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lundi, 13 octobre 2014

Ô Roms, unique objet de mon ressentiment !

Hier il m’est venu à l’idée de faire une brocante pour nous débarrasser de tous les trucs entassés au cours d’années de flânerie dans les brocantes…
On avait profité du mauvais temps pour aller à une brocante.
Dimanche matin, j’ai regardé le ciel. Il était aussi gai que les comptes de la nation.
Un ciel de Toussaint triste. Il ne pleuvait pas.
J’ai tenté, avec un succès très relatif, d’inciter Heure-Bleue à être prête avant l’heure du dîner.
Ça a marché moyen…
Oui, comme toujours, Heure-Bleue a le temps.
Quand ma dernière heure approchera, je l’enverrai chercher la Faucheuse. Ça devrait bien me valoir dix ans de sursis.
J’ai gagné mon petit pari perso. Comme prévu, elle a attendu qu’il pleuve pour sortir.
Nous avons descendu nos deux étages et sommes allés jusqu’à la passerelle. Nous sommes arrivés « en face » où les brocanteurs et videurs de grenier, dégoûtés par la pluie, remballaient leurs petites affaires.
Quel beau dimanche on a passé !
Malgré la capuche de mon blouson de marin, la pluie ruisselait, glacée, sur mon profil de médaille. Et me coulait dans le col de chemise.
Mes chaussures faisaient des bruits de succion à chaque pas et mes orteils se recroquevillaient, gelés.
Heure-Bleue, que le mauvais temps enthousiasme je ne sais pourquoi, plaignait les marchands et avait un mot aimable pour chacun de ceux dont elle regardait l’étalage.
Sur l’étalage de l’un d’eux, la lumière de mes jours a été emballée par un plat de faïence. « Peint à la main » selon la vendeuse. Avec une précision d’imprimante laser selon le Goût.
Je sais déjà que ce plat ira, à peine sec, dans le meuble où le service de porcelaine de ma mère dort d’un sommeil profond dans l’attente du prochain déménagement.
Je portai donc ce plat dans un sac, pendant qu’Heure-Bleue continuait de flâner, indifférente à la pluie et à la pneumonie qui, j’en suis sûr, me guettait.
Je suivais, pauvre gueux. J’ai été content de trouver deux limes de mécanicien dont j’ai l’usage.
Malheureusement, la tenancière du stand, genre « bohémienne » mais bien habillée, exposait un guéridon qui, quoique trempé, plut à Heure-Bleue.
- Regarde Minou ! Le guéridon ! Il est bien hein ?
- Euh…
- Si si, il est bien. Et puis douze €uros, hein…
Je sais depuis longtemps que quand la lumière de mes jours à jeté son dévolu sur quelque chose, c’est une perte de temps que tenter de la dissuader.
C’est pour ça qu’on a au moins quinze bols en faïence, sans compter ceux que j’ai cassés, trois douzaines de verres, quasiment tous dépareillés.
C’est sans doute aussi pour ça qu’elle m’a, moi.
J’ai donc porté jusqu’à la maison, deux limes, un plat et un guéridon. Tout ça sous une pluie battante, j’ai grimpé les volées de marches de la passerelle, équivalentes à trois étages. Arrivé trempé dans notre immeuble, il m’a encore fallu monter les deux étages.
La lumière de mes jours à mis le plat dans l’évier. L’y a laissé.
Comme prévu, il n’y a aucun endroit adéquat dans la maison pour y mettre le guéridon. Il est trop haut, trop bas, trop petit, trop grand. Bref, il était mieux sur le trottoir et sous la pluie.
Je m’attendais à buter dedans en me levant car maintenant il fait nuit le matin.
Bref, il y a des jours comme ça, où les interdits du code pénal deviennent pesants.
Vous ne trouvez pas, lectrices chéries, qu’on a été bien sévère avec ce monsieur Landru ?

dimanche, 12 octobre 2014

L’œil cligne en court.

