dimanche, 28 janvier 2024
Les ans chers...
Le XVIIIème est quand même un quartier chouette.
Très chouette.
On y lit des choses gentilles sur les murs...
Heure-Bleue qui n’a pas un « caractère regretteur » l’a avoué hier :
« Mais qu’on a été bête ! On aurait dû rester là… »
Et c’est vrai.
Nous avons pris le 84 et changé à « Haussmann-Miromesnil » pour le 80 qui nous a amenés rue Caulaincourt.
Nous l’avons remontée lentement, la trouvant toujours aussi chouette.
Heure-Bleue depuis 2016, année où nous avions habité le ,quartier, moi depuis ma petite enfance.
Nous conversions de choses et d’autres quand, passant devant cette petite place où aboutit la rue Saint Vincent, ça m’est revenu.
Le prénom de celle à qui je dus dans mon adolescence une veste monumentale.
Elle s’appelait Odile, était évidemment belle comme le jour.
Hélas elle n’était pas du même avis à mon endroit.
Mes tentatives furent vaines et nous réussîmes une chose exceptionnelle.
Nous séparer sans jamais avoir été « en couple » comme disent les ados du XXIème siècle.
Nous étions dans notre génération beaucoup plus sérieux parce que quand même « être amoureux » c’est autrement sérieux que « être en couple ».
Le malheur de l’adolescence ayant la caractéristique d’être volatile, surtout à nos âges de maintenant nous avons été rapidement été ramenés à des centres d’intérêt moins « rêvassiers ».
Notamment ce fromager qui propose des « Mont d’Or » à a truffe absolument délicieux.
Plus loin, ce traiteur à la vitrine aussi attirante qu’Apollon ou Aphrodite selon ses inclinations, proposait des choses qui expliquaient très bien pourquoi la gourmandise est un péché capital.
Nous avons continué nos pérégrinations, traversant la rue Lamarck, la rue des Saules.
Nous nous sommes arrêtés dans un café où régnait une effervescence terrible tant il était plein.
C’était chouette comme un bistrot des années soixante, agité, animé, trop chauffé pour l’une et parfait pour l’autre.
Nous sommes repartis d’un pas lent, arrêtés un moment sur un banc du cimetière Saint Vincent où les jonquilles commençaient à fleurir et la lavande à parfumer l’allée où reposaient Marcel Aymé et Michou.
J’ai été surpris de me souvenir d’Harry Baur dans « Les misérables », film de 1934 vu un jeudi chez mes fondus du bon dieu, ce qui en dit long sur le modernisme de l’institution…
Nous avons continué à descendre la rue vers la place Clichy et avons pris le 80 jusqu’à Saint Augustin puis le 84 jusque chez nous…
Ce fut une super chouette promenade.
La flemme l’a emporté sur l’envie, nous avons conclu que nous n’étions pas à plaindre et que se lancer dans un nouveau déménagement n’était pas l’idée du siècle.
Il était beaucoup moins fatigant et bien moins cher de prendre deux bus pour aller rêvasser à Montmartre que déménager à nouveau…
11:08 | Commentaires (3)
vendredi, 26 janvier 2024
La race des seniors est en voie d’extinction…
Aujourd’hui, je n’ai pas l’âme à chercher un devoir.
Il fait, ce matin du moins, un temps à se jeter dans la Seine.
Et sans bouée…
Nous avons passé une nuit pas gaie, ce qui donne évidemment un réveil assez triste.
Le temps et les évènements sans doute.
Nous avons constaté que les rangs s’éclaircissent autour de nous.
Après Mab, exit ma cousine préférée.
Puis exit « Mme de B. ».
« Au fait ! Qu’est devenue celle-ci ? » me suis-je demandé en pensant à une jeune fille qui m’a beaucoup aidé dans mes « études du genre d’en face ».
J’ai cherché sur le Web.
Elle est retournée ad patres en 2010.
Elle était née en 1951.
Je me la rappelle bien quand elle avait quinze ou seize ans.
Un crabe sans doute est venu gâter sa peau pâle…
Une autre m’est revenue à l’esprit, sans doute parce qu’elle aussi avait de grands yeux bleus une peau claire et un joli sourire.
C’est celle dont mon père avait dit « Elle est mignonne… » et avait ajouté « Mais elle est fichue comme une église... »
Devant mon air sceptique il avait conclu « Ben oui, elle a les saints à l’intérieur », en réfléchissant un instant j'avais opté pour « seins »…
Alors j’ai là aussi cherché sur le Web.
Elle aussi est partie voir les fleurs par en dessous en 2017.
Elle aussi était née en 1951.
Je n’ose pas regarder si celle dont je suis sûr qu’elle était vivante en 2012 car j'en avais parlé sur le blog en juillet de cette année là, est toujours de ce monde.
