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lundi, 16 septembre 2019

Quand les sirènes se taisent...

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Je devrais être heureux.
Le brouillard se dissipe sur l’usine.
Elle est sombre et silencieuse et j’ai même un peur, comme quand j’étais petit et que j’entrais dans une maison abandonnée et sombre.
Nous en sommes maintenant propriétaires.
Depuis des mois nous en discutions.
Nous avions squatté le café de la place jusqu’à pas d’heure pour trouver une solution autre que le chômage longue durée.
La majorité d’entre nous avait plus de cinquante ans.
Un charlot était venu, costard cravate, brushing et arrogance du mec qui sait.
« Je vais vous tirer de là ! »
Tu parles ! Il voulait qu’on dépanne des magnétoscopes et des disques d’ordinateurs !
Dédé avait dit « il se fout de notre gueule ! Tu nous vois avec nos doigts gros comme des saucisses de Toulouse dans un disque dur ? »
Ils s’étaient tournés vers moi.
« Tu sais causer aux banques et aux patrons, toi ! Tu veux pas qu’on reprenne la boîte ? On a les clients, on sait bosser… »
Je m’étais laissé convaincre.
J’étais allé au ministère du Travail, j’avais frappé à toutes les portes.
Même au ministère des Finances.
Finalement, j’avais réussi.
L’Etat avait réussi à faire cracher la multinationale qui nous avait dépecés et avait trouvé le projet si ce n’est rentable, au moins propice à éviter des troubles dans la région.
La banque avait suivi car l’Etat avait accordé un bail emphytéotique sur l’endroit pour éviter qu’il n’allongeât la liste déjà longue des friches industrielles de la région.
On m’avait bombardé patron de la nouvelle usine.
J’avais été élu avec un score soviétique par une foule de licenciés quasi seniors  pas enthousiasmés par une carrière de « chômeurs de longue durée ».
Oh ! Évidemment, ils auraient préféré bénéficier d’une préretraite mais il y avait à peine de sous pour les retraites, alors les préretraites…
Ce matin j’aurais dû être heureux.
Mais tandis qu’un pâle soleil d’hiver se lève sur les toits de tuiles noires de l’usine, j’ose à peine entrer.
Je viens de m’apercevoir que je dois diriger plus de huit-cents ouvriers et que je n’ai aucune idée de la façon de m’y prendre…
Je n’ai jamais fait ça, j’ai toujours obéi.
Au patron de l’usine d’abord.
Au secrétaire régional du syndicat ensuite.
De rouage, je suis devenu moteur…
Au moment où je me disais ça, le soleil est devenu plus vif, presque gai.
Alors j’ai haussé les épaules, suis entré dans la cour et j’ai souri en me disant « Bah… J’aurai bien une idée, c’est sûr, j’en ai toujours eu… »

dimanche, 15 septembre 2019

Histoire dos…


Hier on est allé au musée Bourdelle.
Il y avait une exposition, « Back Side – Dos à la mode » que nous avons parcourue.
Seules trois ou quatre des robes exposées m’ont plu.
Il y avait évidemment la robe de Guy Laroche que portait Mireille Darc dans « Le grand blond avec une chaussure noire » qui en montrait le dos magnifique.
Mais les produits destinés à désinfecter la salle nous en ont chassés avant que nous n’ayons pu tout regarder de ces dos exposés avec l’attention nécessaire..
J’en ai eu moi-même rapidement plein le dos alors qu’Heure-Bleue peinant à respirer, renvoyait dos à dos le conservateur du musée Galliéra et le muséographe de l’exposition.
En attendant, j’ai fait le gros dos jusqu’à ce qu’on tourne le dos et sortions dans les jardins avant qu’on ne se mette quelqu’un à dos…
Heureusement, les jardins étaient particulièrement agréables et nous y avons passé un moment puis nous sommes allés voir les collections permanentes.
C’est dans la dernière salle que nous avons vu l’émergence de ce qui allait devenir « l’art fasciste » en Europe de l’Ouest et « l’art populaire » en Europe de l’Est…
Nous avons regardé les bas-reliefs et les statues avec curiosité puis nous sommes sortis avec l’impression de l’avoir dans dos, peu sensibles que nous sommes à cet art.
Il faut que je vous dise que nous préférons, et de loin « l’art dégénéré », celui donne lieu régulièrement à des autodafés dès qu’un pouvoir estime avoir le droit de régner sur tout à commencer par nos pensées et nos goûts.
Nous sommes donc sortis à la recherche d’une terrasse accueillante.
Nous l’avons trouvée avenue du Maine.
Après avoir attendu un moment qu’un serveur découvre notre existence –c’est fou comme le Pakistanais a vite saisi l’essence du garçon de café parisien- il est arrivé.
Je lui ai demandé « un déca, un express serré et deux verres d’eau s’il vous plaît. » qu’il a apportés assez vite.
Heure-Bleue lui a demandé sérieusement :
- Il est vraiment déca au moins ? Vous me le jurez ?
- Si vous avez l’habitude boire du déca, vous le reconnaîtrez tout de suite…
- Oui parce que s’il n’est pas déca, je ne dors pas de la nuit !
- Ah mais madame, on fait très attention à ça avec les personnes âgées et les petits enfants…
Nous savions que nous ne faisions plus partie des enfants, donc…
Mais il nous l’avait dit si gentiment et si sérieusement
Au moins il nous a fait rire.

