Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 08 juin 2018

Un crabe sans tambour ni trompette…

Hier, souffreteux mais plein d’allant, j’ai accompagné Heure-Bleue à la feunaque pour acheter les deux nouveaux tomes de la série qui bientôt nous agacera et que nous laisserons tomber.
Eh bien nous avons fait des économies !
Les deux bouquins ne seront disponibles que dans une semaine !
Nous avons repris le 95 pour revenir à la maison, déçus mais moins pauvres que prévu grâce à l’absence de nos bouquins…
Il faisait chaud. La lumière de mes jours fondait.
Évidemment elle me faisait fondre.
Mais pas pareil car j’aime bien avoir chaud.
Nous étions assis face à face, elle avait les yeux au soleil.
Ils étaient d’un bleu-vert magnifique.
En arrivant place de l’Europe, elle me dit « Demain on reste à la maison, on ne fait rien… »
J’ai seulement dit « Ah bon ? »
Elle a ajouté, « Oui… Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire ? »
J’ai regardé autour de moi, il n’y avait que des gens à qui la température donnait l’air renfrogné.
Comme d’habitude, quand je vois les gens faire la gueule, j’ai eu l’idée idiote de les secouer en disant à haute voix « Mais si ! On va boire et faire l’amour comme des bêtes ! »
Puis je me suis dit, à voir la mine de mes voisines, que ça allait faire scandale.
C’était d’ailleurs pour ça que j’avais eu cette idée.
J’en ai fait part à Heure-Bleue qui a souri et haussé les épaules.
De toute façon, ça m’évitait de penser à ma cousine qui est partie ad patres, tirée par un crabe qui la malmenait depuis des années.
Tenace, la bestiole...
J’en ai un peu marre de voir mourir les gens que j’aime.
Je n’ai pas voulu aller la voir au funérarium.
J’ai encore dans les yeux l’image de mon père qu’une idiote avait décidé de montrer, cercueil ouvert.
Je ne veux pas voir ma cousine à l’humour si trash et au sourire si gentil esquintée par la Faucheuse.
Je ne veux voir que son sourire quand elle racontait une monstruosité.
Oui, on se racontait des histoires de cancéreux, elle et moi...
Vous savez bien, les horreurs que se racontent les cancéreux pour oublier le crabe.
C’est pas comme les pauvres racontés par les députés, nous on savait de quoi on parlait.
On va même aller à l’église.
C’est d’autant plus étrange qu’elle ne croyait pas plus que moi en un dieu quelconque et n’était même pas chrétienne.
Pour finir la journée on l’accompagnera au crématorium du Père Lachaise.
C’est là qu’elle fumera pour la dernière fois.
Oui, elle n’avait jamais pu arrêter la clope…

