Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 17 juillet 2012

« Bis repetita placent », mais pas toujours…

Après cette année sans autre histoire que la gamelle du début et des vacances assez ennuyeuses, j’abordai avec un courage modéré la cinquième, seule classe que j’allais redoubler.
Heureusement, j’étais entré à « la grande école » un an avant la date normale et je n’avais passé qu’une semaine en CP.
Je dus ce redoublement à mon goût pour les sciences, ma curiosité, l’un et l’autre jamais démentis ainsi qu’un goût tenace pour l’expérimentation.
Et ce dans des domaines aussi variés que la physique d’Albert Einstein et le physique de mes petites camarades…
Dès le début de novembre, on commençait déjà à cogiter sérieusement à ce que les parents pourraient bien mettre dans les chaussons devant la cheminée.

J’avais tanné mes parents, jurant mes grands-dieux que je serai premier en tout jusqu’à la retraite et sage comme une image jusqu’à la fin du XXXIème siècle.
Je voulais que le Père Noël, financé par les heures supplémentaires paternelles, veuille bien m’apporter un microscope –sans doute pour mesurer mes progrès en discipline- et surtout, surtout, « Le petit Chimiste » que j’avais repéré à la boutique de jouets « L’Univers des Inventions », boutique pas très éloignée de la station Barbès-Rochechouart où je prenais parfois le métro pour renter à la maison.

Impatient que j’étais, déjà tenaillé par l’ambition d’être un des pionniers d’une conquête de l’espace entamée par une petite chienne russe et surtout, l’envoi de Luna I vers la Lune.
J’avais décidé d’anticiper sur le contenu de la boîte du « Petit Chimiste » en racontant des carabistouilles au pharmacien, qui n’en croyait rien, pour lui acheter quelques produits indispensables à mes entreprises.
La conquête de l’espace nécessite en effet au minimun un véhicule dont j’entamai le prototype à petite échelle.
La fleur de soufre ne posa aucun problème, les chats et les chiens ayant la mauvaise habitude d’uriner au pied des immeubles.
Le permanganate de potassium en paillettes n’appela pas de commentaires non plus, il est toujours bon de se désinfecter.
Je vis un air soupçonneux s’étendre sur le visage du pharmacien alors que je tentai l’achat de quelques dizaines de grammes de chlorate de sodium…
Imaginez un peu si j’avais su à l’époque qu’on peut faire du chlorate de soude par chauffage de l’eau de Javel…
La tentative d’approvisionnement en perchlorate de potassium se solda par un net refroidissement des relations avec le pharmacien.
C’était dommage car l’efficacité du mélange de perchlorate de potassium avec du sucre cristal n’est plus à démontrer…
Je cherchai donc d’autres voies d’approvisionnement.
Les vacances de la Toussaint chez ma grand’mère maternelle m’en ouvrirent une inespérée.
Le village où elle habitait était plein de jardiniers, donc de boutiques à produits de jardinage.
Une recherche dans quelques bouquins aux puces de Saint-Ouen m’avait ouvert des horizons insoupçonnés en matière de motorisation spatiale.
J’y découvris le désherbant magique qui me manquait : Le chlorate de sodium sous son nom de jardinier.
Après quelques essais prometteurs avec un camarade de classe aussi cinglé que moi, je me lançai en solo.
C’est à ce moment là, quelques jours avant Noël que la science compta une victime de plus.
Moi, votre serviteur préféré.
Mon dernier lancement m’amena directement à l’hôpital Bichat pour deux mois et demi.
Autant dire presque tout le deuxième trimestre.
Dans l’affaire, je perdis un œil et un an de scolarité…
Cette année de cinquième fut funeste et aurait réduit à néant une carrière de séducteur irrésistible sans un talent inné pour le baratin.

Bref, la seule chose que je gagnai cette année-là fut quelque argent en engageant le pari que je pouvais tirer à la carabine les deux yeux ouverts sur les stands de tir près du métro Pigalle...

lundi, 16 juillet 2012

Le royaume des cieux ne m’est pas ouvert…

Et c’est aussi bien.
Lakevio, tandis que nous parlions de « notre époque » et de nos souvenirs de pension m’a incité à raconter cet épisode, que je n’ai jamais oublié et qui me pince toujours le coeur.