En conversant avec Heure-Bleue de la solidarité entre locataires nous en vînmes à parler de la vie de l’immeuble où nous habitions quand nous étions petits.
Elle et moi avions des amis chez qui nous allions et des amis que nous ne voyions qu’a l’école ou sur le chemin de la maison.
Très rarement nos parents, jamais en réalité, ne voyaient les parents de ces amis.
Dans mon coin de vers la Porte de Clignancourt de quand j’étais môme, nous manquions de tout mais nous avions quand même des voisins.
Mes parents eux, « copinaient » vaguement avec quelques uns.
Je vous ai parlé de certains à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’assassinat de J.F.Kennedy.
Notre palier, au quatrième et dernier étage, comptait trois portes.
Enfin, quatre avec la porte derrière laquelle nous n’avons jamais su ce qu’il y avait.
Il y avait trois portes de logement, donc.
Immédiatement à gauche de la nôtre, il y a avait « le père B. », ancien comptable de son état mais surtout ivrogne qui profitait de sa solitude pour boire sa retraite précoce. Il y eut de sévères engueulades car il se saoulait uniquement au vin rouge et ma mère détestait les mauvaises surprises.
Du genre, au départ pour l’école « Beeeuuuaaarrkkk ! Maman ! Le père B. a dég…vomi devant chez lui ! »
Le problème était que nos portes étaient à angle droit et donc « devant chez lui », c’était exactement pareil que « devant chez nous ».
À part « le père B. » que mon père, voyant sa porte ouverte, découvrit un jour étendu raide mort dans son entrée, nous avions des voisins que mes parents aimaient bien, les S.
Comme rien n’est parfait, ils avaient un fils, Serge, qui ne nous aimait pas trop et à qui on le rendait bien. Madame S. était une femme très gentille et son mari arrivait souvent le soir chez nous en disant « Gaby, t’aurais pas une cigarette ? J’ai oublié les miennes au boulot. »
Ça durait généralement jusqu’à ce que mon père lui tende une cigarette en disant « Tu m’en passeras une demain ? Tu dois bien en avoir vingt cartouches au boulot maintenant… »
Monsieur S.
faisait un peu la gueule et ça lui passait quand madame S. donnait en douce un paquet de cigarettes à ma mère mais le message passait et monsieur S. offrait une cigarette à mon père quelques soirs de suite… 
C’était encore une époque où les voisines, majoritairement « sans profession », c'est-à-dire s’échinant à s’occuper des gosses, se rendaient volontiers service.
Que ce soit pour emprunter un œuf, de l’huile ou de la moutarde.
Tout le monde craignait la décision stupide du colinot, synonyme de mayonnaise, qui allait mettre à contribution la moitié de l’immeuble…
Une chose toutefois ne manquait jamais.
Tout l'immeuble connaissait un dicton dont personne n’avait vérifié le bien-fondé mais que tous respectaient au pied de la lettre : « Plus de sel, plus de sous ! »
Le manque de sous était fréquent et n'attendait pas la fin du mois pour se faire sentir. On est venu emprunter du poivre à ma mère, des câpres à madame M., des œufs à madame S.
Je n'ai pas souvenir de quelqu'un empruntant du sel.
Manque de sous peut-être, manque
de sel jamais...

samedi, 11 octobre 2014

Le Christ s’est arrêté à Ebola.

