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mardi, 29 novembre 2016

Monsieur Seuillet.

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C’est cette histoire de guerre d’Algérie qui m’a rappelé Monsieur Seuillet.
Alors, lectrices chéries, je vais vous raconter une histoire dont vous n'avez rien à cirer mais tant pis.
Un dimanche, Monsieur Seuillet est venu déjeuner à la maison.
Je me rappelle Monsieur Seuillet comme un monsieur très gentil, avec des lunettes et une toute petite bouche toute serrée.
Il voulait avoir l’air sérieux sûrement…
Ce dimanche là, on a dû tout ranger, même le tiroir de la table de « la grande pièce », sortir le range-couverts, défaire le tiroir pour en retirer des miettes.
Pas une seule capsule, un seul bouchon et de petites clefs à sardines.
Le bouchon devait être celui de « la » bouteille de vin que ma mère achetait pour y ajouter du sucre et une petite fiole de Quintonine et qui durerait toute l’année.
Je ne sais pas pourquoi Monsieur Seuillet venait déjeuner, peut-être parce que mon père devait travailler avec lui.
Ma mère tournait et virait, ne sachant par quoi commencer, distribuant une taloche de temps en temps, appliquant sans le savoir un célèbre proverbe arabe.
C’est vrai, c’était important, on allait devoir tirer les rallonges de la table et mettre dessus la grande nappe blanche.
Il allait même y avoir une bouteille de vin sur la table.
Cette histoire de vin avait mal commencé par :
- Lemmy, tu veux bien aller acheter le vin ?
- Je n’y connais rien en vin, qu’est-ce que je prends ?
- Enfin, Lemmy, tu viens d’un coin où on fait du vin !
- Ma poule, si je ramène du vin d’Algérie, on va tous être saouls comme des Polonais !
- Euh… Tu n’as qu’à prendre une bouteille de « Champlure ».
C’était le vin de cérémonie à la maison.
Mon père est descendu chercher le vin.
En costume. Oui mon père était en costume !
Un costume dont ma mère avait repassé le pantalon à la « patte-mouille » et qui sentait encore vaguement l’ammoniaque qu’elle utilisait pour donner « un coup de jeune » au tissu.
Ma mère a pris la grande nappe avec ma grande sœur et pendant qu’elle la tendait sur la table, elle nous a tous regardé et a rugi « rrhhouuu !!! Le premier qui fait une tache sur la nappe… Je le… Je le… Je le… »
J’ai cru comprendre que si je faisais une tache elle me tuait.
Oui, parce que les taches, dans la famille, c’est plutôt moi…
Après, on a mis la table.
Ma grande sœur a mis les « belles assiettes », celles qui étaient toutes pareilles avec un motif géométrique bleu-marine sur le fond blanc de l’assiette.
Ça nous changeait des assiettes de tous les jours pas toutes pareilles sauf les assiettes creuses qui étaient vaguement blanches.
Nous on a juste mis les fourchettes et ma mère a mis les couteaux.
Pour les verres, on attendrait que Monsieur Seuillet arrive, des fois que.
Ma mère est partie s’habiller dans la chambre, elle a mis une robe bleu-marine, peut-être pour aller avec les assiettes.
On a entendu du bruit dans les escaliers puis on a frappé à la porte.
C’est moi qui suis allé ouvrir.
Il y avait mon père avec une bouteille de vin enveloppée dans du papier de soie et un monsieur et une dame.
La dame était coiffée avec plein de boucles et le monsieur avait un costume.
Tout neuf, le costume, j’en suis sûr.
On nous a fait asseoir à nos places pendant que ma mère plaçait les verres.
Et là, j’ai eu la surprise de ma vie : Mon père s’est mis à table en costume.
Il a même gardé sa veste.
Tout au long du repas, ma mère l’a surveillé.
Pas pour le vin, pour les taches…