Pour revenir un instant sur mes années chez les Frères, mes parents auraient dû éviter de m’envoyer dans une école religieuse.
Ils auraient dû se méfier d’un gamin qui, regardant le réveil, demandait non pas « pourquoi les aiguilles tournent ?» mais « comment les aiguilles tournent ?».
Ce qui m'a valu assez tôt quelques explications orageuses, suite à des démontages intempestifs de réveil...

Ce n’est que bien plus tard que j’ai appris que quand quelqu’un demande « comment ça marche » plutôt que « pourquoi ça marche », c’est une âme perdue…
Ce n’est pas que j’étais ce qu’on appelle « un esprit fort », non, c’est que j’étais curieux et peu apte à croire sans demander d’explications un peu plus convaincantes que « c’est comme ça ! ».

Non que je fusse déjà le ricaneur adepte du « croa croa » au passage d’un curé –d’ailleurs ma mère m’aurait collé une taloche si j’avais osé…- ou l’anticlérical suiviste.
Je ne connaissais rien encore de ces querelles qui divisaient les Français depuis près de deux cents ans et n’avais pas d’avis bien tranché…
Du coup, je connus assez jeune cette sensation particulièrement désagréable qu’est le sentiment d’injustice.
Ça commença dès la première leçon « d’Histoire Sainte ».
Je suppose que comme tout bon chrétien vous vous souvenez de ce début de la Genèse qui nous dit « Au commencement était le Chaos » et un peu plus loin,  « Que la lumière soit, et la lumière fut », « Et dieu vit que la lumière était bonne ».
Bref, après avoir séparé la terre de l’eau, le jour de la nuit, on nous dit que « l’Eternel » arrangea son petit métier et que tout désormais irait pour le mieux.
Et que donc, après avoir « Créé le Ciel et la Terre » il alla se reposer.
La cloche retentit. Youpee ! La récré !
Dès que la cloche reretentit, « en rang par deux » devant la porte de la classe « et en silence s’il vous plaît messieurs ! », le cours reprit.
Le Frère, continua un instant à nous raconter la Genèse et nous demanda « vous avez bien compris, mes enfants ? », il reprit un souffle qu’il avait court, « si quelque chose vous a échappé de la Création du Monde, c’est le moment de le dire ».
Je levai timidement le doigt.
« Oui monsieur Le-Goût ? Que n’as-tu pas compris mon fils ?»
«  Mais alors, qui à créé Dieu ? ».
La classe était déjà silencieuse –parler en classe valait une heure à genoux- mais là le silence devint si profond que j’eus l’impression d’être devenu sourd.
Comment avais-je osé ! Il y a des choses qu’on ne remet pas en question.
« Dieu a toujours existé et existera toujours, il a créé l’univers qui nous entoure ! »
Et là, la phrase suivante fit s’envoler mon dimanche à la maison
« Mais alors, dans quoi il est l’univers ? ».

Sans tenir compte de mon ingénuité, bien réelle, le jugement du Frère, quasiment une ordalie, tomba.
C’est là que je fus injustement convié à rester le dimanche à méditer sur le sort funeste qui attend le gamin qui pose des questions taboues.
La seconde injustice dont je fus victime fut du même type et tomba dans le même trimestre.
Apparemment, il est malvenu dans certaines communautés de faire preuve d’un minimum de réflexion et de tirer des enseignements des faits exposés.
Surtout quand ça va à l’encontre de ce qu’on veut faire admettre.
Il était question d’un petit cordonnier, très pauvre, très marié, plein d’enfants –croissez et multipliez vous- et très généreux et d’un notable très méchant, très riche, très cupide, affecté d’une morale élastique et interprétant abusivement les lois qui régissent les relations commerciales dans une société civilisée.
La question à méditer après la lecture était « pourquoi le petit cordonnier restait-il toujours pauvre ?»
L'écoute assidue du Frère m’avait amené à une conclusion incontestable et solidement argumentée.
Il commença à interroger au hasard mes compagnons de géhenne.
Les réponses débiles et gnan-gnan de mes camarades me tirèrent des soupirs aussi silencieux que désolés.
Ils n’avaient rien compris à l’histoire.
 Mon tour arriva assez tard. Le sourire béat affiché par le Frère à l’écoute des réponses aurait dû me mettre la puce à l’oreille.
« Monsieur Le-Goût, si vous nous faisiez part de ce que vous avez tiré comme enseignement de cette histoire ? Pourquoi ce cordonnier reste-t-il désespérément pauvre, malgré tout le travail fait ? »
« Mais parce qu’il était honnête, mon Père ! ».
Et paf ! Le deuxième dimanche du trimestre à s'envola , précédé de deux heures à genoux pour mauvais esprit et de cent lignes sur la charité qui m’apprirent que désormais,  il me faudrait répondre comme attendu et n’en penser pas moins…
Amen…

