un homme fatigué, il était revenu d’une guerre quelconque avec le paludisme, ce qui le mettait sur le flanc de temps en temps. On a attendu un moment Bernard qui, quand il est arrivé m’a traîné dans la chambre de ses parents. On a discuté un moment de nos petites camarades, je n’appelais pas la sienne « Boulotte » mais Nicole et il n’appelait pas la mienne « Maigrelette » mais « le piaf »…
Il était vachement plus avancé que moi dans les travaux d’approche et je me suis fait une idée précise de la forme des seins de « Boulotte » et de quelques détails d’iceux. Leur texture, leur fermeté, tout ça…
Je ne disposais quant à moi de détails que sur le goût de la peau et des lèvres de « Maigrelette ». Mais bon, nous étions différents et il en faut pour tous les goûts.
Après un moment de supputations sur les suites possibles de nos histoires, nous sommes descendus boire un café au bistrot du coin et sommes quittés après nous être rappelé que nous avions rendez-vous a midi. Il avait décidé que nous irions au restaurant. J’ai dû avoir un éclair d’inquiétude dans le regard car il m’a dit « t’inquiète pas, j’ai de quoi pour nous tous. »
Je suis rentré à la maison où il n’y avait pas un chat. Heureusement que nous n’avions pas le téléphone parce que si ma mère avait su ça, qu’il n’y avait personne à la maison le soir, et surtout, surtout pas mes petites sœurs, elle serait revenue au galop et ça aurait fumé dans la chaumière !
J’ai grignoté et me suis couché en rêvassant. La description des seins de « Boulotte » avait ravivé mes supputations quant à ceux de « Maigrelette », et pas que ça…
Je me suis levé en pleine forme, me suis briqué comme si j’allais me marier et je suis parti. Nous avions rendez-vous pas loin de chez moi, vers la République. C’était un endroit stratégique important. Il avait été choisi en raison de sa richesse en restaurants dont la majorité était à l’époque abordable. C’était un coin encore plein de petites entreprises, de celles de bijouterie en descendant vers la Seine, celles de mécanique en allant vers la Nation, de spectacles en allant vers l’Opéra et, il faut l’avouer, un quartier de « schmattès » mais surtout de micro-entreprises de « pain de fesse » et de voyous vers la Porte Saint-Denis et la Gare du Nord.
Sur la place, il y avait un petit square et j’y ai aperçu « Maigrelette » et « Boulotte » en sortant de la rue du Temple. Je me suis précipité, j’ai fait une bise à « Boulotte », « Maigrelette » a bien voulu que je l’embrasse et nous nous sommes assis sur un banc pour attendre Bernard qui est arrivé quelques minutes plus tard.
Nous sommes restés assis un moment, la conversation s’est étiolée, nous avions des idées autres que celle de parler…
Alors nous nous sommes levés et sommes allés déjeuner.
Quand nous sommes ressortis, nous avons décidé d’aller –encore !- au ciné.
Nous sommes entrés dans un petit cinéma pas loin du métro Montmartre, sur le boulevard Poissonnière. Je n’ai aucun souvenir du film. J’étais bien trop occupé.
J’étais tout contre ma copine, qui voulait bien que je l’embrasse. J’essayais l’indiscrétion discrète, celle qui vaut une tape sur la main. J’ai tenté le geste à l’inadvertance très, vraiment très étudiée. Il n’a pas été trop mal accueilli.
J'ai toujours aimé les seins petits, alors je me suis mis à tirer des plans sur la comète…
Quand nous sommes sortis, si j'appréciais ma minceur de l’époque, je me suis quand même aperçu avec une certaine gêne que porter des Newman taille 36 n’allait pas sans inconvénient.
Il n’est pas toujours facile de cacher ses sentiments. Et comme je n’avais pas encore d’avis d’impôts à quoi penser pour orienter mes pensées ailleurs...
