mercredi, 29 avril 2020
En vrac
Je vous ai déjà parlé de ma grande sœur il me semble.
Eh bien elle m’inquiète.
Je me doute que vous n’en avez rien à faire mais elle m’inquiète.
Je l’ai appelée il y a peu et elle m’a parlé.
Normal vous direz-vous.
Est-ce si vrai ?
« Tu te rappelles cette robe « vichy » à carreaux mauves et blancs ? » a-t-elle attaqué bille en tête quand je l’ai appelée.
Elle vit dans un bled improbable du Gers où n’ont accepté de vivre que deux-cent-quinze personnes.
Elle a trois filles que j’ai toutes vues mais avec qui les relations sont distendues.
Comme son mari ne va pas fort et cause peu, je lui téléphone pour savoir comment sa vie se déroule.
Eh bien, ma grande sœur vieillit !
Et je suis inquiet.
Non parce que elle est née en 1942 et qu’elle m’a parlé de robe « vichy », l’association « 1942 » et « Vichy » causant un déclic dans ma cervelle prompte aux associations douteuses.
Plutôt parce que cette histoire de robe « vichy » à carreaux mauves et blancs revient un peu trop souvent dans la conversation.
Ça me rappelle ma mère qui, dès qu’elle sortait de la chambre « où elle n’avait pas fermé l’œil depuis… » depuis 1947 si je l’écoutais, commençait non par « Tiens ! Mon fils ! Tu es là ? » mais par « Avec maman, au bateau… »
Commençait alors une longue litanie sur la vie sur une péniche entre 1921 et 1939.
Vie bien plus merveilleuse dans laquelle elle se réfugiait trop souvent.
Ce n’est que plus tard que j’admis que ma mère avait perdu la boule.
Ma grande sœur m’inquiète donc, parce que je me souviens parfaitement de cette histoire de robe « vichy ».
Elle avait dix-neuf ans, était une jolie fille et était tombée amoureuse d’un Anglais, étudiant en médecine venu en France parfaire sa connaissance du français et si possible d’une Française…
Il est reparti, embauché par son pays pour faire la guerre en Birmanie, tout ça avec promesses d’attente et de retour.
Évidemment, dix mille kilomètres de distance ne favorisent pas le rapprochement et les lettres s’espacèrent puis cessèrent.
Ma grande sœur tomba dans les bras les plus mauvais qui soient pour la consoler et ça se passa mal.
Elle me parle donc de notre père, qui maintenant est aux cieux et fut le seul à avoir vu dans quels mauvais bras elle s’était réfugiée.
Et me reparle de cet été 1961 où nous étions allés voir ma mère à Lariboisière, accompagnés de « Deïvid » car il s’appelait « David ».
Elle portait, avec toute la grâce d’une jeune fille de dix-neuf ans amoureuse, cette robe « vichy » à carreaux mauves et blancs.
Le fameux David qui n’est jamais sorti de sa mémoire la regardait comme un gâteau.
Même moi je m’en étais aperçu.
Mon père aussi…
Aujourd’hui, je vais encore appeler ma sœur et je sais qu’elle va me parler de cette robe « vichy » à carreaux mauves et blancs.
Et ça, ça m’inquiète…
10:22 | Commentaires (15)
mardi, 28 avril 2020
Déconfinement décrit…
Ouais, j’ai honte…
Mais que voulez-vous, je ne peux résister...
Que je vous dise…
Heure-Bleue n’a pas de tension dans les yeux.
Heure-bleue n’as pas de tension artérielle exagérée, c’est même parfaitement normal.
Moi non plus.
Il n’y a de la tension qu’à la maison.
Le confinement ne réussit pas à l’appartement.
Qui répercute sur ses habitants.
On aurait dû savoir que c’était grave…
Quand on a l’impression d’une sortie dans le monde en prenant le bus pour aller chez le médecin, c’est que quelque chose ne va pas.
La lumière de ma vie supporte mal le confinement.
Quant à moi, je ne supporte pas du tout.