dimanche, 15 juillet 2012

L’écrit vain…

Mis à part le déménagement de mes petites affaires de mon placard du lycée Michelet et mon arrivée pas trop triomphale dans le lycée qui m’hébergea pendant les années qui suivirent –j’ai évité de faire de trop grosses bêtises entre dix et dix-sept ans-, rien de particulier ne marqua cette première année de lycée.
Ah si ! Contrairement à ce que prétend Heure-Bleue, je ne suis pas devenu frileux en vieillissant, j’ai toujours été frileux.
Ceci pour expliquer que je me suis souvent fait prendre dans les couloirs pendant les récréations.
Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi il était indispensable de mourir de froid dehors pendant les interclasses alors que les couloirs étaient chauffés…
Et aussi, j’allais oublier, une de mes premières rédactions me valut les compliments du prof de lettres « Enfin quelqu’un qui sait ce qu’est la poésie ! Messieurs, prenez-en de la graine auprès de monsieur Le-Goût !».
Oui, en ces temps reculés, les professeurs nous appelaient «Monsieur», et il était fortement recommandé de faire de même, faute de quoi, la visite du jeudi s'imposait...

Le pourquoi ? Je ne me souviens que du premier vers de la poésie que ce prof avait demandée à la classe pour le lundi matin.
« Lorsque le soir descend, en manteau de velours ».
Cette merveille me valut aussi un titre moins rutilant de « fayot » auprès de mes camarades.
Camarades que je dus convaincre à coups de « colles à la maison* » qu’il n’en était rien.

Mon cœur ne fut, cette année-là, pas ou peu sollicité.
L’intégration dans un nouveau milieu, plus bourgeois que le mien, était un boulot à plein temps.
Il me fallut apprendre des tas de choses, notamment qu’on ne vient pas en tennis –rien à voir avec les Nike inabordables d’aujourd’hui- les jours où il y a « gym ».
Aux dires des copains bien disposés à mon égard « faut pas venir en tennis, et encore moins en survêtement les jours de gym ».
Pourquoi ça ? Parce que, dixerunt les mêmes, « ça fait que tu fais pas-aidé ».
C’est le lycée qui a fait mon « éducation bourgeoise »
Il était plein de gamins bons élèves, qui étaient bons en tout et trouvaient le temps d’apprendre le piano, le judo et d’aller au cinéclub du lycée.
Ils m’apprirent comment écouter la musique, lire les livres et regarder les écrans et les tableaux.

La mine, quoi…
Les grandes vacances qui suivirent ne me virent pas en Bourgogne, elles se passèrent chez ma grand’mère paternelle.
Toute la famille de mon père y était, plein de tantes et de cousines.
Mais les cousines, quand elles sont filles de pied-noir, c’est comme les sœurs.
Faut pas regarder et encore moins toucher…
Cette année là, je pris une tarte d’une de mes tantes pour m’être fait serrer en pleine lecture d’un bouquin merdique, genre Delly, c’est tout ce qu’il y avait dans la maison de ma tante R.
Un truc hyper osé puisque la dernière phrase du bouquin, pour autant qu’il m’en souvienne, était quelque chose comme « Sous les frondaisons rougeoyantes d’automne, leurs lèvres se joignirent. »  
D’après la tante baffeuse, le démon de la luxure me guettait.
Si elle avait su à quel point c’est moi qui le guettait, ce démon…

