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vendredi, 07 novembre 2014

Distribution d’épris…

Ce matin, j’ai laissé tomber un « livre de fille » comme il m’arrive d’en lire pour meubler les heures où je n’ai pas envie de faire d’effort. Celui là était vraiment trop ennuyeux.
J’ai reposé le livre sur une étagère et ai pris un de ceux que j’ai acheté quand nous sommes allés, Heure-Bleue et moi, retrouver Bérangère.
Puis j’ai commencé à lire « L’herbe des nuits ».
Je l’ai acheté, j’avais été tenté en le voyant car j’avais lu il y a longtemps « La place de l’étoile ». Ce type parle vraiment bien de la mémoire et de ses méandres.
Dès les première phrases il m’a emmené avec lui. Il parlait très vaguement du quartier de Montparnasse dans lequel il ne se sentait pas à l’aise.
C’est là qu’un souvenir du XVIIIème arrondissement m’est revenu qui n’avait aucun rapport avec Montparnasse.
C’était la  fin du mois de juin et mes sœurs allaient à la distribution des prix de leur école.
Pour la première fois, mon père me tiendrait par la main en allant à l’école  de ma grande sœur sur le chemin de son école, celle de la rue Gustave Rouanet, à la hauteur du 104 rue Championnet.
Ma mère irait avec la cadette et la benjamine à leur école, celle du 9 de la rue Championnet.
La cadette reviendrait avec le « Prix de camaraderie » car si je connais sur le bout du doigt, près de soixante ans plus tard « Mal logés, mal vêtus, mal nourris, les serfs vivent sous la domination de leurs seigneurs qui les exploitent », ma sœur ne sait toujours pas sa leçon d’Histoire…
La benjamine n’aurait rien. Du moins pas autre chose que « le Prix d’encouragement ».
Non qu’elle ne fut pas douée mais l’habitude de régler les dissensions avec les autres enfants à coups de griffes et de tirage de cheveux lui bouchait le chemin des lauriers…
Ma grande sœur marchait devant nous. Elle nous guidait, le sourire aux lèvres…
Elle souriait depuis le matin, elle savait que l’année suivante elle irait dans une autre école apprendre la comptabilité et surtout, surtout qu’elle avait décroché plusieurs prix.
Mon père, ma grande sœur et moi sommes enfin arrivés devant cette école, la seule de briques rouges que je connaissais, les autres étaient toutes de pierre de taille.
Une estrade avait été dressée sous le préau, une grande table était couverte de livres habillés de ruban, rouge, bleu, vert ou blanc, selon une hiérarchie dont je n’avais pas idée.
Ma grande sœur a regardé autour de nous, cherchant quelqu’un. Elle a trouvé son amie et nous sommes allés nous asseoir sur un banc, attendant la suite.
J’ai regardé son amie, elle s’appelait Colette P. et je l’ai trouvée belle. Elle était blonde, avait les yeux bleus, une voix douce et habitait rue Vauvenargues. Elle sont restées amies et ne se voient jamais.
Nous nous sommes tous levés quand la directrice est arrivée. Je m’en souviens comme d’une femme grande –tout le monde était grand pour mes yeux d’enfant, j’avais encore les deux cette année là- blonde et mince.
Une des élèves les mieux notées en récitation récita « La laitière et le pot au lait ».
Mon père s’est fait fusiller du regard quand la fille, après le vers « Notre laitière, ainsi troussée… », eut une brève hésitation et que mon père souffla, à voix pas assez basse « par le fermier… » avec un vague sourire. Si je ne savais de quoi il s’agissait, sa voisine de banc semblait assez au courant de ce qu’il avait voulu dire…
Puis la directrice a procédé à la remise des prix. « Mademoiselle Anne VdS, prix de français, de récitation, de calcul, c’est très bien mademoiselle ».
Mademoiselle VdS, ma sœur –elle n’avait pas le même nom que nous, son père avait été tué en 1942, peu après sa naissance-, s’est levée et est allée de cette démarche bizarre des filles quand elles se déplacent devant une assistance nombreuse. L’allure gênée, le menton levé, n’osant regarder que devant soi, la tête animée d’un mouvement qui rappelle ces poupées de céramique à la tête oscillant d’avant en arrière mais toujours regardant devant soi.
J’ai encore dans l’oreille la voix émue de la directrice, disant adieu à ces élèves qui ne reviendraient pas l’année suivante.
Me revient ce « Mesdemoiselles, j’espère que vous serez ces vraies jeunes filles qui feront l’honneur de leur famille et de notre pays. Non ! La vraie jeune fille n’est pas seulement la jeune fille au soutien-gorge pigeonnant, c’est celle qui saura élever ses enfants et leur transmettre les valeurs qui feront d’eux des Français fiers de leur pays et de ses institutions. »
Et sa main essuyant une larme au coin de l’œil…
Je reverrais Colette P. en 1998.
Elle était toujours blonde, avait encore les yeux bleus, avait la voix dure et s’était mariée avec un garagiste, elle était devenue raciste, antisémite et attendait l’arrivée au pouvoir de Jean-Marie Le Pen…

