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mardi, 03 juillet 2018

Tirer la langue.

soupe aux alphabets.jpg

Heure-Bleue me racontait la « soupe aux alphabets » qu’elle nous avait faite.
Oui, la lumière de mes jours a fait ça.
On l’a même trouvée bonne, cette soupe.
Elle dit, et je la crois que c’est parce que contrairement à ma mère, elle mettait peu de ces pâtes « alphabet ».
Bon, vous connaissez un peu ma mère, lectrices chéries, je vous en ai déjà touché deux mots.
Enfin, deux mille mots…
Pour elle, une soupe devait « tenir au corps » et pour qu’une soupe « tienne au corps » une pelle de terrassier devait tenir debout dans l’assiette.
Mais il nous est arrivé, à mon père, mes sœurs et moi, d’apprécier une soupe particulière.
Celle de certaines fins de moi.
Genre le dix-huit, vous voyez ?
La dèche était parfois vraiment profonde.
Là, ma mère, malgré tous les trésors qui encombraient son imagination fertile était à sec.
Et pas seulement de sous…
Et elle trouvait quand même.
Ce n’est que quand nous avons été plus grands qu’on s’est aperçu que par moment, les parents tiraient salement la langue.
Comme dans les périodes de vraie dèche, elle économisait même sur les pâtes dans les soupes, il reste une soupe aux « alphabets » que nous avons tous préférée.
Elle consistait en une soupière pleine d’eau qu’elle faisait chauffer puis, quand l’eau frissonnait, elle y mettait un « bouillon Kub ».
Quand il était parfaitement dilué dans l’eau frémissante, elle y jetait une poignée « d’alphabets » et touillait jusqu’à ce que les pâtes soient cuites.
La dureté des temps conduisant à gratter même sur le gaz, les pâtes n’étaient pas encore transformées en colle quand la soupière arrivait sur la table.
Même mon père était content car la soupe n’avait pas ce petit côté « vengeance » qu’elle lui bricolait souvent.
Nous aussi car, pour une fois, on n’avait pas droit à une soupe qu’on pouvait manger à la fourchette.
Ma mère était contente aussi car la « soupe aux alphabets » avait un avantage supplémentaire qui ravissait ma mère ces mois là :
Le « bouillon  Kub » dispensait de saler la soupe, repoussant le moment fatidique, redouté par tous les étages de l’immeuble, personnifié par le dicton « plus de sel, plus de sous ! »
Et pourtant, dieu sait que ma mère pouvait faire une soupe délicieuse.
Mais la conjonction astrale qui la décidait était rare, très rare…