*Les « colles à la maison » étaient des devoirs supplémentaires à faire chez soi accompagnés d’un petit formulaire gracieusement offert par le lycée, rempli par le prof  et rendus au surveillant général, dit « le surgé »,  à la date prévue revêtus de la signature des parents.
Il était vivement conseillé de s’y conformer, faute de quoi la « colle à la maison », péché véniel de l’école publique et n’intervenant dans le classement que pour un commentaire, se transformait en « colle du jeudi », autrement grave, ne serait-ce que parce qu’il fallait se lever tôt... 
 

samedi, 14 juillet 2012

Ce cas m’isole de force

Désolé, Mab, censure il y aura.
Je garderai pour moi les côtés « croustillants» de ma vie de gamin curieux...
(En plus, tu connais Heure-Bleue, non seulement elle n'aime pas prêter ses affaires, mais elle voudrait même qu'elles n'aient jamais servi avant...)

Le premier octobre 1958, je suis entré en sixième au lycée après avoir brillamment réussi l’examen alors indispensable quand on venait d’écoles non seulement pas publiques mais religieuses –ces écoles que la République accusait d’être l’épicentre d’une subversion englobant en une trinité maudite l’Alcool, l’Eglise et la Royauté-.
Afin que je conserve l’habitude de la lutte pour la survie, mes parents avaient décidé que je serai interne au lycée Michelet.
Ce fut l’occasion de découvrir que les tourments du cœur ne se produisent pas que pendant les « grandes vacances » mais poussaient aussi à rêvasser pendant les cours de latin.
On accueillait dans ce lycée des internes, dont j’étais, uniquement des garçons, et des externes, avec une mixité du type pâté d’alouette, un cheval pour une alouette.
Et justement, parmi les rares alouettes, il y avait une blonde frisée, Catherine –c’est tout ce que je saurai jamais d’elle-.
Cette pauvre enfant traînait seule dans le parc, évitant une cour de récréation qui était plus un terrain de chasse dont elle était le gibier qu’un lieu de détente.
Vous avez dû entendre parler de mon goût pour le sport, goût si mince qu’aujourd’hui encore, mon modèle en la matière reste W.Churchill et son « never sport ».
Pour éviter tout risque de croisement entre un ballon de foot et une figure pas encore abimée, je traînais alors dans le parc.
C’est là que je l’aperçus. Notre timidité nous poussa malheureusement à nous éviter pendant plusieurs semaines. Puis, comme à chaque fois, elle engagea la première la conversation.
Contrairement à certains camarades de classe, je n'étais pas un violent, sauf cas de force majeure et j’évitai donc de me faire mousser en tentant de me faire passer pour John Wayne dans Rio Bravo.
Bien m’en prit, elle m’expliqua que justement, elle prisait assez peu l’approche « cow-boy » et pour tout dire cavalière qui semblait la norme dans la cour.
Nous étions déjà des lecteurs et, comme des millions de lycéens nous avions aimé « Notre prison est un royaume » de celui que nous appellerions plus tard « ce vieux con de Cesbron ».
Ce fut un best-seller chez les lycéens de l'époque car il est évident que nous étions tous à plaindre, prisonniers quasiment torturés d’une institution sadique et prête à tout pour nous faire entrer dans le crâne les subtilités de l’imparfait du subjonctif du verbe « coudre » et la magie de la relation de Chasles –qui n’est pas qu’une petite rue derrière la gare de Lyon-…
Je me sentais pourtant bien dans ce lycée, hélas, un autre m’y sentait moins bien et je n’y resterai qu’un trimestre. Le premier.
Mon côté scientifique précoce et mes dons de stratège coupèrent court à l’avènement d’une aventure qui promettait d’être riche d’enseignements sur la diversité biologique de la gent féminine.
Deux évènements conduisirent à ce que mes parents appelèrent « la pente glissante qui conduit à la maison de redressement ».
Le premier fut l’application désordonnée d’une tentative de conquête de l’espace grâce à une fusée dont le carburant était constitué du contenu de deux pétards dans un tube d’aspirine vide qui devait décoller, non dans le parc comme l’intelligence le commandait, mais dans le vestiaire du dortoir.
Je me retrouvai donc un jeudi à recopier cinq fois le « Règlement intérieur de l’Etablissement ».
Une punition particulièrement vicieuse, vous n’avez aucune idée du nombre pages qu’il faut tartiner pour recopier la page et demie que couvrait ce foutu règlement sur le carnet de correspondance…
Je me tins tranquille au moins une semaine après cette colle et l’engueulade du censeur.
Oui, dans les lycées de la République, il y avait des censeurs.
Et le censeur est une engeance particulièrement redoutable qui se mêle de tout.  
Un affreux jojo allait causer mon exclusion, ce qui n’était pas grave, mais briser dans l’œuf ce qui promettait d’être la plus grande histoire d’amour de l’humanité, entre « Roméo et Juliette », où il ne se passe rien sauf qu'ils meurent et « Tant qu'il y aura des hommes » où il se passe des choses, mais qu'on ne voit pas...
L’affreux jojo en question était un élève pas plus bête qu’un autre –le tri à l’entrée du lycée était sévère- mais il était proprement gigantesque.
Et avait une forte tendance à profiter de sa supériorité musculaire pour emmerder brutalement ses petits camarades, dont moi.
L’agencement des dortoirs de l’époque se prêtait admirablement à l’idiotie qui germa dans ma tête après le coup de poing de trop.
Les dortoirs comprenaient deux rangées de lits fixés au sol. Un plancher merveilleusement ciré.
A la droite de chaque lit, une descente de lit évitait de salir les draps et surtout, à considérer certains pieds, le plancher.
La dernière brimade du géant me fit ourdir le complot qui se solda par le changement prématuré de lycée de votre serviteur.

