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samedi, 06 juin 2020

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Lectrices chéries ! Vous souvenez-vous de Léontine ?
Mais si… La dame charmante qui habitait au-dessus de chez nous quand nous habitions près du Père Lachaise, juste de l’autre côté du « Mur des Confédérés ».
Eh bien, au début du mois d’avril j’avais tenté de l’appeler dans sa maison de retraite pour lui souhaiter son anniversaire.
Léontine semblait tenir le coup.
Léontine, l’amatrice de champagne, celle qu’on allait voir, qu’on emmenait au café boire « son petit demi du dimanche ».
Léontine, qu’on raccompagnait chez elle, nous faisait entrer et nous offrait un « coupette de champagne », son péché mignon et qui finissait, de « coupette » en « coupette » avec un sévère coup dans le nez.
Léontine est née en 1925 et semblait oubliée par le temps.
Elle avait commencé à avoir peur de sortir après qu’on l’eut opérée d’un genou.
Elle avait mal au genou et sortait boire une bière avec son amie ou bien avec nous qui  l’emmenions au café « siroter un petit demi ».
Rentrée de l’hôpital, ce fut fini, elle s’étiola, tomba et finit à l’hôpital.
Où, vu l’exigüité  du placard où on l’avait collée elle ne put que rechuter.
Sa fille finit par la placer dans une maison de retraite.
J’ai donc appelé, vous ai-je dit, Léontine avril pour lui souhaiter son anniversaire.
La maison de retraite ne répondit pas plus que le studio de Léontine.
Elle mettait quelques minutes à me reconnaître mais y parvient toujours.
En fait elle ne perd pas la mémoire, elle est seulement « dure de la feuille »…
Heure-Bleue remarque que Léontine a toujours plus facilement reconnu les hommes que les femmes…
Cela dit, Léontine était la seule vieille plante que je connaisse qu’on ait pu changer de pot sans qu’elle meure en quelques mois.
Inquiet tout de même, nous avons cherché Léontine.
Puis j’ai fini par appeler la fille de Léontine.
Léontine est morte peu après son quatre-vingt-quinzième anniversaire.
Léontine fut victime d’un effet collatéral du coronavirus.
Elle n’est pas morte d’une maladie pulmonaire.
Ni d’une maladie physiologique quelconque – increvable vous dis-je-…
Léontine est morte d’une maladie de l’âme.
Léontine est morte de chagrin.
Les « gestes barrière » ont eu la peau de Léontine.
Elle est morte de ne plus voir sa fille qui venait régulièrement.
Dès qu’un confinement sévère fut mis en place pour « protéger » les pensionnaires des maisons de retraite, ils se sont mis à éviter le Covid-19 pour mourir de « syndrome de glissement ».
Avouez que « syndrome de glissement » ça vous a une autre gueule que « mourir de chagrin »…
Ce que je me rappellerai de Léontine, c’est sont regard malicieux quand elle me demanda d’écrire une lettre à ses voisins du dessus au câlin expansif, et son faux air de « chien battu » quand elle tendait sa flûte pour « allez, une dernière petite coupette »…

Commentaires

Nous mourrons bien plus de l"hygiénisme" imposé que de virus et bactérie.
Évitons le fameux glissement, la conscience de la c"..rie" ambiante devrais nous y aider un peu.
Bon repos à Léontine, avec elle des coupettes salvatrices...

Écrit par : mume | samedi, 06 juin 2020

Merveilleuse Léontine qui aimait la vie. Ceux qui ne savent pas ce qui fait vivre, l'ont achevée (mais 95 ans quand même).

Écrit par : Nina | samedi, 06 juin 2020

Bien sûr, la fermeture des portes des maisons de retraite n'a pas arrangé les choses. Mais il ne faut pas tout mettre sur les barrières imposées.
Ceux qui fréquentent ces établissements - et je l'ai fait plusieurs années pour ma maman et je continue à le faire aujourd'hui pour apporter un peu de chaleur, de l'évasion avec la lecture, de la présence enfin - savent bien que beaucoup parmi les pensionnaires n'ont jamais de visites, corona ou pas.
Tu racontes bien Léontine, Le Goût. Je lève une coupe virtuelle à son éternité.

