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samedi, 21 mars 2020

Réclusion, cinquième jour.

pont-à-Mousson.jpg

Aujourd’hui nous devons sortir.
Deux jours enfermés, c’est trop.
Bien sûr, nous allons faire attention, comme presque tout le monde.
Nous ne pouvons pas commander un « panier Monop’ » tous les deux jours.
Il est impossible de le composer à notre idée.
C’est un panier « prérempli » comme ceux qu’on trouve chez les pâtissiers pour la fête de Pâques, plein de tas de choses que nous ne pouvons manger ni le jour même ni les jours suivants.
On ne peut pas avoir des repas constitués d’un kilo de tomates, d’un kilo de pommes, de cinq cents grammes de pâtes et cinq cents grammes de riz accompagnés d’un pot de deux cents grammes de crème fraîche et d’un litre de lait tous les jours.
Sans compter le sachet de deux cents grammes de parmesan râpé et le camembert inévitable tout comme le paquet de six rouleaux de papier toilette…
En dix jours nous serions au choix, gras comme des loukoums ou maigres comme des chats errants mais avec des réserves de pâtes et de riz comme chez ma mère lors de l’aventure guerrière de Suez en 1956.
Nous devrons donc sortir.
Je vais en profiter pour observer plus en détail cette plaque de fonte rue Lamarck.
Elle me semble étrange et je suis sûr que ce n’est pas qu’un regard sur l’égout qui court sous la rue.
Non, je la regarde chaque fois que je passe depuis près de trois ans maintenant et je suis sûr qu’elle conduit à un monde étrange et souterrain.
Je pense qu’une nuit j’irai y faire un tour.
Si toutefois j’arrive à me réveiller sans réveiller la lumière de mes jours puis à sortir sans faire de bruit.
Restera le problème de la nécessaire « barre à mine » pour soulever cette plaque, celle qui sert de porte sur un autre monde.
Ce serait finalement une occupation bienvenue, un « Voyage au centre de la Terre » qui me changerait de ce « Voyage autour de ma chambre » pondu par le petit frère de Joseph de Maistre, celui de la rue qui devient la rue des Abbesses après le cimetière de Montmartre.
Je suis sûr que je trouverai des tas de mondes extraordinaires si je me penche un peu sur ce que cache cette plaque de fonte.
D’ailleurs, elle est hors du temps.
Pas comme toutes les autres plaques, celles des rues voisines, que ce soit la petite rue où j’habite ou celle qui passe devant la caserne de pompiers ou encore celle de l’impasse qui mène à des escaliers inconnus que je n’ai jamais empruntés.
Toutes ces plaques portent des noms et des sigles « modernes » comme « Orange », « GDF Engie » ou encore pour les moins récentes « France Telecom ».
La « mienne », celle de la rue Lamarck, est en dehors de l’agitation du monde.
Elle semble plus lourde et plus inamovible que les autres.
Elle porte encore son nom « Pont-A-Mousson », comme celle qui est quasiment tout contre et porte le nom oublié de « CPDE ».
« CPDE » a disparu depuis des lustres, cette « Compagnie Parisienne de Distribution d’Électricité » nationalisée qu’elle fut après guerre…
Mais la grande plaque à côté… Elle… Elle m’ouvrirait un monde étrange, même un monde étranger.
Le « pied » quoi, comme disent les jeunes.
Je vais y réfléchir dès ce soir…