J’eus l’idée brillante de lancer un jeu dont je savais que le monstre ne résisterait pas à l'occasion de montrer sa force et dont il serait obligatoirement le gagnant.
Il s’agissait de s’asseoir sur une descente de lit, de s’accrocher aux montants des lits de chaque côté de l’allée centrale. Vous tiriez brutalement et deviez parcourir la plus grande distance possible sur la piste formée par le plancher ciré.
J’étais sûr qu’ « il » gagnerait.
Ça ne rata pas, grand et fort comme il l’était, il parcourut tout le dortoir sur la descente de lit.
Je n’eus qu’à ouvrir la porte du dortoir pour le voir dévaler les escaliers.
Las, il se mit à hurler, des « pions » se précipitèrent, le ramassèrent, il hurla de plus belle et finit sur une civière, un bras cassé pour de bon.
Je finis l’année scolaire dans un autre lycée face au square d’Anvers, près de Pigalle.
Et surtout près du lycée Jules Ferry, place Clichy.
Un lycée de filles…
Je sais, je ne pensais qu’à ça.
Mais vous ? Hmmm ?

vendredi, 13 juillet 2012

Début d’une idée…

Les vacances de 1957 ont passé…
Profitant honteusement d’heureuses dispositions pour le travail scolaire je pus mettre toute mon énergie à attendre les vacances de 1958 en m’en tirant pas mal du tout en classe.

 

Cette fois-ci j’étais « grand » !
Fort de mes neuf ans, on allait voir ce qu’on allait voir et Brigitte P. allait devoir compter avec moi et plaquer cette andouille de Jean-Pierre, un fils de flic, je vous demande un peu.
Jacques S., dont ma tante avait malencontreusement jeté le nom à la face du monde était encore plus occupé par la grande sœur d’Arlette –qui maintenant roulait des hanches, la grande soeur, pas Arlette- et par le Tour de France, remporté à son grand dam par Charly Gaul cette année là mais laissant tout de même Darrigade en très bonne place.
Brigitte P. continuait à marcher à côté de ce rat de Jean-Pierre en levant le menton. Elle commençait à m’agacer tandis que mon « pauv’tit cœur », dixit ma tante,  se cicatrisait.
Nous traînions encore sur les chemins alentour où il passait une voiture de temps en temps et deux ou trois troupeaux de quelques vaches deux fois par jour.
Le plus grand danger que nous courions était de tomber, soit dans une bouse, soit amoureux…
Dans notre petite bande, hormis ma sœur et deux autres garçons sans importance puisque j’étais le plus beau –Brigitte P. était la seule à ne pas s’en apercevoir-, il y avait une autre fille, Danielle, assez mignonne mais que voulez-vous, elle ne m’intéressait pas.
C’était pourtant une jolie petite fille aux cheveux courts couleur de châtaigne et aux yeux clairs, en short et en chemise tout l’été.
Tout ce que j’en savais, c’est qu’elle était fille unique.

