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vendredi, 24 novembre 2017

Ho ! Dicave un peu les krikra du gadjo !

Pivoine, je n’ai pas vu « Latcho drôm » mais, pauvre « gadjo » que je suis, les décennies passant, je me suis aperçu que j’en ai croisé nombre sans problème.
Ne va donc pas croire, lectrice chérie que j’éprouve une quelconque aversion envers les « gens du voyage ».
Je ne les regarde d’un œil méfiant que depuis le début des années 2000.
Quand j’étais gamin, ils suscitaient chez moi un grand intérêt.
Qu’ils vinssent dans mon passage faire danser une chèvre grimpée en haut d’un échafaudage improbable, accompagnée par le tambourin de la gitane et le tambour du gitan à moustache attendant de voir tomber des fenêtres les pièces entourées de papier journal ou de ruban.
Qu’ils passassent devant le café de ma bourguignonne tante Olga dans leurs roulottes bariolées, les « Romanichelles » tissant des paniers d’osier.
Tante convaincue par l’expérience qu’il était urgent de rentrer les verres qui traînaient sous la tonnelle.
Qu’ils remontassent la route qui passait devant la maison de ma berrichonne grand’ mère, qui surveillait la poignée  de la porte du jardin, des fois que…
Plus tard, Mouloudji me parla de son « pote le Gitan » avec sa gueule toute noire, ses carreaux tout bleu…
J’en croisai grand nombre vers le Marché aux Puces sans autre problème que quelques horions échangés dans la rue avec des gamins, chose courante dans ce coin du XVIIIème où on ne regardait pas de si près aux bienfaits de la diplomatie.
Le camp qui se tenait là où aujourd’hui le périphérique et un stade occupent le terrain ne dérangeait pas plus que ça.
Les Gipsy Kings ont meublé plus tard l’ennui de voyages solitaires en voiture.
Il n’en va pas de même depuis les années deux-mille, disais-je.
Ça commença rue des Archives.
Heure-Bleue et moi remontions la rue des Archives en direction de la République quand un Gitan traversa la rue, se mit quasiment à genoux devant moi, se cramponnant à ma jambe en marmonnant des paroles inintelligibles.
Je lui dis « Mais non, voyons, c’est pas grave » et il partit d’un pas vif.
C’est quand j’ai voulu retirer de l’argent au distributeur de La Poste du coin de la rue Pastourelle que j’ai dit autre chose.
Pour ce que je me rappelle c’était « Ah ! L’enc… ! »
Le pauvre homme m’avait soulagé d’un porte-carte que je regrette encore car il contenait une photo de l’Ours souriant –très rare…- et deux photos de la lumière de mes jours inoubliables et irrémédiablement perdues.
Un peu plus tard, j’ai croisé deux autres exemplaires rue Saint-Georges, censément à la recherche d’une rue du quartier.
Quelques secondes après leur disparition j’ai su ce qu’ils cherchaient quand j’ai voulu téléphoner à Heure-Bleue.
Au hasard de mes déplacements en bus, près de Gambetta, à une vieille femme qui me disait « s’iiiil voooos plééééé… » j’ai laissé ma carte Visa et un autre téléphone.
Plus récemment, une « crêpe complète » avec Rosalie et Heure-Bleue m’a vu soulagé d’un smartphone rue des Martyrs.
Peu avant, la lumière de mes jours, pourtant attentive et sûre de qui le lui avait étouffé, a « perdu » son porte carte.
Tu comprendras donc, Pivoine que ce n’est pas du racisme envers la gent du voyage qui me motive.
C’est juste que leur conception élastique de la propriété et leur notion extensive du partage me pousse à tenir fermement mon porte-carte quand je les croise…
Conforté je suis quand je me rappelle avoir vu dans le 95 il y a quelques jours une petite Rom, armée d’un Apple 6, assise à côté de sa mère et de ses sacs.
Quand Heure-Bleue sortit de son sac-à-main son antique téléphone à clapet, elle lui jeta un regard plein d’un mépris incommensurable…