mardi, 16 janvier 2024
Solidarité
Heure-Bleue et moi sommes allés hier déjeuner dans un café qu’on aime bien.
Ils y font des « œufs mayo » que j’aime beaucoup car ils sont comme ceux de ma jeunesse, c’est-à-dire avec une mayonnaise qui n’est pas blanche et fade ni ne sort d’un seau aux normes UE.
Bon, l’œuf en question a un côté œuf de colibri mais on ne peut tout avoir…
Nous sommes revenus à la maison par un froid si froid qu’on aurait dit un froid non seulement glacial mais polaire et j’ai passé une commande à Monop’.
Ce matin, la lumière de mes jours, alors que nous rangions les courses reçues dont un « réassor » de sel et de poivre, m’a demandé si nous stockions comme faisait ma mère en cas de tensions internationales.
Je me suis rappelé la solidarité entre locataires j’en vins à penser à la vie des immeubles où nous habitions quand nous étions petits.
Elle et moi avions des amis chez qui nous allions et des amis que nous ne voyions qu’a l’école ou sur le chemin de la maison.
Très rarement nos parents, jamais en réalité, ne voyaient les parents de ces amis.
Dans mon coin de vers la Porte de Clignancourt de quand j’étais môme, nous manquions de tout sauf de voisins.
Mes parents eux, « copinaient » vaguement avec quelques-uns.
Notre palier, au quatrième et dernier étage, comptait trois portes.
Enfin, quatre avec la porte derrière laquelle nous n’avons jamais su ce qu’il y avait.
Il y avait trois portes de logement, donc.
Immédiatement à droite de la nôtre, il y avait « le père B. », ancien comptable de son état et que sa solitude poussait à boire sa retraite.
Il eut de sévères engueulades avec ma mère car il se saoulait uniquement au vin rouge et ma mère détestait les mauvaises surprises.
Du genre, au départ pour l’école « Beeeuuuaaarrkkk ! Maman ! Le père B. a encore dég… euh… vomi devant chez lui ! »
Le problème était que nos portes étaient contiguës et à angle droit et donc « devant chez lui », c’était exactement pareil que « devant chez nous ».
À part « le père B. » que mon père, voyant sa porte ouverte, découvrit un jour étendu raide mort dans son entrée, nous avions des voisins que mes parents aimaient bien, les S.
Comme rien n’est parfait, ils avaient un fils, Serge, qui ne nous aimait pas trop et à qui on le rendait bien.
Madame S. était une femme très gentille, très brune et très frisée et son mari arrivait souvent le soir chez nous en disant « Gaby, t’aurais pas une cigarette ? J’ai oublié les miennes au boulot. »
Ça durait généralement jusqu’à ce que mon père lui tende une cigarette en disant « Tu m’en passeras une demain ? Tu dois bien en avoir vingt cartouches au boulot maintenant… »
Monsieur S. faisait un peu la gueule et ça lui passait quand madame S. donnait en douce un paquet de cigarettes à ma mère mais le message passait et monsieur S. offrait une cigarette à mon père quelques soirs de suite…
C’était encore une époque où les voisines, majoritairement « sans profession », c’est-à-dire s’échinant à s’occuper des gosses et à en faire des humains civilisés, se rendaient volontiers service.
Que ce soit pour emprunter un œuf, de l’huile ou de la moutarde.
Parfois du lait, su sucre ou de la farine les jours où l’ambiance était aux gâteaux.
En revanche tout le monde craignait la décision stupide du colinot.
Tout le monde, quelle que soit la profondeur de la dèche ou l’ignorance culinaire, savait que colinot était synonyme de mayonnaise.
Et la mayonnaise du 21 du mois allait mettre à contribution la moitié de l’immeuble…
Une chose toutefois ne manquait jamais.
Tout l’immeuble connaissait un dicton dont personne n’avait vérifié le bien-fondé mais que tous respectaient au pied de la lettre : « Plus de sel, plus de sous ! »
Le manque de sous était fréquent et n’attendait pas la fin du mois pour se faire sentir. On est venu emprunter du poivre à ma mère, des câpres à madame M., des œufs à madame S.
Après dix-sept ans de résidence dans cet immeuble, je n’ai pas souvenir de quelqu’un ayant emprunté du sel.
Manque de sous souvent, manque de sel jamais...
Quoique put en penser ma mère, il n’y a jamais eu tant de différence qu’elle croyait entre des immeubles de petites gens des années cinquante ou soixante, qu’ils fussent arabes, italiens ou gaulois…
15:06 | Commentaires (7)
Commentaires
Tu parles de Bab el oued là ! "Que c'est que tout le monde qu'il est pareil" :)
Écrit par : Nina | mardi, 16 janvier 2024
Ah !
Les voisins !
« La solidarité, une valeur essentielle ! »
C'est le slogan de « voisins vigilants » qui organisent des milices dans les quartiers.
Franchement, la vie est de plus en plus belle !
Écrit par : alainx | mercredi, 17 janvier 2024
En fait, ces milices montrent qu'ils sont solidaires juste pour éviter qu'on leur vole leur télé, non ?
Écrit par : le-gout-des-autres | mercredi, 17 janvier 2024
Ma voisine pavillonnaire a 2 caméras extérieures qui ont capté 2 jeunes entrés ...en plein jour. Ils sont arrêtés (ingénus qu'ils sont...).
Écrit par : Nina | mercredi, 17 janvier 2024
Un bon voisinage rend la vie plus agréable. ...
Écrit par : Emiliacelina | mercredi, 17 janvier 2024
ouf quel texte ! et la solidarité n'est plus ce qu'elle était ! Merci pour ces souvenirs !
Écrit par : Lilousoleil | vendredi, 19 janvier 2024
Ah ! les voisins !! Il est vrai que la solidarité entre voisins dans une copropriété est devenue rare mais ...pas pour autant inexistante , je n'ai reçu la preuve il y a peu . Le réassort du sel et du poivre au cas ou quelqu'un viendrait frapper la porte si , par malchance, il venait à manquer est une belle leçon de choses.
Écrit par : Jerry OX | vendredi, 19 janvier 2024
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