lundi, 31 juillet 2017
J’écris sur ce « Kelly ».
De rien Mab, c’est rien que pour vos yeux…
Ce matin, le devoir de Lakevio me fait l’effet de certaines versions grecques ou latines un mardi matin.
Je pense à autre chose et ça ne m’inspire pas.
Il n’est pas bon, mais c’est un devoir un peu comme ces versions qu’il m’arrivait de faire en m’arrêtant dans l’allée qui va de la rue Lamarck à l’entrée de la rue de Steinkerque.
Allée que connaît bien Lakevio.
Dans cette longue allée aux marches dites « en pas d’âne », un banc m’accueillait dans le renfoncement au milieu du trajet qui mène en pente douce à la place Saint-Pierre.
C’était juste l’arrêt qui convenait.
Ça en dit long sur l’enthousiasme qui me soulève à l’idée de tartiner sur ces sacs-à-main.
Plus de quarante-cinq ans que j’en entends parler, de ce « Kelly » noir, entièrement détruit par le greffier de ma belle-mère.
J’ai failli écrire « la chatte de sa mère » puis, à me relire, je me suis dit que « l’esprit mal tourné » était si communément répandu qu’il me fallait trouver une autre formulation, hein…
De la disparition de ce « Kelly » fait d’un magnifique cuir d’un noir de jais, rien n’a pu consoler la lumière de mes jours.
Les nombreux déménagements, s’ils ont disséminé énormément de nos objets, n’ont jamais entamé une collection de sacs-à-main de plus en plus fournie au cours des années.
Deux choses s’opposent aujourd’hui au glissement, pourtant aisé à l’origine, des portes du placard de la maison.
La première est le débordement du sac de linge à repasser qui ne se vide que lentement, au rythme de deux chemises et une taie d’oreiller par saison de « Friends »…
La seconde est l’effondrement permanent de la collection de sacs-à-main, posés en équilibre instable, pour moitié sur l’étagère du haut, pour moitié dans deux cartons en bas.
Tout irait pour le mieux si, suivant le rythme des saisons, il ne me fallait régulièrement assister à un choix perpétuellement cornélien, celui du sac-à-main qui lui arracherait le bras pour les semaines à venir.
Chaque fois je me suis rendu compte que si nous n’avions pas grand espace, il était tout de même très occupé par les sacs-à-main.
La dernière fois, Lakevio le montre avec une discrétion de rosière, ces histoires de sacs ont failli finir sur la séparation d’un couple uni par un malentendu qui dure depuis des décennies.
Et c’est là qu’on voit la traîtrise de Lakevio, l’amie qui, mine de rien, vérifie la solidité de ce couple.
Elle va jusqu’à tenter la lumière de mes jours, voire lui suggérer un prochain achat, avec ce tableau plein de sacs-à-main.
Je vais encore avoir droit à une longue séance d’indécision quant au choix du prochain à porter.
Sans parler de la lamentation sur la perte irrémédiable du « Kelly » noir.
Lakevio, si la prochaine fois, tu me faisais rêver au lieu de me faire plancher…
09:20 | Commentaires (13)
dimanche, 30 juillet 2017
J’ai la mémoire qui flanche…
Que je vous dise lectrices chéries.
Hier soir, Heure-Bleue et moi étions à la recherche de je ne sais quoi à propos de Jeanne Moreau.
Probablement son âge…
Je l’avais entendue il y a très longtemps chanter « La peau, Léon ».
Oui, je sais, la peau…
Inutile de vous dire que quand j’ai vu l’affiche du film « Le Journal d'une femme de chambre » juste en rentrant des vacances de pâques, je n’ai eu de cesse de voir ce film.
Je suis sûr que la plupart d’entre vous ne se rappelle pas ces petits panneaux qui se balançaient, accrochés au plafond des rames de métro, ces « rames Sprague » avec les wagons verts de seconde classe et le wagon rouge de première classe.
C’est sur ces petits panneaux de tôle émaillée que l’on instruisait les foules des nouveautés de la vie parisienne à ne pas rater.
Là on y voyait une bottine à laçage serré.
Il m’a fallu attendre quelques années avant de le voir au « Champollion » qui parfois cessait la projection de « Kapo » pour d’autres films un peu plus gais, comme « Ma nuit chez Maud » ou « Lola » où Anouk Aimée était à tomber raide.
Je ne sais plus ce qui m’a touché le plus dans ce « Journal d’un femme de chambre », du trouble de Fernando Rey délaçant la bottine de Jeanne Moreau et jetant un regard ému sur les charmes dévoilés ou le sourire éblouissant qu’elle lui adresse un moment.
