mardi, 19 avril 2022
Du neuf de Pâques…
Ouais, bon… Je sais…
Il y a peu nous avons été invités à déjeuner par « Madame de . »
Perdue de vue depuis plusieurs années après qu’elle a été fâchée par une réflexion particulièrement désagréable que je lui avais jetée un jour où elle fut vraiment agaçante.
J’étais d’autant plus prêt à lui pardonner que c’était moi qui l’avais offensée et nous nous « rabibochâmes » il y a maintenant plus d’un an…
Je lui avais donc téléphoné.
Elle n’avait pas répondu.
Je lui avais laissé un message.
Elle avait rappelé et m’avait semblé terriblement « perdue ».
J’avais dit à la lumière de mes jours « Ça y est ! « Madame de. » a perdu la boule ! » et avais tendu l’appareilà la lumière de mes jours.
C’est là que nous apprîmes qu’elle, si soucieuse de se démarquer du commun des mortels, avait sombré dans le quelconque.
Elle avait bêtement été malade d’un cancer, le truc d’un commun affligeant.
C’est dire à quel point c'est plébéien puisque la lumière de mes jours et moi avions plongé dans ce genre d’affaire...
Nous lui rendîmes évidemment visite et l’avons soutenue du mieux que nous pouvions.
Nos relations rétablies, le téléphone nous a reliés au gré des nouvelles jusqu’à l’annonce rassurante : « Ça y est ! Je suis officiellement en rémission ! »
Elle nous invita à déjeuner alors pour nous présenter un ami.
L’ami en question l’avait connue alors qu’elle avait dix-neuf ans.
J’ai dit « Oh ! Mais c’est tout neuf, cette histoire ! » car je ne recule pas devant la flatterie.
Comme elle est plus vieille que moi et qu’il a quelques années de plus qu’elle, comme je suis parfois bien élevé, j’ai mis tous les mots dans l’ordre et n’ai même pas dit « c’est un vieil ami » et encore moins, comme il m’était venu à l’esprit « c’est un ami vieux »…
Je me suis contenté de le saluer le plus civilement qui soit.
Cela dit, outre le fait qu’il est charmant il est plein d’avantages.
Il est assez fortuné et assez américain pour dire facilement qu’il règle sans sourciller 2.500,00 $ d’impôts mensuels pour sa maison à la frontière du Connecticut.
Il est assez patient pour attendre nombre de décennies pour tenir « Madame de. » par la main.
Il est assez disert pour faire seul les frais de la conversation et assez fier de sa réussite pour ne parler que de lui.
C’est donc un homme charmant.
D’autant plus charmant qu’il a remarqué que j’avais encore les cheveux très noirs.
Et avec assez de tact pour ne pas ajouter « pour quelqu’un de votre âge ».
« Madame de. » a cru bon d’ajouter « Oui mais il a encore plein d’épis ! »
Après avoir pensé « elle ne changera jamais… » je me suis contenté de jeter « avoir tant d’épis et si peu de blé… »
Ça a déridé « Monsieur de . ».
Oui, lui aussi est un descendant des rescapés de la Révolution…
09:49 | Commentaires (9)
lundi, 18 avril 2022
Devoir de Lakevio du Goût N°121
Quelque chose ne va pas, mais alors pas du tout !
Je me regarde, et si ce miroir ne se trompe pas et ne me trompe pas, selon les critères d’aujourd’hui, même si c’est prétentieux de le dire, je serais classée parmi « les filles qui sont belles ».
Alors pourquoi s’est-il soudain levé et parti d’un pas lourd en me jetant un regard désespéré ?
Pourquoi ?
Pourtant j’avais fait attention.
J’ai toujours fait attention.
Il me plaisait, je lui plaisais, c’était manifeste.
Cette soirée avait bien commencé.
Nous étions allés au restaurant puis, en sortant il m’avait « vous voulez prendre un café à la maison ? »
Il avait l’air innocent et gentil, j’ai dit « avec plaisir. »
Je l’ai suivi.
Il m’a pris la main sur le trottoir, je lui ai dit « Attention à mon vernis, il n’est peut-être pas tout à fait sec ! » et j’ai repris ma main.
Il n’a rien dit jusqu’à ce qu’on arrive chez lui, je le sentais un peu inquiet.
Il m’a fait entrer, son salon était bien rangé, ça m’a rassurée alors je lui ai tendu ma veste.
Il l’a attrapée par le col et je lui ai dit « Attention, c’est du cachemire… », il l’a soigneusement pendue dans le dressing attenant.
