lundi, 02 juin 2014
Aaahhh... Emilia-Celina
Une de mes lectrices chéries, Emilia-Celina, s’étonnait hier.
« Y a-t-il un coin de Paris que vous ne connaissez pas ? » demandait-elle, avec j’en suis sûr, l’air surpris de celle qui a complètement oublié qu’elle connaît son coin sur le bout du doigt.
Mais bien sûr, Emilia-Celina !
Il y a des tas de coins de Paris qu’on ne connaît pas.
Imagine un peu le nombre de rues qu’il faut pour caser près de deux millions trois cent mille Parisiennes et Parisiens !
Imagine le nombre de musées, de cinémas, de monuments qu'il faut pour qu'ils puissent oublier un moment que la vie n'est pas rose tous les jours !
Mais il y a aussi beaucoup de coins qu’on aurait aimé ne pas connaître…
Certains coins du XVIIIème, du XIXème ou du XXème, dont aujourd’hui encore on a l’impression qu’ils n’ont pas quitté les années cinquante, sont restés particulièrement riches en malfaisants et en coins peu engageants.
La rue Leibniz, inconnue d'Heure-Bleue, par exemple, a été presque totalement abattue et est devenue « présentable ».
Je l’ai connue, dans les années soixante, avant la grande vague de rénovation et de réhabilitation. J’hésitais à y passer seul. Les immeubles étaient noirs de crasse et suaient la misère. Les rares jeunes gens qu’on y croisait savaient d’un regard combien ils pouvaient tirer des nos chaussures ou de notre veste.
Les pulls « vert-bronze-modifiés-fiente-de-pigeon » concoctés par ma mère m’ont sans doute protégé d’un sort funeste…
Je me rappelle aussi un copain de lycée qui m’avait invité un jeudi. Là aussi, un blouson de velours, les manches largement élimées par des mois de récréations, m’avait évité d’être pris pour un « fils de bourge » vers le haut de la rue de Montreuil à une époque où le périph’ n’existait pas.
Si tu avais vu, Emilia-Celina, le haut de la rue de Montreuil vers 1961, tu aurais été effrayée. Tu étais alors une jeune fille et tu n’aurais jamais osé mettre les pieds dans ce coin.
Mais en dehors de ces coins infréquentables, comme sont souvent les frontières entre Paris et sa banlieue, le reste était magnifique.
Sale et noir, certes, mais magnifique.
Avant qu’André Malraux ne s’avise qu’un sérieux coup de serpillère était nécessaire, des avenues aussi célèbres que celles qui convergeaient vers l’Etoile – Oui, je sais, c’est « Charles de Gaulle » depuis 1970- voyaient leurs somptueux immeubles en pierre de taille recouverts d’une couche d’un noir d’encre.
Seule la basilique du Sacré Cœur restait immaculée. Ce n’était pas dû aux soins jaloux d’une armée de femmes de ménages mais à une particularité de la pierre utilisée.
Elle vient des carrières de Souppes-sur-Loing et de Château-Landon et a été choisie pour ses capacité autonettoyantes… Un coup de soleil ou de pluie et hop ! C’est blanc ! C’est magique !
S'il n'y avait pas eu la Commune, on aurait échappé à cette confiserie géante.
Mais elle a si bien servi, avec son jardin plein de recoins, à des générations de jeunes gens à la recherche de l'âme sœur que, bon, hein...
Bref, tout ça pour te dire, Emilia-Celina, que nous ne connaissons pas tout Paris.
J’en connais plus qu’Heure-Bleue car, gamin entouré des trois sœurs dans un appartement minuscule, la grande m’a traîné des journées entières dans les rues de Paris. J’y ai parcouru des kilomètres, le nez au vent à admirer des entrées d’immeubles, des sculptures, des monuments. A regarder et écouter des gens qui se parlent, s’embrassent, se disputent, se promènent. A visiter des musées le dimanche parce que c’était gratuit le dimanche.
