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jeudi, 19 juin 2014

Casse toi, diva !

Merveille, que je suis allé voir hier, m’a évidemment traîné dans son « studio », la mezzanine qu’elle occupe indûment quand ses parents ne sont pas là.
Elle a commencé par me montrer une nouvelle technique de cabriole qui montre à l’évidence que, comme mamie, elle est dotée de la souplesse d’un verre de lampe.
Elle a commencé, après ces échecs flagrants, à tourner son doigt dans une mèche de ses cheveux.
Puis m’a dit « Papy, je vais te montrer quelque chose. »
J’ai été un peu surpris quand elle a retiré ses ballerines mais il ne s’agissait que de reposer ses pieds.
C’est là que j’ai vu qu’une petite fille de sept ans qui ne chante pas très juste pouvait donner des leçons de séduction à Maria Callas
Elle a commencé à sortir un petit livre cartonné, qui était en fait un cahier.
Il était maladroitement caché sous un livre plus large, du coup en équilibre instable, qui donnait immédiatement envie de regarder dessous pour retirer un support inefficace…
Elle prit donc ce petit opuscule, l’ouvrit à le première page et me le tendit.
Je pus admirer un petit cadre peint en vert à l’aquarelle.
En haut était écrit en majuscule « Ewan »
En bas, en minuscules tremblotantes, on pouvait lire « je t’aime ».
La calligraphie n’en était pas extraordinaire mais Merveille me regardait avec tant d’interrogation inquiète dans le regard que j’ai juste dit « Tu écris bien, Merveille… »
Elle a souri et dit « Tu sais papy… »
- Oui, Merveille ?
- Avec les copines…
- Mmmmh… Oui ?
- Des fois ça se passe moins bien…
- Ah ?
- Oui, Ewan m’embête, alors Loane n’est pas contente, c’est ma copine.
- Et ? Tu n’es pas obligée de te laisser faire, tu sais…
- Oh ! Je ne dis rien parce que je suis un peu amoureuse d’Ewan mais quand même…
- Oui ?
- Eh bien… Loane… Mais bon, c’est ma copine, alors…
Je n’en saurai pas plus aujourd’hui mais je pressens « un problème » genre cœur plus grand que la cervelle…

mercredi, 18 juin 2014

Histoire de lard.

Il y a un instant, j’écoutais la radio.
Assez rapidement, je me suis demandé si je ne me contentais pas de l’entendre car je ne comprenais rien à ce qui se disait. De temps à autre, un mot écorché ou un pataquès me trouait l'oreille et me donnait l'impression d'avoir une otite.
J’ai donc tendu l’oreille, suis devenu plus attentif et ai écouté plusieurs minutes le journaliste et ses deux interlocuteurs successifs.
C’est avec une stupeur grandissante que j’ai constaté que je ne comprenais absolument rien à ce que racontaient ces personnages.
J’ai craint un instant avoir été victime d’un accident vasculaire cérébral silencieux, le truc vicelard qui vous légumise vite fait.
Et puis non. Après avoir battu le rappel de mes connaissances en matière de langue de bois, je me suis rendu à l’évidence. Comme tout ce qui est en bois, la langue de bois travaille.
Le problème majeur est que, comme la jacinthe d’eau ou Caulerpa taxifolia, c'est une espèce invasive.
Très invasive... 
Avant-hier déjà, j’avais été agacé par un Secrétaire d’État  se gargarisant de son « Nous n’avons pas été suffisamment en situation de clarté quant à l’exposition de la réforme que tous les Français appellent de leurs vœux ».
Vous croyez que ce type, qui est pourtant allé à l’école plus longtemps que la moyenne des Français aurait pensé ? Même un peu ?
Un truc du genre « Bon, je vais causer en français normal, celui de l'Académie, un maximum d’auditeurs étant effrayé par les mots de plus de trois syllabes et les phrases de plus de six mots » ?
Eh ben non !
Et aujourd’hui, après une de ses phrases dont ils ont le secret, alors qu’un des locuteurs se lance dans un laïus interminable duquel il ressort principalement que trois mots sur quatre sont totalement inutiles, Heure-Bleue et moi nous regardons, stupéfaits.
« Mais où veut-il en venir ? Mais qu’est-ce que c’est que ce charabia ? » disons nous avec cet ensemble acquis au cours de décennies de vie commune.
Heure-Bleue m’achève en m’informant « Tu sais que cette émission recueille plein d’auditeurs ? Faut croire que ça plaît… »
Il semble donc que la principale satisfaction qu’on tire d’être devant un micro soit de faire la phrase la plus longue possible pour exprimer l’idée la plus simple possible.
Pourquoi dire que « la vie à la campagne permet d’être plus proche les uns des autres et de cultiver des produits moins trafiqués » alors qu’il est si facile de dire «  Se décider à mener une autre forme d’existence dans les territoires de la ruralité ouvre la voie à la création d’autre formes de coexistence et de créer du lien tout en préservant une certaine forme de diversité nutritionnelle exempte de toxines liées à un mode de production agricole nécessité par la densification de la vie citadine. »
Et c’est comme ça tous les jours !
Non seulement ce langage prête à rire de tant de prétention mais il n’arrive même pas à masquer la vacuité du discours.