Il s’est tourné vers moi, m’a regardée langoureusement, je sentais bien que « l’instant décisif » comme il est écrit par Berthe Bernage était arrivé.
Il a tendu les bras, je me suis approchée, il m’a serrée contre lui et s’est penché pour m’embrasser mais j’ai dit « Attention, vous allez déranger ma coiffure ! ».
Il s’est alors reculé un peu et s’est contenté d’un léger baiser dans le cou qui m’a fait frissonner.
Il m’a pris le poignet, j’ai pensé « il se rappelle pour le vernis, c’est bien… » et m’a entraînée vers la pièce à côté.
J’ai vu sa chambre, elle aussi était bien rangée, il s’est assis sur le lit, toujours me tenant le poignet et m’attirée.
J’avais envie qu’il aille plus loin mais m’a échappé « Attention à ma robe, elle se froisse facilement ! »
Il a soupiré, m’a allongée à son côté gentiment, je dois dire qu’il se montrait délicat et patient.
J’ai senti sa main sur ma jambe, c’était agréable et doux.
Puis je l’ai sentie remonter lentement.
Quand elle a atteint ma cuisse, j’ai frissonné, c’était agréable mais j’ai dit « attention à ne pas filer mon bas ! » et il a eu un bref arrêt.
Puis ce fut plus haut et quand il a commencé à tirer l’élastique de ma culotte j’ai dit « Attention ! C’est de la soie ! C’est fragile ! »
Il a grogné, s’est levé, a repris sa veste et quitté la pièce.
Un instant plus tard je l’ai entendu claquer la porte.
Il m’avait laissée seule chez lui !
Je suis repartie chez moi, vexée d’être ainsi « laissée en plan » alors que j’étais prête à m’abandonner totalement.
Il fallait juste qu’il fasse attention.
Apparemment, les hommes ne font jamais attention…
09:48 | Commentaires (17)
samedi, 16 avril 2022
Avril à Paris est un avril à paris...
Hier, on a passé une super journée.
On a à peine parlé des élections...
Heure-Bleue avait moins mal, privés de Net que nous étions la veille.
Je n’ai pas eu à préparer le déjeuner, un restaurant de l’avenue voisine nous a nourris.
Ergo, pas de vaisselle, ni à laver ni à ranger.
Nous sommes allés ensuite au musée Jacquemart-André voir l’expo « Gallen-Kallela ».
Oh ça ! Pour être tranquilles nous avons été tranquilles…
Il y avait évidemment les habituels visiteurs qui ne voient les expos qu’au travers de leur « smartphone », cet appareil nommé ainsi pour montrer que du possesseur et de l’appareil, au moins un est intelligent…
Hormis ces quelques exemplaires étranges de l’humanité, il n’y avait que très peu de monde.
Heure-Bleue, après une discussion avec une dame du musée en a retiré que le manque de curiosité frappait partout et que beaucoup de gens ne cherchaient pas à en apprendre plus sur ce qu’ils ignoraient.
Elle m’a rappelé qu’il en va de même en matière musicale car depuis ma jeunesse la plus tendre – Oui j’ai été tendre à un moment…- j’avais remarqué que nombre de personnes n’allaient écouter que ce qu’ils connaissaient déjà et avaient peu de goût pour la nouveauté au point que ce qu’ils ne connaissaient pas ne leur plaisait pas avant même de l’avoir entendu.
Nous flânions tranquillement sur le boulevard Haussmann, le remontant en direction du boulevard de Courcelles et du parc Monceau quand un détail m’a frappé.
La circulation m’a semblé d’un coup bruyante et j’ai remarqué que le boulevard était pavé.
C’est alors que m’est revenu un autre détail.
La rue Gay-Lussac, les boulevards Saint Michel et Saint Germain et d’autres rues du Quartier Latin parcourus alternativement par les étudiants et la maréchaussée, les premiers poursuivis par les seconds, sont depuis 1968 recouverts d’une couche d’asphalte assez épaisse pour décourager le manifestant fabricant de barricade.
Le risque étant faible de voir la bourgeoise jeter sa veste Chanel et poser son Kelly par terre pour déchausser un pavé au risque de se retourner un ongle, les pavés sont donc restés à leur place sur le boulevard Haussmann et le boulevard de Courcelles.
Dans quel pays sommes-nous, où n’ont plus droit au pavé ni les « fleurs de pavé » repoussées dans des studios, ni les étudiants.
