mardi, 09 juin 2020
Devoir de Lakevio du Goût No 42
Qui est-elle ?
Existe-t-elle ?
Que fait elle là ?
À vous de le dire lundi…
Il a sifflé comme un voyou et j’ai entendu ensuite un ton enjoué constater « Pas mal la rouquine ! »
C’est ce qu’a dit le type en passant devant ce vasistas derrière lequel je n’avais jamais vu âme qui vive.
J’ai regardé plus attentivement le vasistas où une vitre manquait, alors que le type regardait encore, intéressé.
Rien, il n’y avait rien.
Ou le type rêvait à haute voix ou il pensait à autre chose.
Nous sommes entrés ensemble dans la boucherie.
Comme d’habitude, à cette heure-ci il n’y avait que la vieille de la petite maison de ville du coin de la rue, la femme-du-boucher-caissière-chroniqueuse-du-quartier et le boucher, tourné vers son étal .
Comme toujours aussi, le type salua à haute voix et réclama, encore comme toujours, « Deux entrecôtes ! Et des bien, hein ! Des entrecôtes de deux cents grammes quoi… »
Il demandait toujours la même chose.
Tous les jours.
Plus exactement six jours sur sept car le dimanche matin il demandait « Quatre entrecôtes ! Et des bien, hein ! Des entrecôtes de deux cents grammes quoi… » parce que la boucherie était fermée le lundi.
Le type mangeait quatre cents grammes de bœuf chaque jour et ça se voyait.
Il était rougeaud au point que je me demandais s’il ne faisait pas passer ses entrecôtes avec du pastis…
Il demanda donc ses deux entrecôtes et, pendant que le boucher les lui préparait, il déclara à la cantonade « Tiens, dans la boîte plus haut, il y avait une super nana à la fenêtre ! »
Avec un petit rire graveleux, il ajouta à l’attention du boucher qui ne broncha pas « Un buste, je ne vous dis que ça… Nom de dieu ces nichons… »
La femme-du-boucher-caissière-chroniqueuse-du-quartier pâlit, hoqueta et partit vers l’arrière-boutique.
- Qu’est-ce qu’elle a ta femme ?
Demanda le type.
Le boucher ne répondit pas et se contenta de hausser les épaules.
La vieille répondit à sa place :
- C’est rien, c’est juste que depuis que l’usine a fermé il y une soixantaine d’années, la légende court…
- Quoi comme légende ?
- La femme du patron, une rousse magnifique, aurait été tuée en passant trop près d’une machine, le patron s’est suicidé, l’usine a fermé et on dit que celui qui voit la femme à la fenêtre voit sa fin prochaine.
- Pfff… des conneries tout ça !
La vieille protesta :
- Moi je dis ce qu’on m’a dit !
- J’ai jamais cru aux fantômes, je vais pas m’y mettre maintenant…
J’ai pensé « tu devrais faire gaffe parce que là, tu creuses ta tombe avec tes dents, mon gars… »
Le boucher tendit le paquet d’entrecôtes au type, annonça « dix-sept euros Lucien ! »
Comme toujours Lucien dit « Quoââ !!! » d’un air scandalisé.
Il commença à tendre la main pour attraper le paquet quand il donna l’impression d’avoir reçu un coup de bélier.
Il porta ses deux mains à la poitrine et s’effondra d’un coup.
Le boucher appela le 18.
La vieille se contenta de dire « C’était tout même pas si cher pour quatre cents grammes d’entrecôte. »
J’ai renoncé à mon steak et me suis accroupi pour commencer un massage cardiaque que je savais inutile…
09:27 | Commentaires (26)
dimanche, 07 juin 2020
Les jolies colonies de vacances…
J’ai entendu hier matin quelque chose d’étrange.
Il était question de « colonies de vacances apprenantes ».
Quoique cela veuille dire, ça allait signifier au moins une chose : Les gosses allaient partir en vacances avec l’entrain qui menait l’ouvrier qui « allait au charbon »…
Puis, une autre raison de pourrir ces « colonies de vacances apprenantes » se fit jour au fur et à mesure que le journaliste égrenait « les précautions indispensables à la sécurité » des enfants.
Ceux qui auraient la chance – deux cent cinquante mille enfants tout de même- de « profiter » de ces « vacances » se trouveraient masqués, leurs moniteurs itou.
Les repas les verraient soumis à la « distanciation sociale », comme si elle n’existait pas dans leur monde habituel.
Ces pauvres enfants, eux que l’on envoyait autrefois « en colo » pour soulager leurs parents et leur apprendre que les vrais arbres n’ont pas de grilles de fonte autour du tronc, pour leur apprendre aussi que les relations sociales doivent être empreintes de solidarité, de camaraderie et de bien d’autres choses allaient déchanter sous peu.
À écouter ce chantre de l’hygiénisme, je me suis dit soudain que le premier baiser de ceux qui auraient normalement dû avoir la chance de le voler allait avoir un drôle de goût…
D’un seul coup, ça m’a gâché leurs vacances.
Pauvres gosses…
Non seulement ils ont raté l’école mais en plus on leur aura pourri l’école buissonnière…
PS :
Nous partons chez les enfants et nous ne reviendrons que lundi soir.
Ergo, je vous lirai seulement mardi...
08:01 | Commentaires (10)
samedi, 06 juin 2020
Exit...
Lectrices chéries ! Vous souvenez-vous de Léontine ?
Mais si… La dame charmante qui habitait au-dessus de chez nous quand nous habitions près du Père Lachaise, juste de l’autre côté du « Mur des Confédérés ».
