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lundi, 07 décembre 2020

Devoir de Lakevio du Goût N° 60

devoir de Lakevio du Goût_60 .jpg

D’après vous, que font cette tasse et ce sac, abandonnés là, comme si la hâte avait saisi sa propriétaire ?
Vous aurez bien une idée d’ici lundi, non ?
Cette toile d’Adeline Goldminc-Tronzo devrait vous inspirer.

Je ne sais même plus sous quel prétexte la dispute avait commencé.
Sans doute ce confinement qui commençait à nous peser.
Des mois de réclusion avec quelques sorties chichement autorisées.
J’en avais marre et elle aussi...
J’ai pris ma veste et claqué la porte, bien décidé à ne pas revenir.
« C’est ça ! Va-t-en ! » Avait-elle crié derrière la porte.
J’ai tergiversé devant l’ascenseur.
J’ai appuyé sur le bouton d’appel.
Évidemment il n’a pas clignoté pour signaler son arrivée alors j’ai emprunté l’escalier et suis descendu du pas du môme puni.
Évidemment je suis allé vers l’avenue en traînant.
Je crois même avoir traîné les pieds, une chose qui m’aurait valu une taloche quand j’étais gamin.
Repensant à cette dispute, incapable de me rappeler de quoi elle était née, j’ai erré sur une avenue quasiment vide.
C’est probablement une de ces disputes nées d’un de ces détails qui les causaient depuis toujours.
Une porte d’armoire mal refermée, une porte laissée ouverte, une goutte de dentifrice sur le miroir de la salle de bains, bref, une vétille.
Non qu’elle fût maniaque, simplement je n’accordais pas comme elle l’attention désirée à ce qu’elle considérait comme important.
Nous avions donc entamé une de ces engueulades qui se transformaient en un spectacle qu’on eût pu monter à la Fenice…
Je me suis arrêté au kiosque, ai acheté un  journal et me suis assis sur un banc, faute de bistrot à l’horizon.
J’aurais volontiers bu un café en tentant de lire ce journal dans lequel je n’ai rien trouvé d’intéressant.
Quelle idée aussi d’acheter « Le Point » quand on est un lecteur du « Nouvel Obs »…
J’ai évidemment trouvé que le monde avait un goût détestable, comme chaque fois qu’on se disputait.
Je ne voyais plus mon magazine ouvert sur mes genoux.
Je me suis levé et ai commencé à marcher tristement le long de l’avenue.
Un rayon de bonne humeur m’a soudain éclairé le cœur alors j’ai cessé de traîner les pieds le temps de me demander ce qui m’avait sorti de la morosité.
J’ai avancé encore de quelques pas et l’odeur marquée de gardénia m’a attrapé par le nez.
J’ai regardé la vitrine.
Un flacon dont la forme élégante m’a rappelé la délicatesse des siennes m’a semblé parfait.
Et le nom comme le parfum lui-même s’accordaient si bien à elle…
J’allais entrer quand la dame m’a dit « Restez dehors s’il vous plaît, Monsieur. »
Je me suis arrêté, interdit, et l’ai regardée.
« Oui, dites-moi ce que vous voulez et je vous l’apporterai volontiers. ».
Je lui ai seulement montré le flacon dans la vitrine.
Elle a souri, fait un paquet cadeau pour le parfum et je suis reparti d’un pas léger avec mon petit sac à la main.
Arrivé à la maison, j’ai vu son sac-à-main sur la petite desserte.
Un soupir de soulagement m’a vidé la poitrine et j’ai posé le petit sac à côté du sien.
Je me suis demandé « Mais où est-elle ? »
Elle a toussoté.
J’ai sursauté.
Elle était là.
Derrière moi.
Je me suis retourné, elle avait l’air faussement pincé.
Je lui ai dit :
« Je t’ai trouvé « Cabochard de Grès », tu m’en as si souvent parlé… »
Elle eut du mal à contenir son sourire.
Je me suis penché vers elle.
Elle m’a embrassé légèrement les lèvres.
C’était super bien, on a rajeuni de l’âme d’un seul coup.
Je déteste être fâché avec elle…
Heureusement, elle ne semble pas aimer beaucoup être fâchée avec moi.
Alors je me suis dit que finalement, être enfermé avec elle n’est pas si mal…