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samedi, 14 juin 2014

L'occis gêne...

Je viens de lire la note d’Heure-Bleue ce matin.
Je vous entends d’ici, lectrices chéries, vous écrier « Normal ! C’est même un minimum ! Non mais ! »
Je lis donc, ce matin comme tous les matins, la note d’Heure-Bleue.
Et, comme chaque jour, je suis confondu par tant de touchante naïveté.
Que je vous dise, lectrices chéries, il y a toujours eu cette chose bizarre dans notre vie commune.
Heure-Bleue a depuis longtemps professé une confiance limitée dans le genre humain.
J’ai toujours eu, quant à moi, un a priori favorable qui m’a poussé à faire confiance à mon prochain.
Vous savez bien, cette éducation qui fait que « tu ne mentiras pas, tu ne voleras pas (sauf un billet de 50 Francs que tu rendras, affolé par la somme), etc. »
Un des résultats de notre association est que nous nous sommes fait avoir assez régulièrement l’un et l’autre.
Un autre, imprévisible, est qu’elle reste incommensurablement surprise par la rouerie et l’incompétence tandis que si je le suis par la méchanceté, la cruauté et la bêtise, je ne le suis que rarement par la perfidie ou l’incompétence.
Si vous lisez sa note d’aujourd’hui, vous y discernerez la surprise navrante de celui qui se demande comment une minorité, plutôt grassouillette et peu sportive de surcroît, réussit à s’assurer un ascendant impeccable sur une foule qu’elle maltraite continûment. « Mais comment peut-on se laisser faire comme ça sans rien dire ! » me crie-t-elle.
C’est généralement à ce moment là que ça dérape car je ne peux m’empêcher de dire « Ben regarde comment tu me traites, moi… »
Je crois que la réaction d’Heure-Bleue vient de ce qu’elle a lu.
Plutôt de ce qu’elle a lu mais a hélas oublié.
Elle a lu énormément. Vraiment. Mais un bouquin a échappé à sa boulimie.
Un bouquin écrit par un jeune homme il y a près de cinq cents ans.
Bon, je l’ai lu il y a longtemps mais il m’avait frappé. Par son contenu, certes, mais aussi parce que je m’étais senti envieux d’un type qui avait à peine un an de plus que moi et était doté d’un esprit si pénétrant. Limite vexé qu’on eut pu écrire avec tant de clarté ce que je pensais de façon si brouillonne.
J’avais un peu plus de dix-huit ans. Je venais de lire « Le discours de la servitude volontaire »
Et ça m’est resté. Son contenu répond parfaitement à la question d’Heure-Bleue aujourd’hui.
Une heure-Bleue qui a avoué quand je le lui ai dit qu’elle l’avait oublié, ce La Boétie…

vendredi, 13 juin 2014

Le meilleur des mondes...

Une des revues d’informatique à laquelle je suis abonné m’annonce ce matin que l’indiscrétion et l’avidité des géants du Web n’avait pas diminué dans la semaine.
Après la pomme entamée, qui avait lancé il y a peu une « application santé », l’autre géant de l’indiscrétion lance un service « cloud » -le truc qui laisse dans le brouillard- chargé de centraliser toutes les données relatives à votre santé.
Évidemment, il vous explique, avec tout le sérieux du renard qui mate un poulet, que c’est pour notre bien, que comme ça on ne perdra rien.
Pour être sûr que rien ne lui échappera, il va se mettre en rapport avec des fabricants de bracelets « fitness oriented », bien entendu « connectés » de manière à pouvoir stocker dans ses bases de données tout ce qu’auront mesuré ces bracelets.
Sachant  que tous les petits matériels développés pour les hôpitaux comme les pompes à insuline ou destinées à des chimiothérapies, tous ces petits ustensiles destinés à mesurer nos constantes biologiques, sont consultables via le Web, j’imagine assez bien tout l’intérêt que peuvent susciter ces données pour un moteur de recherche.
Nul doute que le but n’est pas de remplir ses disques durs du diabète des uns, du cancer des autres, de l’hypertension des uns ou du cholestérol des autres.
Ces géants du Web gagnent leur croûte en vendant les données récupérées sur les internautes.
Il y a gros à parier que les compagnies d’assurance vont d’ici peu passer de l’état déjà enviable d’opulentes à celui de richissimes.
Assurer quelqu’un dont on sera quasiment certain que tout montre qu’il est en bonne santé est un rêve d’assureur.
Les assureurs l’ont  rêvé. Les moteurs de recherche l’ont fait.
Il y a peu, j’avais entendu qu’un médecin hospitalier s’était fait taper sur les doigts parce qu’il avait dénoncé une pratique douteuse.
Les hôpitaux sont censés faire un traitement statistique de l’efficacité des traitements pour faire faire des économies à la Sécu.
Pour ce faire, on trie par pathologie et par traitement les dossiers des patients, les informations sont compilées, « anonymisées » et soumises à un traitement statistique.
Le manque de personnel et de temps a fait qu’on a confié à des sociétés privées les dossiers des patients et leur traitement.
Ce médecin a eu le tort de faire remarquer que le risque était grand de voir tomber des informations médicales nominatives dans les mains de gens qui en tireraient le plus grand profit.
D’ici peu, ce sera parfait. Nos dossiers seront directement communiqués aux assureurs via le Web…
Tous ceux qui ont des « tikounim » se verront proposer de telles primes qu’ils ne seront jamais assurés.  Les autres paieront pour rien pendant des décennies.
Le meilleur des mondes…

