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lundi, 24 avril 2017

Avril à Paris

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C’était la dèche.
La vraie dèche années cinquante…
Il est sorti de « la 3M » boulevard Sérurier et est allé jusqu’à la station de métro « Porte de Pantin ».
Il a tendu d’un air absent sa « carte de semaine » au poinçonneur.
Le disque rayé qu’il avait dans la tête lui répétait sans cesse « mais comment on va faire, bon dieu ? Comment on va faire… »
Il ne faisait pas chaud en ce soir d’avril et il gardait la main dans la poche de son pantalon, palpant les quelques pièces qui traînaient dans le fond de sa poche.
Quand la rame est arrivée à Gare du Nord il a sorti la main de sa poche et ramassé le « sac seau » bleu foncé posé à ses pieds, celui qui contenait son « bleu » et sa gamelle.
Dans le long couloir qui menait à la ligne « Porte de Clignancourt-Porte d’Orléans » il marchait lentement.
Il n’était pas seulement fatigué, il marchait lentement parce qu’il faisait bon dans les couloirs du métro.
Il se sentit mieux, au détour de l’embranchement « Direction Porte de Clignancourt » et eut même soudain un petit sursaut de joie.
Quelque chose qui lui arrivait quand ce qu’il voyait lui redonnait foi en l’avenir, même si ces temps-ci l’avenir était plus fait de morceaux de « tétine » que de gigot d’agneau.
Ce sont les fleurs qui l’ont rasséréné.
Celles que la dame essayait de vendre, fleurs jetées en vrac sur une clayette qui tenait sur deux tabourets.
Il s’est arrêté, heureux de son idée.
Il était tellement sûr que ça lui ferait plaisir.
Il a regardé les branches de lilas déjà fripé.
Les jonquilles étaient tristes à pleurer, aux pétales déjà bruns.
Il a posé son « sac seau » sur l’asphalte du couloir et plongé la main dans sa poche.
Puis il les a vues.
Fraîches, il les a montrées à la dame et à demandé « elles sentent bon ? ».
La dame a saisi le petit bouquet et lui a mis sous le nez.
Il a humé longuement l’odeur de printemps, a serré les pièces dans la main qu’il a sortie de sa poche et dit « c’est combien ? » inquiet de n’avoir pas assez d’argent dans la poche.
La dame a regardé et a dit « ça ira, va… ».
Il a donné ce qu’il avait et est reparti d’un pas plus vif.
Il est descendu à « Simplon », a traversé le boulevard Ornano, a pris la rue Neuve de la Chardonnière, est passé devant le passage Kracher et a tourné à gauche un peu plus loin.
Il a monté les quatre étages et a frappé.
- Tiens ma poule. 
- Mais t’es fou Lemmy ! T’es fou ! Des violettes !
- Oui ma poule, des violettes.
- Mais enfin Lemmy ! On n’a presque plus de sous !
- Ça va aller ma poule, t’en fais pas… On s’en est toujours sortis…
Elle a soupiré et a eu ce sourire bizarre qu’elle avait parfois, celui avec juste les lèvres qui remuent.
Puis elle l’a embrassé et dit « allez, déshabille toi et viens à table… »

Commentaires

Un coeur tendre ton père.

Écrit par : mab | lundi, 24 avril 2017

Vivre d'amour, d'eau fraîche et de violette !

Écrit par : Véro | lundi, 24 avril 2017

très joli moment de vie! J'aime toujours quand tu parles de ton père et de ta mère !

Écrit par : emiliacelina | lundi, 24 avril 2017

C'est très beau, comme dans un film. Je n'ai pas connu Lemmy et dame Poule mais j'imagine bien Montand et Signoret... Ah, ces violettes !

Écrit par : lakevio | lundi, 24 avril 2017

Finalement, à ce que je lis, les violettes c'est une histoire de famille (je ne raconterai pas ce que j'ai écrit il y a quelques jours)

En pensée, le chemin emprunté par ton père, c'est émouvant je trouve.

Écrit par : Sophie | lundi, 24 avril 2017

Ton Lemmy a toute ma caution :-)
¸¸.•*¨*• ☆

Écrit par : celestine | lundi, 24 avril 2017

Sentimental Lemmy ! J'aime ton récit, émouvant.

Écrit par : Praline | lundi, 24 avril 2017

C'est là tout ton talent: en quelques mots sobres, tu poses ton personnage, sa fragilité, ses failles. On frissonne avec lui dans la fraîcheur de ce soir d'avril. Quelques piécettes, on suit ton "vieux" dans les rues de Paris, le Paris "dur aux miséreux", jusqu'au sourire qu'il tente de faire naître avec ses violettes. C'est minimaliste, c'est pétri d'émotion

Écrit par : la baladine | lundi, 24 avril 2017

Ton père frappait pour rentrer chez lui ?
Ou peut-être la porte était-elle toujours avec un tour de clé ?

Joli souvenir, en tout cas.

Écrit par : Berthoise | lundi, 24 avril 2017

Il y avait toujours quelqu'un à la maison dans les années 50...

Écrit par : le-gout-des-autres | lundi, 24 avril 2017

Il me plait beaucoup cet amoureux qui traverse la ville pour ramener des fleurs à sa chérie. Je le suis avec plaisir. Lemmy ? J'aurais dit Charlie ( Parker ) qui joue du "sac seau". Bravo pour ton texte.

Écrit par : V. s. | lundi, 24 avril 2017

Beaucoup de tendresse dans ton récit, qui m'a remis en mémoire un 1er mai de 1960/61. Nous venions d'acheter la maison à crédit (où je vis toujours) et nous étions fauchés de chez Fauché... Jacques mon mari est arrivé avec un énorme bouquet de muguet... et je lui en ai fait reproche au lieu de lui sauter au cou !
J'en ai encore le remords
Jacques ne m'en a pas voulu... il était adorable...

Écrit par : Gwen | lundi, 24 avril 2017

Ta maman aimait les violettes?

Écrit par : Livfourmi | lundi, 24 avril 2017

Un cœur bien tendre et une belle âme ton Lemmy, j'adore !

Écrit par : Colette | lundi, 24 avril 2017

joli...

Écrit par : colombine | jeudi, 27 avril 2017

Les commentaires sont fermés.