Vous imaginez bien qu’avec un appartement occupé par Heure-Bleue qui ne supporte pas la sensation d’être prisonnière et votre serviteur qui ne supporte pas d’être enfermé, on va pouvoir appeler la maison « el Pao », ce village où, d’après Buñuel la fièvre monte et où ce n’est pas la fièvre du samedi soir…
On va donc aller faire un peu de ravitaillement histoire d’éviter le coup de pied malencontreux de l’une dans les testicules de l’autre et le coup de pied involontaire mais si pratique dans le ventre de l’autre.
On a déjà prévu une super consolation ce soir.
N’allez pas imaginer des trucs, il s’agit de s’offrir un « restaurant à la maison ».
Nous commanderons quelques plats qui nous font déjà saliver dans un restaurant vietnamien de la rue Caulaincourt qui nous avait déjà fait nous pâmer devant les senteurs qui en sortaient avant-hier après midi.
Ils nous l’apporteront.
Je ferai le service
Ça devrait être super bien.
Je vous raconterai ça plus tard.
En attendant, on devra écouter le Premier Ministre se prendre les pieds dans le tapis du déconfinement, roulé plus serré qu’il ne le pensait.
Puis on ira au Monop’ se ravitailler pour les jours qui viennent.
Et je commanderai notre « dîner au restaurant de chez nous »…
15:10 | Commentaires (8)
lundi, 27 avril 2020
Devoir de Lakevio du Goût N° 36
La soirée est animée.
Trois hommes et une femme semblent pris par une conversation passionnante.
Sur quoi peut-elle bien porter ?
Racontez donc cette conversation et les répliques qu’elle vous a inspirées.
Mais... Mais... Mais ce type est en train de toiser mon mec !
Avec sa gueule de bellâtre et ses lunettes noires, il ne se rend pas compte qu’il est ridicule !
Et l’autre là, avec sa petite moustache et son embryon de sourire, qu’est-ce qu’il a ?
On dirait que lui aussi il se fout de mon mec.
Sa petite bouche pincée, sa moustache clairsemée et ses petits yeux, ça sent le pingre ça.
Le pingre de tout.
Même sa barbe hésite à pousser...
J’ai envie de tirer mon mec par le bras et qu’on s’en aille, mais non…
Comme toujours cet idiot continue, il veut absolument convaincre.
Il devrait laisser tomber, surtout que démontrer à un couillon qu’il l’est n’est pas de bonne politique.
En tout cas ce n’est pas la meilleure façon de s’en faire un ami.
Pourtant, on dirait que ça commence à marcher un peu, il a dû trouver un argument quelconque.
Même l’autre petit c… à moustache le regarde autrement maintenant.
Un peu trop même, je trouve.
Je vais prendre la main de mon mec, au moins ce petit couillon à moustache saura.
Je me méfie de ces types, ils te sourient un poil et hop ! Ils te soulèvent ton mec !
Je m’approche avec mon verre en faisant la gueule.
Un cocktail de fruits, je préfère.
Alors qu’ils picolent tous des machins genre quatre points de permis dès le deuxième.
Inutile de dire qu’ils me regardent comme une intruse.
Bon, je n’aurais pas dû jeter mon cocktail à la figure du grand échalas à lunettes noires.
C’est sûrement à cause de ces lunettes qu’il ne m’a pas vue.
Sinon il n’aurait pas dit si fort en tournant la tête vers moi « Mais regardez cette femme là, bien renfrognée ! Encore le genre à faire l’amour du bout des fesses ! »
En attendant, le bout de mes fesses, ce n’est pas lui qui le touchera !
Pauv’ tache, va !
Et mon mec au-dessous de tout.
Il est allé jusqu’à présenter des excuses au « serpent à lunettes ».
On est rentré en silence.
Bon, j’aurais dû attendre d’être présentée, ça aurait évité les histoires.
Maintenant mon mec n’a plus de boulot.
Le « serpent à lunettes » est son boss.
Et alors ?
J’aurais dû lever ma robe, peut-être...
15:28 | Commentaires (23)
dimanche, 26 avril 2020
Le sens du devoir…
On n’est jamais content de ce qu’on a.
La lumière de mes jours par exemple, a des yeux magnifiques qui me font toujours fondre.
Ils ne sont hélas pas aussi performants que beaux.
