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lundi, 05 septembre 2022

Devoir de Lakevio du Goût N°135

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Cette toile de Nicole Bellocq me rappelle quelque chose.
Mais à vous ?
Inspire-t-elle une histoire quelconque ?
Si oui, j’aimerais qu’elle fût close par « Alors, tu as honte de ta vieille mère ? »
J’aimerais vous lire lundi, même si « la rentrée » c’était hier…


Je vous ai déjà parlé de ma mère ?
Il me semble que c’était il y a une dizaine d’années, lectrices chéries, quand vous étiez mes psys aussi chéries que gratos…
Je crois vous avoir dit aussi que c’était quelqu’un d’infernal.
Aussi dispendieuse en taloches qu’en câlins, aussi indiscrète que secrète mais dotée d’un talent de tragédienne qui ne se démentit pas même le jour de sa fin.
Elle eut un jour de serrage de ceinture, l’idée de se lancer dans le commerce.
Elle avait commencé un dimanche soir par « Vous allez voir mes enfants… »
Mon père n’étant pas convié à cette cérémonie du lancement des grands magasins « Mère-du-Goût & Sœurs », il préféra aller ailleurs.
Il connaissait ma mère et savait d’avance qu’il serait invité fermement à porter des paquets concoctés par ma mère, redoutable emballeuse.
Une petite valise de représentant, préparée par elle, vous allongeait un bras de vingt centimètres en moins de deux cents mètres…
Elle commença donc, ce dimanche-là par « « Vous allez voir mes enfants… »
Et continua « Nous allons écumer les marchés des communes de la Seine ! »
Giscard n’avait pas encore créé la Seine-Saint-Denis et plusieurs communes étaient dans la Seine et dans le collimateur de ma mère.
Elle visait des endroits qu’elle connaissait comme Aubervilliers, La Courneuve et Pantin voire Pierrefitte car elle n’allait jamais loin de Paris, des fois que…
Là où nous, ses enfants surtout moi qu’elle appelait, plutôt déclamait, « Mon fils ! Mon sang ! Chair de ma chair ! » avons douté, c’est quand elle a dit « J’ai toujours rêvé de fourrures… »
Hélas, outre une mise de fonds conséquente dont elle n’avait pas le premier sou, elle était frileuse comme une chatte et visait des marchés où seuls les mois de juin  à septembre lui semblaient intéressants.
J’émis, malgré mon jeune âge et surtout le fait que je n’avais rien à cirer des lubies de ma mère, l’objection qui orienta sa trajectoire commerciale vers des terres moins risquées.
- Euh… Maman… 
- Oui mon fils ! Écoutez votre frère ! Il va au lycée…
Je commençais à me sentir gêné.
- Maman…
Elle eut un de ces regards d’adoration qui me mettaient mal à l’aise.
Un de ceux qu’elle me jetait quand j’osais amener un copain à la maison.
Un de ces regards qui annonçait une catastrophe genre « Viens mon fils ! Viens mon sang ! » qui me paralysait mais ne l’empêchait pas de finir par « Et si tu me présentais ton petit camarade, Bichonnet ? » tout en me prenant la main de peur que je perde l’équilibre.
J’insistai donc…
- Maman… Tu crois que des fourrures ça se vend bien au mois de juillet ?
Elle décida sur le champ que j’étais rien moins qu’Einstein et choisit dès lors de vendre du linge de maison sur les marchés.
Ce qui n’alla pas sans tension dans les relations entre ma mère et le Trésor Public.
Ma mère ne voyait pas pourquoi elle céderait une part de son bénéfice alors qu’elle s’était déjà dévouée pour donner quatre enfants à la Patrie, vivants, certes mais tout de même…
Le Trésor public n’était pas du même avis ce qui entraina des échanges de courrier sur papier bleu car la vie n’est pas toujours rose...
En grandissant, j’ai évité d’amener à la maison des copains, surtout des copines, redoutant ses démonstrations théâtrales, son sens aigu de la propriété surtout en ce qui concernait son fils car elle avait décidé une fois pour toutes que je ne pouvais aimer qu'une seule femme.
Elle...
Ses demandes « Au fait cette petite dont tu as parlé à ton père ? Tu me la présentes quand ? » ne furent donc jamais satisfaites.
Au point qu’un jour elle finit par me dire « Alors tu as honte de ta vieille mère ! »