mercredi, 06 juin 2018

Saint Simon le styliste…

f53e889d67183a3d775560ea4cc88d.jpg

Avant les derniers ministres de la santé, en matière de médecine, le mot « patient » n’avait pas la signification qu’il a prise aujourd’hui.
« Patient » venait du latin « Patior, passus, passum » souffrir, endurer.
Verbe qui a donné naissance à « passion » en français, ce qui prouve bien que l’amour est une entreprise hasardeuse.
Être patient est une vertu qui est de même origine, le patient est celui qui attend.
Aujourd’hui, cette acception a pris tout son sens.
Et pourquoi cette longue digression, lectrices chéries ?
Eh bien parce que mon séjour à l’hôpital  ne fut pas aussi bref qu’il eût dû l’être.
On me convoqua à sept heures et demie.
On m’annonça vers huit heures et demie que j’irai me faire étriper à onze heures.
Une dame plutôt revêche est passée prendre quelques renseignements dont elle disposait depuis trois semaines.
Elle pesta parce que le planning, si bien rangé au départ, dérivait sérieusement.
Je lui demandai alors « pourquoi ? »
« Une urgence, évidemment, pfff… ah la la… »
Je commis l’erreur de lui dire qu’on était dans un hôpital et qu’il était courant qu’on accueille des gens qui avaient besoin d’être sauvés sur le champ.
Elle s’est tournée vers moi, l’air excédé avec j’en suis sûr, l’idée de me dire « ils pourraient aller mourir ailleurs sans foutre le bordel dans mon planning ! »
C’est là que j’ai remarqué qu’elle avait de très jolis yeux bleus, le bleu de certaines fleurs, qui tire légèrement sur le mauve.
Je lui ai dit « vous avez vraiment des yeux d’une couleur magnifique ».
Elle a haussé les épaules, puis a souri et m’a dit « merci ».
Compte tenu de la vêture hospitalière ante opération, je n’ai pas pensé un instant  « Youpee ! J’ai un ticket ! »
Elle a ajouté, « vous descendrez probablement vers treize heures trente. » et est partie d’un pas plus léger.
La lumière de mes jours qui me tenait compagnie malgré l’interdiction affichée est partie déjeuner.
Je suis effectivement descendu vers treize heures trente… Pour entrer en salle d’opération à quatorze heures quarante.
On m’a endormi, avec un truc qui pue gravissime, vers quinze heures.
Je me suis réveillé comme une fleur à seize heures quarante.
Deux charmantes dames m’ont dit « houlà ! Qu’est-ce que vous avez parlé ! »
J’ai dû avoir l’air inquiet car l’une m’a dit « Ne vous inquiétez pas, rien ne sort de la salle de réveil mais je peux vous dire que vous avez aussi beaucoup demandé à manger… »
L’autre jeune femme a dit « c’est vrai ça ! » et a ajouté « Oh my God ! »
J’ai dit « Oui ? », elle a dit « Non, pas vous ! » et elle a ri.
Elle était d’origine africaine et ressemblait à une femme que j’avais vue il y a quelques années sur une affiche.
Je l’ai regardée et le lui ai dit.
- Il y avait quoi sur cette affiche ? M’a-t-elle demandé.
- Il était écrit « J’ai rêvé de Dieu ! Elle était Noire ! »
Ça lui a fait très plaisir. Il faut toujours être bien avec les gens qui ont plein de seringues et d’outils dangereux entre les mains…
En attendant, Heure-Bleue était d’une patience d’ange avec moi, ce qui ne va pas durer.
La lumière de mes jours a été épuisée par mon opération…
C’est normal, j’ai dormi alors qu’elle se faisait du mouron.

mardi, 05 juin 2018

ce matin, j'ai cent ans.

Plus exactement, je me suis réveillé cinq minutes avant la sonnerie de mon téléphone.
Comme hier soir nous ne nous sommes pas couchés plus tôt que d’habitude, une expression bien connue du côté de la zone me semble particulièrement appropriée :
« J’ai les musettes à chagrin qui m’arrivent au genoux. »
La lumière de mes jours est éteinte ou du moins tremblotante.
Telle la bougie en fin de mèche.
Nous partons bientôt pour la léproserie où je vais approfondir le trou de la Sécu avec application.
Plaignez-moi, lectrices chéries !
Ah ! Que j’aimerais entendre vos sanglots m’accompagnant vers mon lit de douleur !
Hélas ! Trois fois hélas ! Le « temps de mince » de ce matin vous voit sans doute enfouies sous des couettes.
Néanmoins, je suis éperdu de reconnaissance à votre endroit.
Tous ces souhaits de réveil alerte et triomphant me requinquent d’avance...
Merci lectrices chéries.
J’aime que vous soyez là, un jour comme psy gratos, un autre jour telles les femmes de marin.
M’encourageant, agitant vos foulards au bord du quai.
Saluant le départ pour un sommeil artificiel qui ne devrait pas excéder une heure.
Bon, à plus tard, lectrices chéries…

 

lundi, 04 juin 2018

J'étais un beau mince, je suis un maigre laid...

De rien Mab...