jeudi, 12 juin 2014

Famille, je vous ai…

Une lectrice chérie m’a laissé hier un commentaire qui me laisse rêveur.
Il me donne l’impression qu’elle vivait dans un monde d’indépendance et de liberté d’aller et venir.
Alors que, pour le peu que j’en sais, elle vivait, comme moi et beaucoup d’enfants de notre génération, dans un monde ou la liberté se réduisait à une inscription au fronton des écoles où nous allions chaque matin.
Nous avions alors la fraternité à la maison et l’égalité nulle part…
Bon, d’accord, elle est plus jeune que moi mais, à part son mari, personne ne peut penser qu’elle a quatorze ans non plus, alors hein…
Voici donc ce qu’elle m’écrit avec la candeur qui sied si bien aux jeunes filles :

« mais pourquoi ne pas les avoir remis dans le porte-monnaie ? Pourquoi la boite aux lettres ? »

Voyons Lili ! Mais c’est la panique, Lili ! La panique !
En ce jour maudit, j'avais onze ans et deux mois. A quelques jours près, je sais seulement que c’était un lundi, dernier jour d’ouverture des Puces de Saint-Ouen, d’où la géante bévue de votre serviteur.
C’était un de ces débuts de mars dont rêve chaque gamin un peu frileux – vous aurez j’en suis sûr, lectrices chéries, reconnu votre Goût adoré- un début de journée merveilleux, avec un ciel sans même la tache d’un petit nuage blanc. Vous savez bien, ces petits morceaux de coton si blancs et légers qu’on ne peut décemment appeler ça des « cirrus ».
La température, douce quand je suis arrivé au niveau de la rue après la descente en hâte de quatre étages, a perdu au moins cent degrés quand j’ai ouvert la main.
Une panique terrible m’a saisi quand j’ai vu la coupure de cinquante francs dépliée.
Remonter quatre étages en courant n’était rien.
Remettre le billet dans le porte monnaie après avoir ouvert la porte sans faire de bruit ? Pfff… Même pas un exploit !
Seulement voilà, je n’avais pas les clefs. Seuls ma mère et mon père avaient les clefs.
Ma mère était censée être toujours à la maison et mon père au travail, ergo pas besoin de clefs pour les enfants…
Il ne me restait qu’à frapper à la porte. N’allez pas imaginer qu’il y avait une seule sonnette dans cet immeuble.
J’ai eu alors cette peur terrible, celle qui vous liquéfie le ventre et fait trembler les genoux.
Un peu comme ça arrive plus tard, quand on tombe irrésistiblement amoureux, vous voyez ?
Sauf que cette fois-ci, il était quand même question, après avoir remonté quatre étages en courant, de réveiller ma mère en sursaut, de trouver une excuse vaseuse qu’elle aurait aussitôt détectée. En plus, je la connaissais, elle ne m’aurait pas quitté des yeux, couvé de son regard inquiet. Regard qui se serait illico transformé en lance-flamme à la vue du billet caché dans ma main. Oui, elle avait l’œil pour ce genre de chose, ma mère.
Non seulement j’aurais entamé la journée avec une superbe raclée mais j’aurais eu droit à une mercuriale d’enfer, de laquelle serait ressorti que ce billet était destiné à nourrir toute la famille jusqu’à ma majorité.
En prime, elle m’aurait envoyé au lycée avec une dernière taloche, je serais arrivé en retard sans excuse, ce qui m’aurait donné droit à un séjour gratuit le jeudi suivant…
Et voilà pourquoi, en allant chercher la plus petite à l’école, ma mère eut d’abord la joie de trouver un Molière dans sa boîte aux lettres, puis la rage de s’apercevoir que le sien avait disparu de son porte-monnaie.
D’où les trois évènements du billet précédent.
Capisci Lili ?