Seules ont droit au pavé les populations les plus réactionnaires et les mieux loties du pays.
D’ici qu’on supprime les stations de métro qui desservent ces endroits protégés de la pauvreté afin qu’ils soient en plus protégés des pauvres, il n’y a pas loin.
Je me demande si ce n’est pas ce temps printanier et propice à l’émeute à l’approche du mois de mai qui m’inspire ces réflexions.
Ah… Si je courais plus vite, n’avais pas peur de me casser un ongle et avais plus d’illusion sur l’avenir de monde, je commencerais à retirer un pavé du boulevard de Courcelles, juste devant l’entrée du parc Monceau.
Hélas, mon genou droit retient efficacement cet élan révolutionnaire qui me titille chaque printemps…
09:20 | Commentaires (17)
vendredi, 15 avril 2022
121ème Devoir de Lakevio du Goût.
09:03 | Commentaires (2)
mardi, 12 avril 2022
L’émule du pape.
Ouais, ne dites rien, je sais…
Adrienne me rappelle incidemment avec son histoire de « jubé », un camarade de géhenne qui s’était fait serrer par un Frère baladeur et silencieux.
Le « jubé » de la chapelle n’était pas destiné à « ordonner » comme le voulait le rite.
Il était d’ailleurs modeste et posé là simplement pour suivre la règle qui voulait que le chœur ne soit pas plus long que la nef.
Ce qui était idiot car la chapelle devait nous contenir tous alors que le chœur, hormis l’officiant et les enfants de chœur ne devait contenir que l’autel et les deux bouquets de lys qui le bordaient.
C’était une sorte de tribune de bois teinté dont le but m’avait toujours été étranger sauf à penser que les deux Frères qui y passaient parfois pendant la messe au lieu de prier comme nous étions sommés de le faire étaient pour une mission inconnue de moi et de mes compagnons d’infortune.
J’ai su un jour à quoi il servait en réalité.
C’était un jeudi matin et le jeudi matin n’était pas que le jour où les enfants normaux étaient libres.
C’était le jour où les détenus que nous étions devions nous lever comme les autres jours pour commencer la journée par la messe.
Le jeudi matin dont je vous parle fut marqué par un incident.
Un incident qui me fit comprendre à quoi servait le « jubé ».
Cet incident ?
Un camarade de détention se fit serrer pendant la messe.
Habituellement, un entraînement de sportif de haut niveau nous permettait de savoir avec précision, sans écouter réellement ce que racontait le Frère prêcheur, quand se lever, s’agenouiller, s’asseoir, sans même l’aide de la clochette qui rythmait l’office.
Mais ce jeudi-là, il y eut quelque chose d’inhabituel.
Alors que, selon le rôle qui m’était dévolu, je me tenais devant le premier rang, debout, et chantais « agnus dei qui tolis peccata mundi », je fus arrêté au milieu de mon solo par la vue du Frère qui descendit du « jubé » au pas de course.
Il courut jusqu’à la rangée où mon camarade se trouvait.
Ce dernier était si occupé à lire le « Tex-Tone » planqué dans son missel qu’il avait raté le moment de répondre « miserere nobis » et pire, ne s’était pas levé au bon moment.
Le Frère l’attrapa, non par une oreille mais par les petits cheveux de la tempe, ceux qui font oublier la pesanteur, et tira le pécheur au milieu de la nef.
Le Frère officiant en perdit la parole un instant et entama le prêche à contretemps.
Il fit un long speech sur l’impie qui venait de commettre un « péché mortel » en gaspillant le temps de la messe à des lectures païennes au lieu de rendre grâce à « Celui par qui nous existons » car il parlait du bon dieu en majuscules.
Le pire ne fut pas la fessée qu’il reçut, non, ni les deux dimanches suivants qu’il passa – dont un avec moi – non plus.
Ce fut cette enquête menée par le « chef des lèche-cul » dans la cour de récré lors de la récré suivante.
Il faisait attraper par ses sbires un autre gamin et, sous la menace de représailles terribles, exigeait qu’on répondît sans mentir – sous peine de raclée cette fois – à la question suivante : « le coupable avait-il osé communier et mâcher l’hostie alors qu’il s’apprêtait à commettre ce péché mortel ? »
Bref, c’était ce jeudi-là qu’Adrienne m’a remis en mémoire avec son histoire de « jubé ».
Et je ne saurais trop vous recommander de voir celui de la cathédrale d’Albi qui est une pure merveille de ce qu’on peut broder avec de la pierre…
10:19 | Commentaires (5)