vendredi, 13 septembre 2019

Devoir de Lakevio du Goût N° 8

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Cet homme est-il désolé par la vision de cette usine vidée de son âme ?
À moins qu’il ne se demande déjà comment il va aménager le lieu pour lui redonner vie …
D’après vous ?
Racontez-nous ce que vous dit cette image.

mercredi, 11 septembre 2019

Intoxiqué au vain ?

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Peut-être qu’Heure-Bleue en me disant que Patrick Modiano a écrit un livre qui sortira en octobre y est pour quelque chose.
Un jour je repasserai rue Turgot.
C’est obligé.
Je profiterai de l’ambiance d’automne, elle est propice à mon but.
Il y a des choses que je pense avoir oubliées mais il m’est arrivé que l’ambiance convenant, elles me sautent de nouveau à la mémoire.
C’est important car je suis sûr que j’ai raté quelque chose.
Ce n’est pas un souvenir de lycée bien qu’il soit tout proche de cette rue.
Quoique… Mais non, c’est autre chose, quelque chose qui me touche de près mais s’est enfui de ma mémoire.
Ou bien s’y est caché, peut-être bien une sorte de déni, allez savoir…
En tout cas ça me rend mélancolique.
A priori il n’y a rien d’extraordinaire dans cette rue plutôt courte qui relie l’avenue Trudaine à la rue Condorcet et la rue de Rochechouart.
Elle part du square d’Anvers et va jusqu’à la petite place triangulaire formée par la conjonction de ces trois rues.
Je l’empruntais souvent pour aller prendre le 85 qui me ramenait chez moi.
Je pense souvent à cette rue, point n’est besoin de date précise, il y a eu quelque chose là.
Cette rue donc, a quelque chose.
La chose est entrée dans mon esprit et s’y est enterrée, j’en suis sûr.
Un « je ne sais quoi » important.
J’ai dû voir ou entendre quelqu’un qui m’a profondément marqué.
Tout ce que je sais c’est que je l’ai raté.
Mais non, ce n’est pas que ça, il y a autre chose je le sais.
Plus exactement je le pressens.
J’ai peut-être croisé quelqu’un que je connais, ou connaissais, et qui m’a marqué.
Quelqu’un que je n’ai pas revu depuis très longtemps.
On croise tant de gens dans une vie.
Cette rue n’a pourtant rien de particulier, elle descend en pente douce le flanc de la colline de Montmartre et, pour ce que je me rappelle, à part un grand bureau des PTT et un centre EDF, il n’y avait rien d’autre qu’une école primaire et quelques jolis immeubles.
Ah si ! Il y avait aussi une « maison de ville » vers le bas de la rue, avec un porche magnifique.
Un peu moins somptueux que celui de l’immeuble à côté mais beau.
Une chose est sûre, pour que ça ressurgisse en un souvenir flou dès que je pense à la rue Turgot ou quand je vais boire un café au square d’Anvers, ça m’a marqué.
C’est peut-être une nouvelle triste, allez savoir.
Peut-être que quelqu’un que je connaissais vivait dans ce coin et est mort au mois de mai.
Pourquoi au mois de mai, d’ailleurs ?
Ça doit être ça parce qu’habituellement, ce sont plutôt des souvenirs agréables qui me viennent quand je pense à ce coin.
J’y retournerai.
Je remonterai la rue jusqu’au pont qui enjambe le cimetière de Montmartre, descendrai jusqu’à la place de Clichy, puis le boulevard de Clichy.
Je passerai devant le Moulin Rouge, m’assiérai sur la margelle de la fontaine à Pigalle.
J’y resterai un moment, à me creuser la mémoire pour ramener à sa surface ce qui persiste à m’échapper depuis toutes ces années.
Puis, déçu comme chaque fois de mon échec, je me relèverai, époussèterai mon jean et  continuerai jusqu’à Anvers.
Je traverserai le square d’Anvers et, à la sortie de l’autre bout, je n’aurai qu’à traverser l’avenue et m’entêterai à descendre encore la rue Turgot.
J’en suis sûr, ça me reviendra un jour.
Un jour…
J’examinerai chaque immeuble, la maison, pas l’école ni la Poste ni EDF.
J’examinerai presque tout.
Je m’arrêterai au café où j’attendais le 85 et qui a changé de nom.
Peut-être même qu’au bas de la rue je verrai passer le 85 et il y aura le déclic. 
Je finirai par me rappeler.
Il est impossible qu’il en aille autrement.
Je ne peux pas laisser cette griffure sur ma mémoire se réveiller chaque printemps et chaque automne.
Mais pourquoi le mois de mai ?