Et je vois qu’elle est morte le 3 Janvier 2022…
Je n’en ai pas cherché d’autres…
Malgré de nombreuses tentatives d’appel, je reste sans nouvelles d’un ami, M. que j’ai connu au mois de novembre 1973.
Nous nous rendions régulièrement visite jusqu’au mois de septembre 2021.
Depuis, tous les appels sont restés sans réponse.
Il avait des problèmes de tuyauterie, comme il arrive quand on abuse de la picole et de la clope.
Un autre dont M. et moi nous demandions il y a trois ans ce qu’il est devenu a malencontreusement croisé l’Ankou.
C’était un Breton marié avec une très belle Italienne et père d’un fils.
Son fils est tout ce j’en ai retrouvé, ce fils dont je me rappelle qu’il allait à la maternelle et y avait appris :
« Mon bon Guillaume, as-tu bien déjeuné ?
Mais oui Madame, j’ai mangé du pâté.
Du pâté d’alouette, Guillaume Guillaumette. »
Une autre, proche, semble assez mal partie.
Alors j’arrête avant que vous demandiez sérieusement « Mais au fait, Le Goût est-il vraiment vivant ou a-t-il laissé à une « IA Generative » le soin d’éditer régulièrement un texte sous son nom ? »
Franchement, avoir l’impression de finir la semaine à l’IML du quai de la Rapée me fout le moral dans les chaussettes…
Heureusement Heure-Bleue me maintient la tête hors de l’eau...
17:00 | Commentaires (8)
jeudi, 25 janvier 2024
La palme dort...
Il faisait beau.
Comme souvent quand la météo nous promet un temps pourri, c’est sous un soleil tiède et une température agréable que nous sommes allés attendre le bus pour aller chez le médecin.
Nous avons attendu vingt minutes un bus qui quelques années plus tôt arrivait dans les cinq à sept minutes.
Le trajet fut chaotique tant les travaux dont le but nous échappe empêchaient la circulation.
Pour la millième fois depuis que nous nous sommes mariés à la mairie du IIIème arrondissement, nous sommes passés par le square du Temple.
Le temps était printanier.
Nous venions de boire un café au « Café de la Mairie » et sommes entrés dans ce square que je connais depuis 1966.
C’est là que nous avons constaté que le printemps était déjà à l’œuvre.
Les « merdouniers du Japon », ces fleurs jaunes dont je ne me rappelle jamais le nom, avaient éclos en foule dans les buissons nombreux du square.
Mieux encore, la pelouse qui entoure la mare était devenue le « coin de drague » des canards.
J’en ai saisi un en train de jeter une œil appréciateur sur une cane qui évidemment faisait semblant de l’ignorer mais balançait son « empennage arrière » de façon suggestive, appréciant l’intérêt du colvert qui la matait effrontément.
Non mais regardez ce canard !
Bref, la marche habituelle du monde reprenait, avec un bon mois d’avance.
Nous nous sommes arrêtés au Monop’ de la République, à la station Temple pour y acheter quelques vivres et une lampe de poche.
Ce fut l’occasion d’un accrochage avec la lumière de mes jours.
Elle voulait une lampe de poche pour pallier les aléas de la minuterie de l’escalier du médecin.
Quoique que peu sensible à l’aspect poétique de la nostalgie, elle jeta son dévolu sur une lampe telle celles des années cinquante, épaisse, large, et qui en aucun cas ne pouvaient entrer dans son sac à main.
J’ai opté pour un format « torche », long et mince qui se glisserait aisément dans le sac à main.
Je me suis fait disputer, traiter de dictateur, elle alla jusqu’à me dire « je l’aurai mise dans ma poche.
Elle oubliait évidemment que, la connaissant depuis plus d’un demi-siècle, la poche dans laquelle elle mettrait la lampe ne serait pas dans le vêtement qu’elle aurait mis.
Que de toute façon, la lampe serait probablement restée posée à côté de son ordinateur, comme son téléphone qui reste souvent à la maison.
Bref, elle fit la tête jusqu’à ce que le spectacle du boulevard nous occupe et nous permettent converser de nouveau.
Mais quand même, ces canards me semblent plus fiables que Météo France.
10:41 | Commentaires (3)
mercredi, 24 janvier 2024
Une vie d’ange.
Hier matin, nous avons entendu à la radio l’interview du mari de Clémentine Vergnaud.
Cette jeune journaliste emportée à vingt-et-un ans par cancer des voies biliaires.
Ce pauvre homme avait la voix nouée et se retenait pour ne pas pleurer à l’antenne.
Nous l’écoutions, bouleversés par la détresse de ce garçon qui est resté aux côté de sa femme jusqu’à son dernier souffle.