Je ne sais pas si la chose se précisait, comme dit une lectrice chérie, mais elle se devinait aisément et je dus patienter dans le couloir quelques minutes avant de sortir.
Si « Maigrelette » avait bien voulu ne pas rire, c’eût été parfait.
Vous aussi, lectrices chéries, ce serait sympa de ne pas vous moquer.
On voit bien que vous ne savez pas ce que c'est qu'être un garçon de dix-huit ans...
10:31 | Commentaires (8)
lundi, 01 décembre 2014
Il a frit, il a tout compris…
Instruit maintes fois par le soixante-quatrième de poil qui fiche en l’air le plan réglé au huitième de poil, je me suis bien gardé de peaufiner un stratagème quelconque.
Un seul m’est venu à l’esprit : Arriver à l’heure.
Directement à la terrasse du café en face. Et puis ça me donnerait une idée du film à voir, parce que je ne la sentais pas vraiment attirée par les western. A dire vrai je crois bien qu’elle se foutait totalement de John Wayne. Alors je cherchai fébrilement dans « L’officiel des spectacles » un film susceptible de l’intéresser.
J’étais sec. Pas une idée, moi qui en ai tant de biscornues, j’étais à court.
J’étais si occupé à chercher que bien que j’eusse l’air de fixer sorties du métro je n’en voyais rien.
J’ai failli renverser mon café quand j’ai senti une main se poser sur mon épaule.
- A quoi penses-tu ? J’ai traversé, j’ai cru que tu étais mort !
- A rien… Enfin si, je cherchais une idée de film à voir.
- On verra, paie moi un café.
Elle s’est penchée et m’a déposé un baiser sur chaque joue. Elle sentait bon et ses lèvres étaient aussi douces que mardi.
Elle s’est assise à côté de moi et a attendu.
J’ai dit :
- Je n’ai aucune idée de ce qu’on peut voir, je ne sais pas ce que tu aimes. Tu as une idée de ce que tu veux voir ?
- On va quand même au ciné ? On verra en passant.
Elle a passé sa main sur la mienne et ajouté.
- Ça va, on va trouver tu verras.
Mon palpitant a raté au moins trois battements. J’ai tenté :
- Fahrenheit 451, ça te dit ?
- J’ai lu, c’est bien mais c’est pas sorti l’année dernière ?
- Si mais on le donne encore au studio Action Christine.
Elle a bu son café, on s’est levé quand le serveur est venu encaisser puis on est descendu vers la Seine jusqu’à la rue Christine.
L’ouvreuse nous a mené jusqu’à la rangée de gauche, Françoise s’est assise du côté du mur, moi du côté de l’allée.
Il ne s’est rien passé pendant un moment, j’avais aussi lu le bouquin de Bradbury mais je n’aimais pas du tout la tête de Montag. Alors que dans mon esprit, c’était un type aux traits plutôt marqués, l’acteur me donnait envie de le baffer. Pour tout dire je lui trouvais une tête de « p’tit con » comme on dit à la récré.
Un peu plus tard, j’ai même pensé que c’était donner des perles à un cochon qu’une Julie Christie en pince pour lui.
Mais dans cette affaire ,j’ai été gagnant. « Maigrelette » a posé une fois encore sa tête sur mon épaule. J’ai attendu que Julie Christie regarde son bellâtre comme un gâteau pour attirer ma voisine. Elle a bien voulu échanger un baiser avec moi.
Pour être sûr que je ne rêvais pas, j’ai essayé plusieurs fois. Comme ça a marché je me suis tenu tranquille au moins cinq minutes…
Je ne savais pas encore ce qu’on allait faire demain avec nos copains mais j’étais sûr que ce serait une journée intéressante.
En sortant nous sommes revenus tranquillement vers Pasteur en descendant la rue de Vaugirard qui m’a semblée moins triste ce jour-là, allez savoir pourquoi.
Nous nous sommes encore embrassés en bas de chez elle et je me suis mis à attendre demain.
11:30 | Commentaires (9)