Il m’est arrivé de me croire intelligent.
Neuf fois sur dix, j’ai eu tort.
Depuis, je fais gaffe.
Je cherche où est le piège...
Mais ce vendredi je me suis senti flotter à la surface d’une mare de stupidité.
Je suis allé seul à Paris, alléché par un repas avec un ami et l’expo Hokusaï au Grand Palais.
C’est en prenant le train que j’ai ressenti cette bouffée de supériorité qui habituellement se termine mal.
Étonnamment, le train était plein à craquer à une heure où il est habituellement quasi vide. J’y suis monté en me disant qu’il allait être difficile de lire debout au milieu d’une foule dense. J’ai profité d’une population plus petite que moi pour regarder autour de moi. J’ai aperçu un peu plus loin dans le wagon, une sorte de bulle étrange.
Une bulle d’espace libre, vide.
Je me suis faufilé, j’ai dit au moins trente-sept fois « pardon » ou « excusez-moi ». Il m’est même arrivé de dire deux fois assez sèchement « s’il vous plaît ».
Je suis arrivé sur cette aire dégagée avant la station qui suit la mienne.
A gauche, quatre sièges sur six étaient vides.
A droite, cinq des six sièges étaient vides.
Un seul des sièges était occupé, contre la vitre, par un type qui n’avait pas l’air rassuré. Pas plus en tout cas que les passagers debout qui faisaient semblant de ne pas le voir.
Ce type n’avait pas l’air bien riche. Moins que la moyenne des gens du wagon mais ne semblait pas pour autant un clochard.
C’est en voyant le regard un peu apeuré d’une jeune femme que j’ai regardé avec un peu plus d’attention mon environnement.
N’y voyant rien d’anormal ni de particulièrement marquant, je me suis avancé pour m’asseoir. Le type sentait un peu la transpiration et le tabac alors j’ai laissé un siège libre entre lui et moi.
J’ai sorti mon bouquin et la station suivante est arrivée.
Pas un passager ne m’a rejoint.
J’ai relevé le nez de mon bouquin et regardé autour de moi.
Le type ne semblait pas à l’aise, il a toussé, comme n’importe quel clopeur.
Ce n’était peut-être qu’une impression mais il m’a semblé voir un mouvement de reflux des passagers.
Un éclair de compréhension a jailli soudain.
Ce type avait quelque chose de mal porté ces temps-ci.
Si on tousse, il ne faut surtout pas être noir…
A part ça, l’expo était très chouette. A contempler les visiteurs, il m’est venu une idée que j’ai partagée avec mon ami : Si vous voulez draguer et que vous n’êtes plus ado, laissez tomber les boîtes et les bistrots.
Les musées sont nettement plus propices. Si vous voyiez le nombre de personnes seules tout à fait prêtes à engager la conversation avec des inconnus, vous ne laisseriez jamais la lumière de vos jours aller seule à une expo en semaine…

jeudi, 09 octobre 2014

Lasciate ogni speranza, voi ch'entrate…

Je vais peut-être mettre une affiche comme ça sur la porte de notre immeuble.
Dante le connaissait, c’est sûr !
C'est même là qu'il a écrit le premier cantique de sa Divine Comédie.