Hier soir, nous parlions de la douleur de la perte d’un être cher.
Heure-Bleue a rappelé ce pauvre garçon au bord des larmes au micro de France Inter.
Nous nous sommes demandé dans quel état nous serions si un tel malheur nous frappait.
J’ai tenté de la rassurer.
Pas très adroitement je dois avouer, je lui ai dit « N’aie pas peur, ma Mine, je te pleurerai longtemps… »
Bilan, elle m’a traité de « couillon »…
Elle aurait pu me demander, le regard un peu inquiet « Tu m’aimeras quand même ? »
Alors, tel Orlando à Rosalinde » j’aurais pris sa main et répondu « L’éternité plus un jour. »
Ce qui aurait quand même eu une autre gueule, non ?
Mais non, ce « Pfff... Couillon... » a tué un instant qui eût pu être inoubliable.
Mais où est passé le romantisme, ce trait de caractère majeur de la lumière de mes jours qui la rend si sentimentale par moment ?
09:14 | Commentaires (8)
lundi, 22 janvier 2024
Devoir de Lakevio du Goût No 183
Hopper ne rime manifestement pas avec « hoper »…
Je suppose que vous en étiez déjà aperçus.
Indécis ce matin, je vous propose de choisir entre ces deux œuvres, celle qui illustre le mieux l’idée que vous vous faites de la solitude.
Dites la solitude.
Comme tout le monde vous en avez connu les heurs, heureux ou malheureux j’en suis sûr.
À lundi…
Je me suis accoudé au comptoir à côté d’elle.
Elle semblait seule et désabusée, contemplant ses ongles vernis comme si elle venait de faire leur connaissance.
Elle n’avait pas encore touché sa tasse de café.
Moi non plus, pas plus joyeux qu’elle.
C’est ça ! Nous n’étions pas joyeux !
Pour elle je ne sais pas mais j’avais quant à moi mille raisons de traîner mon vague à l’âme.
Ce n’était pas une question de fortune, non.
Plutôt une question de « bonne fortune », le genre de bonne fortune qui met fin à un célibat devenu pesant.
Les seules voix que j’entendais après une journée de travail inintéressant dans un bureau où je travaillais seul étaient celles de la radio de la cuisine le matin avant de partir et celle de la télévision le soir pendant que je dînais.
La seule personne face à mon assiette était celle qui racontait des inepties sur l’écran.
Je n’ai pas même fini mon assiette, laissant plus de la moitié d’une pizza à la pâte ramollie.
Je me suis levé, poussé par une envie irrépressible de voir de « vraies gens », des gens qui parlent, qui sont vivants, qui ne me donnent pas l’impression d’être coincé sur une île déserte animée par la télévision ou la radio.
Le bar à l’angle de la rue, deux « blocks » plus loin était éclairé.
J’y suis entré et ai immédiatement été attiré par la chevelure de la seule femme du bar.
Elle semblait s’ennuyer autant que moi.
J’ai regardé devant elle et ai dit au barman « Moi aussi un café s’il vous plaît. »
Elle s’est tournée vers moi, j’ai incliné la tête et levé brièvement mon feutre en guise de salut.
Elle a incliné les yeux, accueillant poliment mon salut et acceptant de facto que je lui adresse la parole.
Ça m’était resté, ces façons « homme du monde » malgré les revers de fortune qui m’avaient coûté mon couple et mes avoirs…
Après quelques minutes de conversation plus chuchotée que parlée, nous avons échangé un regard qui disait clairement que nous étions d’accord pour faire disparaître un moment cette désastreuse sensation de solitude qui nous habitait.
Il fallait évidemment y mettre encore un moment les formes, histoire de n’être pas que des bêtes cherchant le réconfort dans un lit.
Au dernier moment, allongée sur mon lit, elle s’est ravisée.
Il était à la fois trop tôt et trop trad.
Ce qui protégeait sa vertu avait été trop vite éloigné pour qu’en perde une miette.
Elle s’est retournée en disant « Non… Non… Pas maintenant, pas aujourd’hui… Ne m’en veux pas, je n’ai pas la tête à ça. »
Plus désolé que frustré je suis resté assis sur le lit pendant qu’elle se tournait, priant sûrement que je n’abuse pas de la situation.
Je n’en ai pas abusé, nous étions simplement aussi seuls, elle moi, que lorsque que je suis entré dans le bar.
Nous étions seuls, encore seuls, mais dans la même pièce.
Mais à quoi rêvions nous ?
À nos âges nous savions pourtant qu’un moment dans un lit peut être agréable mais ne vainc pas la solitude, la vraie.
J’ai posé le bouquin que j’avais ouvert quand elle s’est tournée, aussi désespéré que quand j’avais abandonné mon reste de pizza...
11:57 | Commentaires (20)