Écrit par : Yvanne | samedi, 06 juin 2020

C'est vrai, Léontine, oui, je m'en rappelle..C'est sympath d'avoir trinqué avec elle quand elle avait soif. Je penserai à elle ce soir en buvant mon apéro du samedi…
syndrome de glissement….tu parles, quand donc on appellera t-on un chat un chat ! Ca me fait penser à mon oncle "enfermé" juste avant le confinement généralisé. Ma cousine, depuis 8 jours a le droit d'aller le voir, mais, attention, pas plus de 2. La 2e fois, elle y va, il avait viré toutes les photos d'une étagère. Il n'a pas su dire à ma cousine pourquoi il avait fait ça..Qui dit qu'il ne pensait pas retourner chez lui à Choisy ! Il avait aussi égaré tout son dossier médical et a atterri aux urgences, car, depuis 6 mois, plus sa piqûre mensuelle. Je crois que beaucoup de vieux en maison de retraite seront morts indirectement du Corona, par négligence, parce que leurs familles n'auront pu voir les toubibs. Il ne sait pas que son ami, le journaliste-écrivain est décédé. Léontine était plus jeune de 2 ans que mon oncle..Jouait-elle à la belote, car, sûr qu'elle retrouverait dans l'ailleurs pas mal de joueurs ?

Écrit par : julie | samedi, 06 juin 2020

« Syndrome de glissement » ils nous font marrer avec leur terminologie…
elle est morte, simplement, parce qu'elle avait 95 ans, et c'est déjà pas si mal. Ma belle-mère s'est arrêtée à 92 (ou 93 ?) Elle a glissé dans rien du tout. L'aide-soignante venait de lui apporter son courrier une heure avant. Quand elle est repassée, ma chère belle-mère était morte. Elle n'avait même pas ouvert les lettres. Sa fille, celle que je lui ai piquée, passait la voir tous les deux jours. Et voilà ! Ah ! C'est vrai, elle avait une mauvaise bronchite depuis une semaine. Une preuve de plus que la vie est une maladie mortelle.
Il n'empêche, ton billet est très émouvant. Vous avez certainement été très importants pour cette dame qui aimait le champagne. Elle avait bon goût.

Écrit par : alainx | samedi, 06 juin 2020

Ce sont des beaux souvenirs que tu auras de Léontine.
On peut dire tout ce qu'on veut, mais avoir privé tous "ces résidents d'Ehpad" de visites est une maltraitance, et même si leur destin est, comme celui de tout à chacun, de mourir, que ce soit dans la solitude est très triste !

Écrit par : Fabie | samedi, 06 juin 2020

tu vas pas me croire mais dernièrement je m'étais promis de vous demander de ses nouvelles. En vrai je voulais savoir si elle était encore vivante.... je me souviens bien quand vous parliez d'elle et de son champagne... vous avez été des amis fidèles.

Écrit par : emiliacelina | samedi, 06 juin 2020

et sans doute que dans sa maison de retraite on lui interdisait le demi et les coupettes... car comme disait Paul Scarron en fin de vie "Et moy, qui n’ay plus rien de bon que la machoire"...
Bref.
c'est un bel hommage, ce portrait

Écrit par : Adrienne | samedi, 06 juin 2020

Je finis de lire ton texte avec la vue complètement brouillée...
Oui ok elle avait 95 ans et c'est pas mal d'arriver à cet âge-là mais finir dans la solitude c'est horrible. Dans les EHPAD les gens étaient "voués" à mourir de ce virus mais au moins qu'ils meurent en tenant une main aimée :-(

Écrit par : Praline | samedi, 06 juin 2020

beaucoup sont morts de chagrin coupés de leurs proches par des réglements imbéciles.

Écrit par : ang/col | dimanche, 07 juin 2020

Les commentaires sont fermés.