Tout ce que je puis dire de Jeanne Moreau, à part qu’elle était belle et troublante, c’est que, comme pour Marlène Dietrich, on ne saura probablement jamais son âge avec précision.
08:19 | Commentaires (15)
vendredi, 28 juillet 2017
Ecrit vain...
De rien, Mab...
Je suis en train de lire une bluette.
Une bluette que m’a offerte Tornade il y a quelques semaines.
Je dois avouer à ma grande honte que je l’avais choisie parce que « L’écrivain de la famille » m’avait plu.
Ouais lectrices chéries, je suis comme ça, je peux faire mes délices d’un bouquin sur les particules élémentaires, non pas celle de Houellebecq, aimer « les trucs chiants » comme les films d’Éric Rohmer, selon les mots de la famille et être ravi par la lecture d’une mièvrerie.
Hélas, ce bouquin a quand même tendance à me tomber des mains.
D’abord parce qu’il est lourd.
Pas seulement de ses près de quatre cents pages…
Je n’arrive pas à y entrer.
Ce n’est d’ailleurs pas la peine, on voit si bien où il veut en venir.
Rien que le titre, après un peu de réflexion aurait dû me pousser à le reposer sur le présentoir.
Bon, je l’ai, on me l’a offert, je dois le lire.
J’y avais déjà repéré une courte phrase, « jusqu’à tout perdre pour un instant d’éternité éphémère » et je m’étais fait une réflexion bizarre.
Je m’étais d’abord dit qu’il fallait une bonne dose d’optimisme chez l’éditeur pour publier un bouquin dans lequel l’auteur fait tenir dans la même courte proposition un pléonasme et un oxymore.
Puis que la littérature avait quand même ceci d’extraordinaire qu’une bévue de logique criante pouvait être parfaitement compréhensible.
Bref, ce billet promet d’être aussi chiant que la bluette que je lis.
Néanmoins lectrices chéries, il m’est arrivé autre chose en le lisant.
Il est courant de lire des histoires où le mari quitte la femme et des histoires où la femme quitte le mari.
Dans la majorité des cas pour aller se jeter dans d’autres bras.
Et c’est là que je voulais en venir.
Mené par un optimisme indéfectible, je me voyais plutôt être celui pour qui on abandonnait l’autre.
Là, je ne sais si c’est la perte des illusions ou de la jeunesse, l’arrivée de la sagesse ou simplement d’un peu de bons sens, je ne me suis pas senti senti dans la peau du type qui part avec la fille du shérif.
Non, je me suis senti dans la triste peau du mec qui la regarde partir…
Ça m’a attristé pour le premier quart d’heure de la matinée d’aujourd’hui.
Je m’en fous, je vais à Paris tout à l’heure.
La lumière de mes jours veut changer les chaussures qu’elle a achetées il y a peu.
Elle prétend qu’elle devrait plutôt changer de pieds.
Ce n’est pas gagné…
09:53 | Commentaires (13)
mercredi, 26 juillet 2017
La vie de chaton…
De rien Mab…
- Non mais tu n’as rien trouvé d’autre que ça pour m’occuper ????
- Ben…
- Me caser dans un bureau à l’autre bout du palais ?
- Mais non, voyons…
- M’occuper de bancals, de handicapés ou d’autistes ?
- Enfin Bribri ! C’est ton boulot aussi, m… !!!
Il hoche la tête, agacé.
- Et puis tu ne seras pas toute seule, tu auras des collaborateurs !
- Tu déconnes, là, Emmie ! Tu me vois passer la journée avec des dames patronnesses ?
- Mais non, des vrais collaborateurs !
- Ouais, c’est ça ! Je vais aller à la messe aussi, pendant que tu y es !
- Pas du tout, c’est juste qu’ils se taperont le boulot à ta place…
- C’est ça, je vais faire potiche, comme à la télé dans les années quatre-vingt-dix !
- Pfff… T’es jamais contente, aussi !
- Mais si Emmie, mais si…
- Ouais… C’est ça…
- Même si tu as vieilli, je suis fière de toi ! Oui, oui, tu as vieilli mon chéri.
Il lui jette un regard noir et vaguement inquiet.
- Allez, viens Bribri, on va voir ton bureau et tes collaborateurs…
Après des kilomètres de couloirs, ils arrivent devant une porte qu’ils n’ont pas le temps d’approcher.
L’huissier ouvre la porte et annonce :
- Mesdames, Messieurs ! Le Président de la République et Madame !
Bribri soupire in petto « pfiouuu… Quel cinoche ! Et qu’ils jouent mal ! »
On l’introduit dans une vaste pièce peinte de blanc et rehaussée de dorures.
Près d’une fenêtre donnant sur les jardins, un bureau aux pieds tarabiscotés l’attend, le fauteuil tournant le dos à la fenêtre.