mardi, 17 juin 2014

Quand elle me prend dans ses bras, je vois la vie en rosse.

C’est quelque deux années et demi plus tard, passionné par l’électronique audio, que me vint l’idée de réaliser la première des nombreuses copies d’amplificateurs à tubes que je réaliserai jusqu’à ce que, connaissant mon métier, je me misse en tête de les étudier moi-même.
En 1962 je mis pour la première fois de ma vie les pieds à l’hôtel d’Orsay.
Oui, là où aujourd’hui se tient le Musée d’Orsay.
Un copain de lycée dont le père était –et est toujours- compositeur m’avait donné une carte d’invitation. J’y suis allé un jeudi de mars. Je fus ébloui par tant de beauté, tant sonore qu’esthétique. Y étaient exposés et mis en démonstration des appareils extraordinaires. L’année suivante j’y verrai cette merveille dont je vous ai mis une photo récemment.
Mais ce n’est pas de cette mirifique visite que je voulais vous parler, lectrices chéries, non. Mais c’est là que m’est venue l’idée de faire une copie d’amplificateur à tubes stéréophonique. C’est aussi vers ce moment que je connus une boutique où plus tard j’établirais mes quartiers d’été pour monter des kits que les amateurs craignaient de monter ou ne sachant pas tenir un fer à souder.
Au printemps 1963, je lus « La Revue du Son » à la boutique et j’y repérai le schéma de l’ampli que je voulais copier. Pour avoir vu dans leur catalogue la façon dont étaient expliqués le montage, la façon de souder, de dénuder les fils et la qualité des schémas,  j’étais sûr de m’en sortir.
Je fis donc assaut de servilité envers ma mère pour obtenir un peu plus de sous que le maigre argent de poche qu’on m’allouait. Je profitais de tout, de courses à faire en plus, d’aides diverses à apporter, tout était bon pour que pusse acheter quelques composants.  Pendant des mois j’accumulai des composants comme une fourmi. Je pus enfin acquérir la tôlerie adéquate, gros morceau déjà. Mais pas le plus gros.
J’ai donc demandé à ma mère de garder mon argent de poche, hors services payés en sus et quand la somme aurait atteint le prix des deux composants les plus chers, elle me la restituerait. Ça devait en théorie prendre un peu plus d’un an. Je ne garderais que les « extras » pour m’accorder un peu de superflu.
Cet été là et le suivant me virent si occupé à être amoureux que je laissai tomber l’affaire pour un temps. Un brutal chagrin d’amour me ramena vers des amourettes plus légères et vers cet amplificateur. Les mois avaient finalement passé assez vite, à me livrer à un autre genre d’études...
Mon pécule était censé monter tranquillement et un jour mes économies atteignirent enfin, du moins je le crus, la somme convenue.
Ma mère arriva enfin.
- Euh… C’est aujourd’hui que j’ai le compte, maman !
Ma mère prit à ma demande un air soucieux qui m’inquiéta.
J’avais raison d’être inquiet car elle eut un sourire gêné.
- Ah, mais c’est vrai mon fils !
Elle continua lentement, l’air de rien :
- Alors, ça fait combien ?
Je le lui annonçai…
- Touuuut çaaaaa ??? !!!!
- Ben, oui maman !
- Hou la ! Mais c’est bien trop mon chéri ! Je ne peux pas te donner tout cet argent ! D’où je le prendrais ?
J’aurais dû m’en douter, je savais que ma mère répugnait à sortir ses sous, qu’elle les eût ou non. Alors les miens…
C’est là que ma confiance dans la parole des adultes s’ébrécha salement.
La sensation de cocufiage que je ressentis alors fut terrible et je lui en voulus longtemps.
Assez longtemps même pour en parler à Heure-Bleue quand nous échangeâmes nos mauvais souvenirs…
Et à vous aujourd’hui, lectrices chéries.