Bref, j’ai appris à connaître et aimer la ville ou je suis né, mais j’ai aussi appris à éviter des arrondissements ou l’ennui suinte de tous les murs. C’est bien plus triste que les quartiers dits « louches » qu’on voit près des portes nord de Paris.
Voilà, Emilia-Celina, un peu de ce que je sais de Paris.
Je t’en dirai plus une autre fois, si tu veux.
Notamment ce qu’on peut voir du côté de la République les matins de printemps animés.
10:13 | Commentaires (9)
dimanche, 01 juin 2014
Le léopard des Batignolles...
Histoire de donner un nouvel élan à notre vie, Heure-Bleue et moi avons décidé de changer totalement notre façon d’occuper nos journées.
Alors, lectrices chéries, « vous savez quoi ? » comme disent les djeuns et les moins djeuns ?
Eh ben on est allé à Paris…
Mais on a changé. On n’est pas descendu à Saint-Lazare. On est descendu à Pont-Cardinet.
Oh, je sais… Ça ressemble à quelque chose de connu, ça vous a un air de déjà vu.
Alors que non. Enfin si. Bon, peut-être.
Nous sommes allés chercher un döner rue des Batignolles, avons joué à « Carmen et la Hurlette » sur un des bancs de la place puis, les doigts gras et le cœur léger, nous sommes partis vérifier que les choses qu’on connaissait étaient bien là, conformes à nos souvenirs.
Évidemment, Heure-Bleue est tombée à la renverse quand elle a vu la boutique de l’encadreur remplacée par une boutique de « schmattès ».
Je l’ai retenue avant qu’elle ne jetât une brique dans la vitrine de l’usurpateur de souvenirs.
Nous avons continué vers la place Villiers dont nous savons depuis des lustres qu’elle ne s’appelle plus place Villiers mais place Prosper Goubaux. Mais on s’en fout, ça fait maintenant bientôt quarante-cinq ans qu’une autre place autrement célèbre s’appelle Charles de Gaulle mais, à part les touristes étrangers, tout le monde parle de la place de l’Etoile, alors hein...
Ce n’était pas de ça que je voulais vous parler mais quasiment une vie avec « une qui parle fille » tout le temps donne une forte tendance à la digression et au « coq à l’âne »…
Ce dont je voulais vous entretenir, lectrices chéries, c’est de lumière.
Oui, parmi les choses les plus belles de ce coin de Paris, et qui ne changera pas sauf guerre nucléaire, il y a la lumière.
La lumière de cette espèce de « part de camembert » qui va de la place Pereire –je sais, elle est devenue la place du Maréchal Juin mais tout le monde s’en fout- au square des Épinettes et dont la pointe est au Jardin des Tuileries, est exceptionnelle.
Même quand le temps est gris, il n’arrive jamais à y être vraiment triste.
Quand il fait beau, la lumière du printemps illumine tout. Le ciel y est d’un bleu qu’on ne retrouvera, plus au nord, que vers le Sacré Cœur. Après, c’est fini.
Bon, vous me direz qu’éclairer la Porte de la Chapelle, une des plus moches de Paris, avec une telle lumière aurait été un gaspillage…
Mais dans ce coin du XVIIème où Heure-Bleue grappille des miettes d’enfance en protestant d’une absence totale de sensation de nostalgie, la lumière d’hier après-midi était à couper le souffle.
Alors pensez, le souffle d’un emphysémateux…
Il n’empêche que nos pas, conduits par Heure-Bleue, ont soigneusement évité de nous amener jusqu’au boulevard des Batignolles.
Le croisement de la rue de Rome et de ce boulevard offre en effet, par beau temps, une superbe vue du Sacré Cœur et du début du IXème arrondissement qui, vous le savez, est mon arrondissement préféré.
Sans doute dans le but louable de m’éviter un pincement de regret de n’y avoir pas un appartement.
Je vous dirai une autre fois toutes ces boutiques, immeubles et ruelles calmes qu’on peut parcourir quand on connaît le coin…
14:31 | Commentaires (8)