lundi, 28 mars 2016
Avec cette poule devenu lapin, j’ai été chocolat…

Aujourd’hui, Lakevio et lectrices chéries, je ne vais pas m’épuiser.
En matière de billet, je ne vais pas vous en pondre un neuf de Pâques.
Je vais vous dire une histoire dont je pense vous avoir parlé il y longtemps.
Une histoire de lapin.
Et, comme disent les djeuns, « J’te dis pas l’garenne », lectrices chéries !
Comme je vous l’ai sans doute dit et quoique vous en pensiez il m’est arrivé de prendre des râteaux d’une ampleur sidérale.
Il m’en souvient un, j’avais un peu plus de dix-neuf ans.
Mai 1968 s’était envolé.
Le mois de juin était passé qui avait vu la droite, récemment effrayée à l’idée de partager les fruits de la sueur des va-de-la-gueule, revenir fièrement narguer le communiste.
Assez prudemment d’ailleurs puisqu’elle choisit de le faire là où elle ne risquait pas trop d’en croiser : Entre la Concorde et l’Arc de Triomphe.
La torpeur de juillet, suivie de la sieste d’août car la France était fermée au mois d’août en ce temps là, avait fait place à l’activité de la rentrée.
Je revenais de chez un ami qui habitait du côté de Saint-Lazare, plus vers Saint Augustin en réalité, et me dirigeais vers le métro.
Une fille traversa la rue de la Pépinière et me passa sous le nez, raide comme la justice, me marchant quasiment dessus. J’ai grogné « Pardon... »
Elle me regarda de l’air d’une princesse persuadée que ses pets sentaient la violette.
A moins qu’elle ne me crût capable de pisser sur sa moquette, allez savoir…
Toujours est-il qu’elle se dirigeait elle aussi vers la gare Saint Lazare d’un pas vif.
Je descendis les marches de la station, arpentai cent millions de kilomètres de couloirs pour rejoindre la ligne qui me déposerait à la station Arts et Métiers.
Quand la rame est arrivée, je suis monté, me suis assis et ai ouvert mon bouquin.
La fille, que je n’avais pas remarquée sur le quai, est montée et s’est assise face à moi. C’est là que j’ai vu ses genoux.
Si jolis les genoux, que j’ai levé le nez de mon livre et l’ai regardée.
Elle avait l’air moins « pétasse » que dans la rue, ses préoccupations lui donnaient un air sérieux qui lui allait bien.
Je la regardais assez attentivement pour qu’elle me jette hargneusement « J’ai du noir sur le nez ? »
A peine plus aimable, j’ai voulu répondre « C’est le seul truc qui pourrait vous arranger. »
Mais elle avait de si beaux yeux et était si mignonne...
Alors je me suis contenté de « Oui, un peu, mais ça va vous si bien… »
Elle a souri et nous avons engagé une conversation à bâtons rompus.
Comme elle allait plus loin que moi, elle est descendue sur le quai de la station Arts et Métiers pour converser encore un peu.
On a fini par se donner rendez-vous pour le dimanche suivant avec l’idée d’aller voir Rosemary’s baby au Gaumont de la place Clichy « le plus grand écran d’Europe avec ses 270 m² !!! » disait la publicité.
Ce dimanche-là, j’ai ciré mes chaussures.
Je me suis peigné six fois, en vain évidemment.
Je me suis brossé les dents dix-sept fois.
Je me suis rendu place Clichy, devant le Gaumont.
J’étais pile à l’heure.
J’ai attendu plus d’une demi-heure.
Alors je suis retourné vers chez moi, un peu vexé quand même.
En vrai, je ne saurai jamais si c’était un lapin ou si elle avait trois quarts d’heure de retard.
Je sais seulement qu’elle s’appelait –et s’appelle sûrement encore- Frédérique.
Un râteau de plus probablement, parce que quand on poireaute une demi-heure à un premier rendez-vous, c’est un mauvais plan…
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