lakevio.jpg

A vous de jouer, avec :
éclat
farcis
musaraigne

saison
s'époumonait
retentit
machiniste
poubelle
document
distingué

Ce matin là, j’attendais le métro sans impatience. C’était un de ces matins de printemps, cette saison qui donne tout son éclat à Paris.
Je profitais pleinement du panorama que m’offrait la station Barbès-Rochechouart depuis l’extrémité qui donne sur le boulevard de Rochechouart, celle d’où je voyais déjà le magasin Tati, un peu avant que le métro ne replonge sous terre vers la station Anvers.
Assis sur ce qui avait remplacé les bancs peints en « rouge bordeaux ». Mais si ! Rappelez-vous ces petits bancs de lattes de bois qui couraient tout au long du carrelage et ne s’interrompaient qu’à un couloir ou au bout de la station.
Comme souvent quand le temps est gai, je regardais avec attention autour de moi.
Tout m’intéressait. Même la vieille dame qui pinçait le nez et la bouche de peur qu’on ne lui adresse la parole.
Je la trouvais assez drôle, de la
musaraigne elle avait tout, le profil, les mouvements nerveux et craintifs et le regard mobile.
Un moment un cri
retentit et la vieille dame bondit, effrayée par l’arrivée d’un clochard qui s’époumonait, frustré par la vacuité de la poubelle du bout du quai.
La rame est arrivée, j’ai songé un instant me lever et y monter quand je l’ai vue descendre.
Je suis resté assis et ai attendu qu’elle passe devant moi.
Ce n’est pas tant son allure qui m’y avait conduit mais l’envie de goûter ce qu’elle tenait à la main droite et regardait d’un air ravi.
Elle s’est approchée du banc, y a posé délicatement le
document qu’elle tenait de l’autre main et s’est assise à deux places de moi d’un mouvement élégant.
Quand la sonnette du
machiniste a donné le moment du départ de la rame, elle a porté à sa bouche d’un geste distingué ce qui m’apparut comme un de ces friands farcis à la viande qu’on trouvait chez le boulanger à l’entrée de la station.
Je n’ai hésité qu’une seconde.
« Excusez moi, ça a l’air si délicieux, vous voulez bien m’en céder un petit morceau ? »
Elle eut l’air surpris mais comme j’avais l’air de bonne foi, elle m’en a tendu un petit bout avec un sourire.
Je l’ai remerciée chaleureusement.
Je n’ai su son prénom que quand deux autres rames se furent arrêtées.
Cette matinée de printemps fut absolument délicieuse…

dimanche, 03 juin 2018

« C’est en sciant que Léonard devint scie » dit on en Syrie...

Ça faisait longtemps que nous n’étions pas allés déjeuner d’un « döner » chez notre Turc favori, celui qui s’avère être Syrien, mais du bord. Enfin le bord turc de la Syrie.
Comme chaque fois que nous allons traîner dans ce quartier, nous y allons, nous y déjeunons et, depuis la première fois où nous y sommes allés, nous n’y avons jamais fait un repas sans compagnie.
Il y a toujours eu à notre table un ou deux convives avec qui nous avons tenu une conversation.
Nous y avons toujours appris quelque chose d’intéressant sur des pays dont nous ne savons que peu de choses.
Hier, c’était un « Syrien de nationalité française » qui nous a raconté son Marocain de père et ses pérégrinations dans la partie Est de la seconde guerre mondiale.
Son père était né en 1919, deux ans avant le mien.
Le mien était parti vers la Tunisie, la Sicile, l’Italie et, après avoir combattu à la bataille de Monte Cassino, était remonté vers le Nord, vers la France, la Provence pour finir en Allemagne.
Le sien avait commencé un périple voisin. Il avait lui aussi participé à la bataille de Monte Cassino puis avait obliqué vers l’Est et avait fini en Syrie non sans être passé par la Lybie où il avait failli être tué en participant à la célèbre bataille d’El Alamein.
Une fois en Syrie, on lui avait proposé le choix de la nationalité, il avait opté pour la France mais était resté en Syrie jusqu’à ce qu’il se marie et vienne en France avec un fils, notre voisin de table.
Ce monsieur nous a confirmé que ce « döner » est le meilleur de Paris.
Et il semblerait qu’il les ait tous essayés…
Puis nous sommes sortis et repartis pour une longue promenade qui a changé de but dès la porte du « döner ».
Censés aller aux Halles pour y acheter des chaussures, nous avons changé de but.
Plutôt qu’aller tout droit, rue des Petites Écuries, descendre la rue du Faubourg Poissonnière, rue Poissonnière et toutes les autres, chacune étant le prolongement de la précédente jusqu’à Saint Eustache.
Je crois que ces rues changent de nom juste pour que ce soit plus pratique pour le facteur et le promeneur.
Sinon, ça ferait comme Burnside street à Portland, Oregon.
Si on la prend vers l’Est et qu’on marche tout droit, on arrive à New-York…
Nous avons donc changé de destination pour le « Bistrot Vivienne », ses boules de glace et la crème chantilly.
En passant, on a acheté des verres car je casse beaucoup, chez « Maisons du Monde ».
Puis nous avons atteint la Galerie Vivienne, en passant par « les passages ».
La verrière, magnifique, est en cours de restauration mais on a pris soin du touriste.
L’échafaudage est habillé de fleurs grimpantes et on a l’impression d’arriver sous une grande tonnelle.
Et, comme toujours, les murs de la ville sont des endroits de dialogue, sauf que c’est mieux que sur FB.
C’est la lumière de mes jours qui a vu la première ce dialogue car j’étais occupé à regarder passer une rousse en short de l’autre côté de la rue en me disant « ma cocotte, tu vas attraper un coup de soleil sur tes jambes pâles et tu vas pleurer… »
Oui, lectrices chéries, quand on papote sur un mur de Paris, ça donne ça :

20180602_144732.jpg