mardi, 10 septembre 2019

Celle qui, Tarbaise, prend son temps.

Ouais… Je sais… J’ai honte.

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Ah oui ! Avant de m’y mettre, lectrices chéries et –rares- lecteurs que j’aime aussi mais je préfère les femmes : Quand vous avez la gentillesse de faire le « Devoir de Lakevio du Goût », pensez à venir me le dire car je ne peux parcourir les millions de blogs à la recherche de votre possible participation et que la liste de mes « favoris » n’est pas extensible à l’infini.
Je m’en voudrais de froisser l’une d’entre vous qui se serait donné la peine de participer et se verrait à mon grand dam ignorée.
Pourtant, lectrices chéries, si vous saviez comme j’aurais aimé avoir une liste de « favorites » extensible à l’infini.
L’idée est séduisante mais n’allez pas croire qu’il ne s’agit que de la satisfaction bestiale et pour tout dire égoïste d’un désir charnel à la portée de n’importe quel adolescent doté d’un minimum de diplomatie.
Bon, je me mets à ma note avant que ma tendance au bavardage ne la transforme en deux lignes ajoutées bêtement au bas d’une longue digression.
Bref,  que je vous dise.
Lectrices chéries !
Si vous saviez !
Cette nuit je me suis réveillé en sursaut, le cœur explosé, l’impression d’avoir à l’instant même reçu un coup de pied dans le ventre.
Ce qui m’avait réveillé ?
La lumière de mes jours était morte !
De quoi ? Je ne sais.
Je savais seulement que ça venait d’arriver et que j’allais l’enterrer au cimetière de Montmartre.
Mon cœur s’est mis à battre de façon désordonnée et je suis sorti du sommeil, inquiet et malheureux comme les pierres.
Dans un réflexe habituel chez moi, j’ai passé la main du côté d’Heure-Bleue.
Horreur !
La place était découverte, froide et vide.
L’angoisse m’a saisi, me tordant le ventre.
Puis le lit s’est agité.
La lumière de mes jours a repris sa place, venant se recoucher.
Soulagé, je me suis rapproché de sa chaleur et ai posé la main sur sa hanche.
Elle m’a pris la main, l’a rejetée, puis m’a repoussé en disant « J’ai chaud Minou ».
Bref, je me suis retrouvé tout seul dans mon coin de lit.
Tout était rentré dans l’ordre…