Eh bien, au début du mois d’avril j’avais tenté de l’appeler dans sa maison de retraite pour lui souhaiter son anniversaire.
Léontine semblait tenir le coup.
Léontine, l’amatrice de champagne, celle qu’on allait voir, qu’on emmenait au café boire « son petit demi du dimanche ».
Léontine, qu’on raccompagnait chez elle, nous faisait entrer et nous offrait un « coupette de champagne », son péché mignon et qui finissait, de « coupette » en « coupette » avec un sévère coup dans le nez.
Léontine est née en 1925 et semblait oubliée par le temps.
Elle avait commencé à avoir peur de sortir après qu’on l’eut opérée d’un genou.
Elle avait mal au genou et sortait boire une bière avec son amie ou bien avec nous qui l’emmenions au café « siroter un petit demi ».
Rentrée de l’hôpital, ce fut fini, elle s’étiola, tomba et finit à l’hôpital.
Où, vu l’exigüité du placard où on l’avait collée elle ne put que rechuter.
Sa fille finit par la placer dans une maison de retraite.
J’ai donc appelé, vous ai-je dit, Léontine avril pour lui souhaiter son anniversaire.
La maison de retraite ne répondit pas plus que le studio de Léontine.
Elle mettait quelques minutes à me reconnaître mais y parvient toujours.
En fait elle ne perd pas la mémoire, elle est seulement « dure de la feuille »…
Heure-Bleue remarque que Léontine a toujours plus facilement reconnu les hommes que les femmes…
Cela dit, Léontine était la seule vieille plante que je connaisse qu’on ait pu changer de pot sans qu’elle meure en quelques mois.
Inquiet tout de même, nous avons cherché Léontine.
Puis j’ai fini par appeler la fille de Léontine.
Léontine est morte peu après son quatre-vingt-quinzième anniversaire.
Léontine fut victime d’un effet collatéral du coronavirus.
Elle n’est pas morte d’une maladie pulmonaire.
Ni d’une maladie physiologique quelconque – increvable vous dis-je-…
Léontine est morte d’une maladie de l’âme.
Léontine est morte de chagrin.
Les « gestes barrière » ont eu la peau de Léontine.
Elle est morte de ne plus voir sa fille qui venait régulièrement.
Dès qu’un confinement sévère fut mis en place pour « protéger » les pensionnaires des maisons de retraite, ils se sont mis à éviter le Covid-19 pour mourir de « syndrome de glissement ».
Avouez que « syndrome de glissement » ça vous a une autre gueule que « mourir de chagrin »…
Ce que je me rappellerai de Léontine, c’est sont regard malicieux quand elle me demanda d’écrire une lettre à ses voisins du dessus au câlin expansif, et son faux air de « chien battu » quand elle tendait sa flûte pour « allez, une dernière petite coupette »…
07:46 | Commentaires (10)
vendredi, 05 juin 2020
42ème devoir de Lakevio du Goût
10:17 | Commentaires (5)
jeudi, 04 juin 2020
Les « chaussures de sept lieux »
Un jour, il y a longtemps…
Enfin, le 4 mai, après beaucoup d’hésitations de « Procrastinette » comme j’appelle parfois la lumière de mes jours, j’ai pris la décision de commander ces chaussures dont elle me parlait depuis des jours.
- Minou ?
- Hmmm ?
- Qu’en penses-tu ? Elles semblent confortables.
De fait, on eut dit des « chaussons de sortie » et d’une souplesse que j’eusse aimée dans le caractère de la lumière de mes jours…
Les atermoiements durèrent ainsi plusieurs jours au point qu’un matin, j’ai acheté « en ligne » ces chaussures.
Le 4 mai dans l’après-midi.
Lesdites chaussures, censément en provenance de la perfide Albion, car je n’hésite pas à user d’un cliché quand l’occasion se présente, furent payées sur le champ et devaient arriver quarante-huit heures après dans notre boîte aux lettres.
Du moins celle réservée au « courrier volumineux ».
Le 5 mai au matin, la banque m’avisa que le paiement avait été prélevé.
Sachant que l’état du compte auquel j’ai accès est celui de la veille à minuit, je me suis dit « Mazette ! Ils doivent payer les chaussures « au cul du camion » pour débiter si vite ! »
Le 6 mai, point de chaussures.
Le 8 mai, férié, pas de courrier et pas plus de chaussures.
Le 10 mai, j’écrivis au marchand pour lui faire part de ma surprise.
Il me raconta en un français approximatif que les chaussures souffraient du coronavirus et que ça influait sur le délai de livraison.
Le 13 mai, un poulet me parvint comportant un lien menant à un transporteur qui m’informerait de l’état d’avancement de la livraison.
Ledit lien m’avisa que les chaussures de ma bien-aimée venaient d’arriver à l’aéroport où elles partiraient pour la France.
Je m’aperçus alors que ces chaussures avaient des vertus inconnues même de l’inventeur des « bottes de sept lieues ».
Elles avaient ramené le marchand avant 1997.
Ces chaussures venant censément d’Angleterre arrivaient de… Hong-Kong, terre britannique jusqu’en 1997.
À pied sans doute car les semaines passèrent sans plus de nouvelles.
Jusqu’hier après-midi.
Nous apprîmes avec stupeur que faute d’une boîte au lettres « aux normes » les chaussures seraient disponibles au bureau de La Poste de l’avenue dès aujourd’hui.
Il a fait un temps magnifique pendant les mois du confinement.
Évidemment, le jour où on doit aller à la Poste, il pleut…
Il fait frais, et ça plaît à la lumière de mes jours.
Alors c’est bien aussi…
10:47 | Commentaires (13)