Commentaires

C'est trop long à lire pour moi. Mais il eût été bon de citer Modiano, l'auteur de "l'herbe des nuits" et de nous indiquer quel est le "livre de filles" que tu lis. Est-ce du Simone de Beauvoir, du Duras, du Sagan, du Ernault etc....sans doute que non, est-ce l'auteur, ci avant ou le théme , ci aprés qui est "de fille" ? Amour, maquillage, mode, mecs, sex-toy, prince charmant, barb irEtc
Ceci dit je reourne a " l'amour et les forêts" de Reinhart, je ne sais pas di c'est de fille ou de gars. Mais c'est bien... Au debut je trouvais pretentieux mais je me laisse avoir... Donc je retourne au destin de mme Ombredanne que je nomme ombre-damnée.

Écrit par : Ckan | vendredi, 07 novembre 2014

Un "livre de fille" c'est un truc du genre "Bridget Jones".
Il ne me viendrait pas à l'idée de dire de Beauvoir, Ernaut ou Duras qu'elles ont écrit des "livres de fille".
Pour Sagan, ça dépend...

Écrit par : le-gout-des-autres | vendredi, 07 novembre 2014

Mademoiselle VdS, ma sœur –elle n’avait pas le même nom que nous, son père avait été tué en 1942, peu après sa naissance-
pas compris, ta soeur n'est pas ta soeur?

Écrit par : mab | vendredi, 07 novembre 2014

Et voilà... une belle blonde aux yeux bleus qu'est toute moche de l'intérieur !
La réflexion de ton père m'a fait pouffer de rire.

Écrit par : Praline | vendredi, 07 novembre 2014

Ah, parce que la laitière ...??

Écrit par : Nina | vendredi, 07 novembre 2014

Et qu'est-il donc arrivé entre-deux à Colette, pour qu'elle ait une telle attitude de rejet?

Écrit par : Livfourmi | vendredi, 07 novembre 2014

Ton quartier d'enfance, de jeunesse et plus si affinités, me parle car il est également celui de mon cher et tendre (mais je crois te l'avoir déjà dit).
Quant à ta Colette, c'est une vilaine goy qui a dû être amoureuse d'un juif sans être payée de retour. Et, une femme bafouée, ça fait mal ;-)

Écrit par : Marie-Floraline | vendredi, 07 novembre 2014

ta mère avait eu une vie (et en enfant) avant ton père ?

Écrit par : liliplume | vendredi, 07 novembre 2014

Pouah ! Vilaine ta Colette , belle dehors , moche dedans !

Écrit par : Brigitte | vendredi, 07 novembre 2014

Je ne trouve pas le lien de cause à effet !?

Écrit par : pennylane22 | samedi, 08 novembre 2014

Je ne trouve pas le lien de cause à effet !?

Écrit par : pennylane22 | samedi, 08 novembre 2014

Les commentaires sont fermés.