Bribri a une vue imprenable sur les arbres, dans un calme qu’on n’aurait jamais soupçonné si près du centre de Paris.
Elle commence à se dire qu’elle va se trouver prisonnière ici pendant qu’Emmanuel va probablement être maté comme un gâteau par des hordes de jeunes énarques qui essaieront de le lui piquer.
Elle pense, regardant par la fenêtre « S… ! Vous ne l’aurez pas comme ça ! »
Elle est sortie de ses pensées par la voix d’un homme qui lui présente ceux qui seront chargés de se taper le boulot à sa place.
- Monsieur Machin, précédemment Maître des requêtes au Conseil d’Etat.
Un vieux machin long comme un jour sans pain et triste comme un jour sans vin.
L’autre continue :
- Monsieur Bidule, stagiaire, qui le secondera.
Bribri soulève un sourcil et sourit.
L’avenir s’éclaircit.
Les journées passeront plus vite quand Emmanuel sera au loin, tentant vainement de résoudre les problèmes du monde.
- Vous me semblez bien jeune, vous avez quel âge, Monsieur ?
S’enquiert-elle.
- Dix neuf ans Madame, j’ai eu mon bac à quatorze ans et je sors tout juste de l’ENA.
- Félicitations, j’ai hâte de travailler avec vous.
- Serviteur, Madame…
Il a une lueur amusée dans le regard.
Intelligent ce petit...
- Alors je vous attends demain matin, vers huit heures…
Bribri se dit que finalement, ce n’était pas si bête, cette idée de lui donner un bureau.
Et ce stagiaire est si mignon, avec ses boucles et son teint frais de jeune garçon.
Un dernier coup d’œil rapide à la pièce.
Il y a bien un canapé dans le coin, près de la porte donnant sur une bibliothèque attenante.
Ce sera parfait, finalement.
Le produit frais, que ça de vrai...
Quelle belle idée, ce stagiaire.
Vraiment...
11:02 | Commentaires (16)
lundi, 24 juillet 2017
Sans Isolde, quel triste an…
De rien Mab…
Comme toujours, j’appuie longuement sur le bouton de la sonnette.
Comme toujours, elle met un long temps avant que j’entende son pas.
Comme toujours, elle tente de donner l’impression de vastité à un appartement qui n’est pas Versailles.
Je me demande pourquoi elle tient tant à me voir aujourd’hui, qu’a-t-elle encore inventé ?
De façon assez surprenante, elle m’accueille avec un large sourire.
Elle qui habituellement ouvrait la porte et me tendait la joue tout en commençant par se plaindre du bruit du voisin, m’ouvrit les bras chaleureusement.
Elle ferma rapidement la porte, me prit le bras et m’amena au salon d’un pas étonnamment vif pour qui la connaît.
La surprise me cloue à l’entrée du salon.
Non ! Elle n’a quand même pas fait ça !
Si, si, elle a osé…
Aller jusqu’à jouer les entremetteuses !
Et avec une sûreté de jugement confondante me présenter cette fille fade comme une baguette sans sel !
Il y a des jours où je me demande si c’est ma mère qui m’a fait.
Me connaître si peu au bout de tant d’années…
Me surveiller autant et ne rien voir ni savoir.
Me poser tant de questions et écouter si peu les réponses.
Je sais me demande si elle ne souhaite pas secrètement que je reste à la maison jusqu’à la mort, la sienne.
Je suis allé parfois jusqu’à me demander si elle ne souhaitait pas que je l’épouse, elle…
L’avant-première était une idée de Sophocle, là ce serait une première.
Mais venant d’elle, ça ne m’étonnerait pas plus que ça…
Tout ce qu’elle avait retenu du paquet d’indiscrétions qu’elle avait commises, c’est que mes goûts en matière de filles se portaient vers les peaux claires et les cheveux châtain clair ou roux.
Comme si c’était suffisant.
Comme si une teinte de cheveux pouvait à elle seule susciter une attirance irrépressible !
Mais comment diable avait-elle pu penser que puisse être attiré par cette fille empruntée.
La pauvre ! On aurait dit une gamine montée en graine qu’on amenait pour « la placer ».
Elle regardait le sol et même la carpette semblait l’intimider.
Elle cédait la place au chien !
A y réfléchir, je me dis que ma mère avait tout à fait bien choisi.
Enfin, bien choisi selon les critères qui l’intéressaient…
Je suis sûr qu’elle adorerait l’idée d’avoir comme belle-fille cet archétype de l’effacement.
Le genre à se faire oublier et laisser mener par elle.
Ne lui laisser la charge que de ce qu’elle appelait « un mal nécessaire »…
10:01 | Commentaires (11)