Je marchais le dernier en traînant les pieds, en donnant des coups de pieds dans les cailloux.
Je traînais, avec eux mais sans entrain, un coeur au moins deux fois trop gros pour moi.
Pour tout dire, je faisais la gueule…

Les jours passaient, le Tour de France aussi passa dans notre village et, toujours traînant je fus content de voir que nous étions deux à traîner à l’arrière de la bande.
Je rejoignais la bande ? Danielle la rejoignait.
Je traînais ? Danielle restait à ma hauteur.
Nous ne parlions pas.
Un après-midi, elle me prit la main pour rattraper le reste de la petite bande.
Ça m’a fait drôle et je l’ai suivie tandis que Brigitte P. m’intéressait du coup beaucoup moins…
Arlette me griffa, se battit avec Danielle, elles se jetèrent des noms d’oiseau à la figure et jurèrent de ne plus jamais se parler.
Pendant ce temps je regardais mes sandales et me faisait oublier…
On dit que les filles sont un gibier pour les garçons ?
Je sais depuis ce moment là que nous, les garçons, sommes les vraies proies !
Arlette se consola rapidement –elle aimait beaucoup avoir un « bon-ami », n’importe quel garçon qu’elle côtoyait assez longtemps avait ses chances- et redevint copine avec tous.
Danielle et moi, en revanche, renvoyions Tristan et Yseult au rayon des romans-photos, nombreux à l'époque.
Je la raccompagnais chez elle dans l’après-midi.
Elle me raccompagnait jusqu’au café de ma tante, et je la raccompagnais de nouveau.
Je me demande combien de kilomètres nous pouvions parcourir entre le goûter et le dîner, à nous raccompagner ainsi.
Un jour nuageux, Danielle et moi nous promenions le long du canal –le café de ma tante était près du « pont du canal »-. L’administration avait procédé au nettoyage saisonnier des berges, les débarrassant des roseaux envahissants qui rétrécissaient le passage des péniches.
Il y avait ainsi des amoncellements de roseaux posés au bord du talus du chemin de halage.
A y réfléchir, je me demande si les aires disposées ainsi à l’abri des regards, entre le talus et les tas de roseaux n’étaient pas une invention destinée à favoriser l’esprit de découverte des enfants…

Ce jour nuageux, nous nous arrêtâmes dans un de ces havres de paix et nous y assîmes.
Sans un mot.
J’avais le gargoziau un peu noué, allez savoir pourquoi.
Elle se taisait aussi.
Je ne savais quoi faire.
Et c’est là qu’on voit bien que les filles sont vraiment courageuses et savent beaucoup mieux que les garçons ce qu’elles veulent.
Elle se tourna vers moi, me regarda bizarrement et demanda gentiment « dis, tu me montres ton…ton zizi ? ».
Je marchandai « Oui mais si tu me montres le tien ! »
Je montrai donc la chose tandis qu’elle ouvrait son short.
Contrairement à moi qui avais trois sœurs dont deux dans mes âges, elle n’avait jamais vu « comment c’était fait en face ».
Et comme elle n’avait jamais vu elle toucha.
Sauf ma mère et moi, personne n’avait jamais touché mon zizi.
Je n’étais pas assez « grand » pour que le trouble qui s’empara de moi se manifestât de façon mécanique mais il était bien  là…
J’osai à mon tour, je n’avais jamais vu précisément, et encore moins touché, les sœurs c’est pas des vraies filles et en plus on n’a pas le droit.
Mais là, je commençai à avoir une idée du « comment c’était fait en face » mais pas encore vraiment du pourquoi.
Il me faudrait encore attendre quelques vacances pour apprendre quoi faire de cette différence et comment…
Si tant est qu’on sache jamais vraiment comment…


Et puis j'arrête avant qu'Heure-Bleue me saute à la gorge dans une crise de jalousie irrépressible.
Vous savez maintenant comment sont les filles...