Si si, lectrices chéries, j'en suis sûr.
La preuve :
Nous sommes descendus hier en fin d’après-midi refaire le plein de tickets de bus, de billets de train et autres passeports pour la ville.
Après une matinée et un début d’après-midi qui m’avaient donné l’impression qu’on était déjà arrivé à la Toussaint, une superbe lumière d’automne nous a décidés, Heure-Bleue et moi, à sortir.
Évidemment, en arrivant au bas des escaliers nous avons croisé la voisine du premier étage. Nous avons longuement dit du mal du syndic qui fait son boulot comme le bon dieu a fait les bossus. Ce fut un moment agréable car il est toujours plaisant d’être plusieurs à dire du mal de la même personne ou de la même entité.
J’avais prévu d’être Tiresias dans ma prochaine vie mais je me demande si finalement je ne vais pas plutôt être concierge…
C’est en revenant avec de quoi préparer la sauce soja-miel-citron qui accompagnerait le plat que j’avais en tête pour le dîner que nous avons régressé salement.
C’est là qu’Heure-Bleue et moi avons saisi tout le sel de l’expression « retomber en enfance ».
Arrivés dans le sas, j’ai commencé à pester à l’idée de payer si cher de loyer et encore plus de charges pour monter mes étages à pied.
J’ai saisi la poignée de la porte de l’escalier censément de secours.
J’ai tiré.
La poignée m’est restée dans la main.
J’ai tenté de la remettre en place.
Le « carré » a largement reculé au point que j’ai craint que l’autre poignée ne tombât de l’autre côté de la porte.
Porte évidemment fermée.
J’ai tant bien que mal remis la poignée.
Heure-Bleue et moi nous sommes regardés attentivement quelques secondes.
Non, lectrices chéries, nous n’allions pas succomber dans le couloir à un accès de passion soudaine.
Nous avions seulement eu la même idée au même moment.
Farceurs et peu sérieux nous avions été.
Farceurs et peu sérieux nous sommes restés.
Il nous est venu l’idée, une fois du bon côté de la porte, de tirer la poignée de façon que tombât l’autre dans le couloir et celle-ci avec son « carré » dans un coin obscur de l’escalier, invisible.
Un fois arrivés chez nous, nous n’aurions eu qu’à attendre les hurlements qui n’auraient pas manqué.
Ceux qui voulaient rentrer chez eux, entassés dans le couloir, auraient fait un scandale, coincés qu’ils auraient été au rez-de-chaussée.
Les rares encore dedans, déjà pas contents de sortir pour aller chercher le pain auraient été dans une colère noire de se retrouvés séquestrés dans un immeuble.
Il faut reconnaître que payer si cher pour être prisonnier, même l’administration pénitentiaire n’avait pas osé.
Seule l’idée de continuer à passer pour des adultes aux yeux des voisins nous a retenu de passer à l’acte.
Mais ça nous a bien fait rire quand même.
Quand je vous dit qu’on peut vieillir sans devenir vieux…

mercredi, 08 octobre 2014

La vie devant soi…

Hier après-midi, j’ai accompagné Heure-Bleue chez le dentiste.
Il l’a félicitée pour l’état de ses gencives.
Nous sommes sortis assez tôt pour que l’Ours profite de l’occasion de nous envoyer chercher Merveille à l’école.
Comme d’habitude, j’ai été content de la retrouver.
Jusqu’au moment où elle a dit « Papy, je sais pas qu’est-ce que c’est que… »
- Pardoooon ! Qu’as-tu dit Merveille ?
Honnêtement, avant de parler, j’ai pensé « Comment tu dis ça, Merveille ? » mais je l’ai gardé pour moi.
Elle a réfléchi un instant et a dit :
- Papy, je ne sais pas ce que… Mais quoi, déjà ?
- C’est à toi de me le dire.
- J’ai oublié… C’est ta faute…
C’est là que j’ai su avec certitude que son patrimoine génétique contenait une bonne dose de patrimoine Heure-Bleue…
Nous sommes arrivés chez l’Ours et JJF. P’tite Sœur était censée dormir. Son visage s’est éclairé quand elle a vu sa grande sœur.
Elle avait fait des progrès en matière de langage.
« Dis Manou » a dit Manou.
« Je veux pas » a répondu P’tite Sœur.
C’était le mot de la journée. P’tite Sœur a tout foutu par terre…
Elle a tendu les bras à Merveille qui l’a ignorée et a tenu à m’emmener dans sa chambre pour me dire un secret.
- Papy, viens avec moi…
- Je viens, Merveille, je viens…
Je l’ai suivie.
- Alors ?
- J’ai des copines secrètes !
- Et ?
- C’est secret.
- Bon…
- Tu comprends, c’est ma vie à moi maintenant…
Comme j’avais des copains avec qui j’échangeais des secrets que pour rien au monde je n’aurais partagé avec quiconque, j’ai pensé « Elle grandit, c’est bien… »
Mais quand même, je vis avec une femme depuis longtemps maintenant.
Alors j’ai pris de mauvaises habitudes : J’aimerais bien savoir…