Oh ! Je sais bien, lectrices chéries ! J’aurais pu me contenter du suffisant « Voyons Lili ! Mais c’est la panique, Lili ! La panique ! » au lieu de délayer sur plus d’un écran mais que voulez vous, je suis bavard.
Et puis j'aime tant quand une lectrice chérie me souffle le sujet de la note du jour.
Ça me repose…

mercredi, 11 juin 2014

Le grand ôteur...

Vous voyez le rapport entre Victor Hugo et Molière ?
Eh bien, je sais depuis ma deuxième cinquième qu’il y a un rapport 10 entre les deux.
1 Molière = 10 Victor Hugo…
Je vous avais parlé de mes démêlés avec les fous chargés de mon éducation.
Je vous avais aussi entretenu des injustices qui m’avaient blessé.
Je n’avais et n’ai toujours pas perdu malgré tout la néfaste habitude de faire confiance.
Quelques années après ma sortie de Frères & Co, mon monde faillit s’effondrer.
Suite à un accroc sévère à la morale enseignée, mes parents avaient résolu en trois étapes le problème.
Mon père m’engueula sévèrement. Mais c’est seulement parce qu’il n’avait pas le droit de nous taper dessus.
Ma mère me talocha durement. C’est tout bêtement parce qu’il avait été décidé en haut lieu qu’elle serait la seule à pouvoir se livrer à des voies de fait sur les quatre enfants de la famille.
La troisième étape fut la plus sympa : Il fut décidé que j’aurai droit à de l’argent de poche.
Et ne me dites pas que onze ans passés, c’est trop tôt pour donner des sous.
La décision fut prise par mon père. Ma mère n’osa pas s’y opposer mais n’en pensait pas moins. De ce jour, elle considéra que le maigre pécule que m’avait alloué un père optimiste valait bien qu’elle meublât de ce jour un porte-monnaie déjà hermétique de toute une ménagerie de scorpions, de hérissons voire d’oursins.
Je ne suis pas très fier –en réalité pas fier du tout- de la genèse de cette affaire…
C’est cette aventure qui amènera plus tard la déconvenue la plus affreuse de ma vie d’enfant.
Déconvenue que je vous raconterai une prochaine fois.
Pour en revenir aux causes de la relative générosité de ma mère, il vous faut savoir, lectrices chéries,  qu’en 1960, même si elles excitaient déjà ma curiosité, je n’étais pas intéressé que par les filles.
La perte de l’œil droit m’avait fait abandonner provisoirement la chimie pour l’électricité et ses multiples expériences.
Après avoir « fait sauter les plombs » moult fois, j’appris qu’on pouvait faire des choses super intéressantes avec le 110 V de l’époque.
Heureusement que le secteur était à 110 volts pour quelques années encore sinon vous vous passeriez de mes palpitants récits car je serais probablement resté collé à un de mes bidouillages s’il avait atteint les 230 volts actuels…
Toujours est-il que je fus intéressé au printemps de cette année-là par l’achat d’un moteur électrique vu sur un stand du Marché aux Puces de Saint Ouen que j’honorais de ma fréquentation dès que j’avais un franc en poche.
Le « vieux », un type tout maigre qui devait avoir quarante ans à tout casser mais avait des poils blancs dans une barbe mal rasée et sur les tempes, tenait ce stand bordélique rue Jules Vallès. Il m’avait à la bonne, probablement parce que j’étais poli, et acceptait de me voir fouiner dans le bric-à-brac le plus monumental que j’aie jamais vu.
A part la chambre de l’Ours en 1982 évidemment…
J’avais repéré ce moteur, une merveille laquée noir, avec ses deux fils torsadés, son axe poli. Il me semblait assez gros pour bricoler et assez petit pour que je puisse l’emporter pour le montrer. J’avais déjà en tête les machines délirantes que je pourrais réaliser si je l’avais.
Et puis, ô merveille, il n’avait même pas l’air vieux !
Bref, je le voulais.
Je suis allé voir le vieux.
- C’est combien, s’il vous plaît monsieur ?
- Dix balles mon gars !
- C’est cher…
- Cinq balles et tu l’emportes…
- Je les ai pas…
- Eh môme ! Faut quand même que j’aie un peu « d’affure » !
- Bon, je reviens demain alors. Au revoir monsieur.
Oui, le monsieur causait un peu voyou…
C’est le lendemain, avant le départ pour le lycée que se noua le drame.
Je me suis levé, vaguement lavé, genre « toilette de chat » ai pris mon petit déjeuner avec ma grande sœur, ai attendu qu’elle parte, ai regardé partout dans la cuisine et ai vu ce qui allait sceller mon destin : Le porte-monnaie maternel !
J’éteignis la lumière, ouvris le porte-monnaie, vit un billet plié, dans les tons verts , le pris et partis, mon cartable dans une main, le billet dans l’autre, le cœur battant et les genoux pas très stables.
Arrivé au rez-de-chaussée, sur le seuil de l’immeuble j’ai ouvert la main et ce fut l’horreur.
Au lieu du « Victor Hugo » supputé, j’avais dans la main un « Molière ».
Au lieu des cinq francs espérés j’avais une fortune de cinquante francs dans la main. Un coup à se faire assassiner !
J’ai jeté le billet dans notre boîte aux lettres et me suis enfui au lycée.
Ce fut une des plus mauvaises journée que j’y passai.
Et, mon dieu, que j’ai pu traîner avant de rentrer à la maison…