J’en fus longtemps heureux d’abord parce que je les trouve toujours magnifiques.
Puis, sa myopie leur donne ce côté doux si trompeur.
Mais ça, on s’en aperçoit plus tard.
Trop tard…
Les années passant n’ont pas altéré leur éclat.
On ne peut hélas en dire autant de leur acuité.
C’est au point que certains jours elle préfèrerait avoir des yeux moches et foncés comme les miens mais plus efficaces que beaux et clairs comme les siens mais peu fonctionnels.
Hier, elle fut victime de ce qui semble être une « migraine ophtalmique ».
Alors que la chose m’est déjà arrivée, je sais que ça dure une vingtaine de minutes et que c’est très agaçant, ça la met dans un état de panique telle qu’on dirait qu’une fourchette est arrivée tout droit dans sa prunelle qui va du vert au gris en passant par le bleu selon la lumière ambiante.
Ambiance tendue au point que je tentai d’appeler « l’ophtalmo-robot ».
Bien forcé, le cabinet m’indiquant que son « ophtalmo-humaine » était absente.
La « robote » lui a fixé rendez-vous lundi prochain à midi et a tenté de la rassurer.
Ce pour quoi elle n’est pas douée.
Comme toute scientifique, quand elle ne sait elle n’écarte aucune hypothèse.
Bon, connaissant la meilleure moitié de moi-même je sais que l’hypothèse envisagée est le truc qui va me forcer à pleurer devant son cercueil.
En attendant, je peux vous assurer qu’une Heure-Bleue inquiète n’est pas de tout repos.
Elle vient de me jeter « de toute façon, toi, avec la même chose, tu n’aurais même pas appelé l’ophtalmo… »
Tout ça, lectrices chéries pour vous dire de ne pas vous inquiéter de ne pas me voir passer chez vous pour y lire vos devoirs demain.
D’ailleurs même le mien ne sera pas prêt…
11:11 | Commentaires (20)
samedi, 25 avril 2020
Le héros de l'avant...
Mais au fait, il m’en souvient…
Il y a peu, nous étions allés faire quelques courses du côté de la rue Montorgueil.
En revenant, j’avais pris une photo de ce pan de mur où une image montrait Tintin si à l’aise dans les bras du capitaine Haddock.
J’ai pris la photo car un mythe venait de s’effondrer.
Tintin, oui « mon » Tintin, l’ennemi juré de Rastapopoulos, à qui on n’avait rien à reprocher sauf peut-être un anticommunisme primaire, un racisme patent et un antisémitisme à peine caché par une xénophobie criante, descendait de son piédestal d’un seul saut !
Lui que je croyais, comme l’ange du cantique, « pur et radieux » me parut d’un coup « émasculé des ailes » et déchapeauté de son auréole.
L’image de ce mur m’a fait découvrir que Tintin, « mon » Tintin avait une zézette et une paire de « roubignolles ».
Pire encore, qu’il comptait bien les utiliser même si l’idée que ce soit en compagnie d’une dame ne semblait pas l’effleurer.
Mais bon, assez commun de comportement finalement, il fait comme tout ceux qui, en littérature ou en musique, n’aiment pas trop la nouveauté et n’aiment et apprécient vraiment que ce qu’ils connaissent déjà.
Pourquoi ce pan de mur m’est-il soudain venu à la mémoire ?
Eh bien, c’est à l’occasion d’un tour chez Celestine qu’une image de Tintin, étonnamment revu et par Xavier Marabout que j’ai repensé à cette photo.
Je suis allé visiter son site et une image a ramené Tintin à l’idée que j’avais de lui.
Hélas, pas celle d’un type qui se pose des questions avant de se dire « Bon, apprenons quelque chose de vraiment intéressant ! Essayons ! »
L’exemplaire de la revue « Psychologies » qu’il tient à la main semble le plonger dans des abîmes incommensurablement profonds.
Il est vrai que la question « Les sexe est-il si important ? », posée par la revue, semble le désarçonner.
S’il a vécu des aventures, Tintin n’est décidément pas un aventurier…
Il est resté dans l’enfance, dans sa « période de latence ».
De fait, Tintin est un « avanturier »…
11:43 | Commentaires (7)