lundi, 16 juin 2014

Salauds de pauvres !

Vous savez quoi, lectrices chéries ?
Eh bien ce matin j’ai écouté nozélites.
Nous avons eu droit à l’inévitable « Les lycéens qui passent le bac ne pourront même pas le rater tranquillement. »
Oubliant que seuls 8% des lycéens prennent le train, selon l’ex boss de la CGT-SNCF.
Qui lui-même n’a pas pensé à dire qu’ils ne sont pas tous en terminale, ramenant à 1,14% le taux de lycéens embêtés pour passer le bac.
Puis, j’ai entendu Mr le Secrétaire d’Etat aux Transports qui m’a gravement bluffé.
Oui, ce matin, ce préposé à l’explication du non paiement des jours de grève, méthode éprouvée quand il s’agit de calmer l’ardeur revendicative de « ces privilégiés »  que sont les cheminots, s’est surpassé.
Oui, n’oublions pas qu’un banquier, un parlementaire, un ministre, un secrétaire d’État, ne bénéficie lui, que  de « quelques avantages » tandis que les cheminots, sans parler de ces salauds d’enseignants, sont eux, des « privilégiés qui « s’arcboutent sur des avantages acquis d’un autre âge. »
Ce Mr Cuvillier donc, vous disais-je a fait preuve d’une maîtrise de la langue de bois qui m’a laissé pantois.
Il réussi a esquiver les questions avec une aisance qu’on n’avait pas connue depuis que Mr Fabius avait abandonné la fonction de Premier Ministre.
J’ai particulièrement admiré ce flamboyant « Nous n’avons pas été suffisamment en situation de clarté quant à l’exposition de la réforme que tous les Français appellent de leurs vœux » en réponse à une dame qui demandait en langue pas de bois « Mais en quoi consiste cette réforme ? »
Du coup, la pique de Mr Valls contre les intermittents a manqué cruellement de « peps », a paru terne au point que j’ai cru un instant qu’il était redevenu Ministre de l’Intérieur. Ça faisait même carrément « cheap »… Il a le mouvement de menton qui passe mal à la radio.
Les deux ont néanmoins conclu tout naturellement leur intervention entièrement à côté des questions posées, alternant la menace et le sévère « Il n’est pas question de faire autrement. »
Traduit en langage normal de tous les jours, ça donnait quelque chose comme « Ah ça ! La démocratie marcherait nettement mieux si on n’était pas emmerdé par le peuple ! »
C’est du moins ce que j’en ai retiré.
J’ai aussi constaté que le tact dont ont fait preuve le gouvernement, la SNCF et la maréchaussée a comme résultat que les trains sont encore plus rares vers chez moi que la veille…

