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lundi, 11 mai 2020

Devoir de Lakevio du Goût N° 38

devoir de Lakevio du Goût_38.jpg

38ème devoir de Lakevio du Goût.
En cherchant chez Harold Harvey une œuvre qui au moins m’inspirerait pour le « devoir de Lakevio du Goût », j’ai vu celle-ci :

Elle a immédiatement attiré mon attention car elle est liée à un souvenir qui aujourd’hui me fait sourire mais qui m’a terriblement mortifié et frustré quand est survenu l’évènement.
Je suppose que vous aussi aurez quelque histoire à raconter à propos d’enfants, de jeu de billes ou simplement de campagne…

Cette toile me rappelle un souvenir qui peut sembler cruel mais ne l’est pas tant que ça.
Vous vous rappelez que j’ai passé enfant quelques années chez des fondus persuadés que la meilleure façon d’amener un gamin à croire en dieu était de le punir chaque fois qu’il posait une question qui amenait une autre réponse que « c’est comme ça que le bon dieu a vu la chose ! »
Quelques éléments toutefois me plaisaient dans ce pensionnat.
À part les récréations où on me fichait désormais la paix, ce que j’aimais c’était la classe.
Surtout parce que c’était l’endroit où je me débrouillais le mieux avec le chant et les parties de « billes au pot » des récréations.
C’est d’ailleurs ces parties de billes qui me firent pour la seconde fois détester ma mère.
Vous ne savez pas jouer « au pot » avec les billes ?
Que je vous explique.
C’est passionnant.
Du moins quand on a l’âge des gamins sur la toile d’Harold Harvey.
Il y avait « les billes », de petites boules de terre cuite peintes de diverses couleurs.
Assez ternes et de peu de valeur mais disponibles en grand nombre.
Puis il y avait « les cales », billes de verre parfaitement sphériques et agrémentées de trainées de verre coloré noyées dans le verre transparent de la bille.
On ne mettait ces « cales » en jeu que quand on avait perdu jusqu’à la dernière bille.
Et enfin, l’apothéose, le graal du joueur de billes,  imaginez une « cale » mais à l’échelle trois ou quatre, « le calot ».
Le jeu consistait à trouver un des endroits de la cour de récréation où un trou de la taille adéquate se prêtait au jeu, se mettre à environ un mètre du trou et chacun des joueurs jetait quelques billes par terre.
Celui dont une des billes était la plus proche du trou commençait, suivi par le suivant dans l’ordre de proximité.
Une fois l’ordre établi, il suffisait au joueur d’envoyer d’une pichenette les billes dans le trou. Tant que la bille que vous aviez envoyée tombait dans le trou, vous jouiez. Si vous ratiez votre coup, le joueur suivant prenait son tour.
Celui qui envoyait la dernière bille dans le trou, dit « le pot » ramassait toutes les billes.
La suite consistait à échanger un certain nombre de billes contre quelques rares « cales » puis quelques cales contre un « calot ».
Surtout ne pas oublier de garder quelques billes de façon à éviter de commencer une partie par le sacrifice de choses aussi précieuses que des cales…
Quel rapport avec ma mère ? Direz-vous.
Eh bien, il se trouve que j’étais assez habile pour remplir mes poches assez vite.
Un manque de chance tout relatif au bout du compte fit que lors d’une récréation je ramassai toutes les billes en jeu, celles de tous les jeux auxquels j’avais participé.
Les deux poches de ma blouse étaient pleines.
Pleines de billes.
Trop pleines de billes.
Arrivé en classe, je fus trahi par la résistance des matériaux.
Vous vous rappelez sans doute que mes blouses n’étaient pas ces blouses grises, solides à souhait.
De la blouse de quincailler.
De la blouse qui pouvait servir de caisses à outils sans cligner d’un revers de poche. De la blouse parfaite en somme, capable de tenir deux kilos de billes par poche.
Et au bas mot s’il vous plaît !.
Mes blouses donc, n’étaient pas grises, rappelez-vous, mais bleues, avec un liseré rouge et un « col Mao ».
Et c’est là que la fâcheuse habitude maternelle de sauter sur le « moins disant » fit des ravages.
À mon amour-propre d’abord, à mes possessions ensuite et enfin à mes récréations.
Comme je vous l’ai dit, je me débrouillais plutôt bien en classe.
À une question du Frère, je levai si vivement le doigt qu’une poche céda d’un coup, envoyant une centaine de billes sur le carrelage de la classe.
Je me levai alors dans un mouvement brusque qui fit céder la seconde poche et envoya une autre centaine de billes par terre.
Le silence de la classe fut brutalement interrompu par la ruée de tous les autres pour ramasser les billes.
Leurs efforts furent vains.
Une fois toutes les billes ramassées, le Frère passa parmi eux et les confisqua toutes.
Oui ! Toutes !
Une fois les billes enfermées dans son bureau, le Frère me fit venir sur l’estrade, me donna une gifle, deux cents lignes et me renvoya, les larmes aux yeux mais pas pleurant, à ma place.
Ce fut la seconde fois que je vouai une haine farouche à ma mère.
Ça passa rapidement car je ne suis pas rancunier mais ce ne fut pas la dernière fois. J’étais assez jeune pour qu’elle dispose encore d’une impressionnante réserve de tours pendables à mon endroit...
Je perdis ce jour-là l’habitude de jouer aux billes.
Voilà ce qu’amène à ma cervelle ce matin le tableau d'Harold Harvey…