mardi, 10 juin 2014

Œdipe roi.

Ckan m’a posé hier une question.
Non, pas « Ckan qu’on va où ? » mais une question à tiroirs, multiple, délicate et à laquelle il n’est pas si facile de répondre.
Sauf à reprendre auprès de vous, psys chéries, cette analyse palpitante et d’autant plus efficace que vous êtes mes lectrices chéries.
Et gratos…
Psys chéries malheureusement pas assez indulgentes, mais bon…
Ckan, assez abruptement je dois dire, a commencé par m’apostropher « C'est œdipe à l'envers chez toi ! »
Comment répondre à ça ?
Je ne suis pas sûr que Jocaste ait vraiment demandé à épouser Œdipe, d’ailleurs Sophocle est réservé sur ce point tandis que moi, ayant des accointances avec le Sphinx, je sais bien que pas du tout, que c’était un marchandage qu’Œdipe à remporté haut la main.
Ckan, dans son élan curieux, a demandé « Ta mère tu l'aimais ou pas ? »
Que répondre à ça ?
D’abord en lui disant qu’évidemment j’aimais ma mère.
Non que j’aie cessé de l’aimer mais elle est morte.
Cela dit, dans ces affaires il traîne toujours le bémol quivient fausser l’accord…
Et elle était très forte en création de bémols, ma mère…
Oh, bien sûr que j’aimais ma mère.
Mais je l’aurais aimée tellement plus si elle n’avait été si indiscrète, jalouse, et envahissante.
Cela dit, elle était assez paradoxale. Oui, elle était envahissante mais nous laissait seuls pour plusieurs jours sans beaucoup d’états d’âme.
Quand nous étions petits, mes plus jeunes sœurs et moi, elle avait le câlin enveloppant et la taloche facile.
Mais… Car il y a un « mais », si elle était capable du meilleur –le « pain perdu » par exemple- elle était capable du pire.
Lire nos lettres ou fouiller dans nos affaires, par exemple.
Elle était notoirement d’une indiscrétion scandaleuse. C’est sans doute la raison de l’absence de journaux intimes chez ses quatre enfants.
Le côté journal eût été respecté. Son côté intime eût en revanche été piétiné sans scrupule.
Ma mère avait comme ça quelques craintes qui nous ont, à mes sœurs et moi, pourri la vie dès que nous nous sommes rendu compte que si nous étions également humains nous n’étions pas identiques. Rien qu’à l’idée qu’elles pussent voir l’affiche de « Autant en emporte le vent » elle les voyait déjà enceintes.
Quant à moi, l’idée qu’elle pût être la seconde dans l’ordre de mes affections la chagrinait au plus haut point. Ne parlons pas même de l’idée qu’un zizi pût servir à autre chose que faire pipi.
L'envie de nous maintenir à l'abri des dangers la motivait probablement, du moins je l'espère, mais c'était difficile à vivre. Surtout quand nous avons grandi...
Le fait est qu’à maintes reprises, je l’aurais volontiers jetée par terre et piétinée.
J’ai comme ça souvenir d’une injustice criante que j’ai depuis considérée avec l’indulgence du type qui n’y peut rien changer et me suis rendu compte qu’elle ne pouvait probablement pas faire autre chose que ce qu’elle fit.
Ça m’est resté longtemps en travers de la gorge.
Je vous raconterai cette histoire la prochaine fois, lectrices chéries.