dimanche, 15 juin 2014

Le renard et la boulette…

Hier, Heure-Bleue a décidé de claquer la moitié de notre budget annuel en attractions diverses, glissades sur toile cirée, balades en barque et parties « d’attrape-nunuche » -ces bidules où vous guidez une pince pour agripper une peluche qui  glisse au dernier moment-  histoire d’occuper Merveille.
Merveille que nous avons ramenée chez elle. Merveille qui a grimpé sur mes genoux. Merveille qui m’a dit, la main devant la bouche, comme n’importe quel bavard en classe :
- Viens, je vais te montrer quelque chose…
- On ne parle pas la main devant la bouche, Merveille.
- Mais c’est parce que c’était un secret !!! A-t-elle hurlé.
Je l’ai suivie, elle s’est mise à pleurer, le super « chagrin-cinéma », elle sait qu’en victime malheureuse elle me fend le cœur, je l’ai consolée, mais à moitié seulement et nous sommes retournés voir « les autres ».
Seule Heure-Bleue, qui connaît les vrais ressorts de l’âme féminine pour vivre avec son âme depuis un moment, l’a vraiment consolée. Elle s’est contentée de lui dire « Tu verras, dans peu de temps, c’est ta sœur qui va se faire engueuler à ta place et tu seras de nouveau la reine… »
Le sourire est revenu sur le visage de Merveille, elle a repris sa place sur mes genoux et a eu un geste qui m’a rappelé son arrière-grand-père. Mon père. Merveille a mis un doigt dans son nez.
Quel rapport entre un doigt dans le nez et mon père ?
Vous savez que les relations entre mes parents étaient parfois tendues. Ma mère avait tendance à l’envolée théâtrale, elle criait même plus fort que Lara Fabian, c’est dire…
Mon père, lui, était plus, comment dire ? « Taquin-emmerdeur ». Oui, c’est ça.
Un jour que nous allions chez mes grands-parents maternels qui avaient une maison du côté de Montargis, les relations étaient un peu orageuses. Dans le compartiment du train, qui mettait bien deux heures pour parcourir le trajet « Paris-Montargis. 119 km. 2ème Classe Réd. Fam. Nomb. 75% », il y avait huit personnes, dont mes parents et moi. Ma grande sœur et mes deux petites sœurs étaient déjà chez mes grands-parents.
Nous nous sommes assis et avons attendu le départ du train. Longtemps. Enfin, longtemps pour moi. Le train a démarré et tout le monde s’est détendu quand il a atteint ce que je sais aujourd’hui être Charenton, là où il y avait un immeuble dont le flanc aveugle donnant sur les voies hurlait aux voyageurs en lettres géantes peintes sur le mur  « Halte ! Qui va là ? Saponite ! La bonne lessive ! »
C’était à ce moment que s’ouvraient les sacs, que les compartiments se mettaient à sentir le fromage et le saucisson et que les genoux se couvraient de torchons à carreaux rouge et blanc ou bleu et blanc. Même ma mère en avait. Il n’y avait pas de vin à la maison mais elle avait aussi dégotté ces torchons, cadeau publicitaire « gracieusement offert par le Vin des Rochers. Le velours de l’estomac. »
Mon père, qui n’avait pas digéré la mercuriale précédente fit preuve d’un talent remarquable pour faire honte à ma mère qui était très pointilleuse sur ce qui lui semblait être « savoir se tenir ».
Après moult « Ça va ma chérie ? », «  Tu es bien assise ? », « Tu as besoin de quelque chose ? », le tout assorti des « Mon amour » qui vont bien, histoire de montrer aux autres passagers combien ils étaient liés. Ma mère, chaque fois tombait dans le piège.
Soudain mon père s’est penché en s’écriant « Ma boulette ! »
Il s’est accroupi, a regardé partout, les autres passagers se sont enquis « Mais qu’est-ce que c’est ? »
Mon père, accroupi et préoccupé,  « une petite boule noire… »
Au bout de cinq minutes, les autres passagers, découragés, s’excusèrent de ne rien trouver.
Ma mère qui s’était aperçue trop tard du piège, était prête à ouvrir la porte, celle avec la plaquette émaillée « Danger ! Porte donnant sur la voie ! » et à y pousser mon père, bouillante de rage.
Mon père se rasseyait alors, remerciait les voyageurs et disait « tant pis, je vais en faire une autre » en faisant semblant de mettre un doigt dans son nez.
Ma mère était morte de honte.
Mon père regardait par la fenêtre.
Les autres femmes avaient un air réprobateur.
Les autres hommes faisaient semblant de rien. (je me demande aujourd'hui si mon père ne les avait pas vengés...)
J’étais le seul à rire de bon cœur…