jeudi, 17 mai 2018
Où je mets l'ancolie ?
De rien Mab...
Il y a peu, deux semaines tout de même, la radio du matin était plutôt pauvre alors j’ai allumé mon PC et survolé les nouvelles du jour qui défilent sur mon navigateur dès que je l’ouvre.
Que lis-je ?
« Nord : Inquiétude après la disparition d’une jeune fille. »
« Pauvre petite » dis-je avant de cliquer pour en savoir plus.
J’apprends alors que la jeune fille est une adolescente de treize ans.
- Elle est comment ? A demandé Heure-Bleue.
- Elle s’appelle Angélique, mesure un mètre cinquante-trois, elle est mince, elle a les yeux bleus et les cheveux longs.
- C’est tout à fait à ton goût !
- Tu te rends compte, elle s’appelle Angélique !
- Et alors !
Et c’est à ce moment que m’est revenu un épisode de la brève période, environ six mois, que j’ai passée hors de Paris, le temps que ma mère retrouve un appartement à Paris.
- Alors j’ai connu une Angélique !
Je mâchonnais à cette époque un chagrin d’amour dû au déménagement de l’élue sous d’autre cieux, traînée par des parents indifférents et manifestement peu soucieux de notre bonheur, les salauds…
Bref, mes sœurs et moi nous atterrîmes dans ce nouvel immeuble d’une avenue triste comme un jour sans vin et longue comme un jour sans pain.
Dans les années soixante, la règle commune était que les garçons poursuivissent les filles, plus exactement essayassent de les intéresser et comptaient scrupuleusement les râteaux qu’ils ramassaient bien plus souvent qu’ils ne récoltaient des pelles.
Néanmoins, ce long entraînement à la gamelle sentimentale ne nous conduisait pas à insulter celles qui refusaient d’aussi beaux cadeaux que nous.
Il ne nous serait pas venu à l’idée de les traiter de « sales putes » ou pire.
Peut-être de « pimbêches » mais pas plus et in petto…
Ce bref séjour nous vit vivre, mes petites sœurs et moi d’autres aventures mais celle-ci m’a frappé.
C’était une des très rares fois de ma vie que je fus poursuivi par une fille.
Elle s’appelait Angélique.
Elle était jeune, environ seize ans, blonde, les yeux bleus, mince et pour tout dire assez jolie.
Hélas, elle ne me plaisait pas.
Mais alors pas du tout.
Ce n’est qu’un peu plus tard que je m’aperçus que je n’aimais ni sa voix, plutôt aiguë, ni surtout son accent grasseyant.
Elle habitait l’immeuble, au bout du couloir et je suis sûr maintenant qu’elle surveillait mes entrées et sorties car elle se précipitait sur moi dès que j’atteignais l’ascenseur.
Une fois elle est même rentrée dans l’appartement sans y être invitée et a semblé gênée par la présence de ma sœur cadette.
Jusqu’à ce que nous repartions à Paris, ce fut ainsi.
Pendant six mois je fus poursuivi.
Eh bien je dois vous dire que « ça fait drôle » et ce n’est pas si agréable que je l’aurais pensé.
Avec le recul de l’âge, je me dis que même les garçons étaient dans l’ensemble assez bégueules même si nous avions tendance à penser avec autre chose que notre cervelle.
10:30 | Commentaires (7)
mardi, 15 mai 2018
Même si mon air nie...
Hier, Heure-Bleue m’a accompagné à l’hôpital.
J’ai eu confirmation d’une chose que je n’ai pas le droit de lui faire remarquer mais que je peux vérifier chaque fois qu’il est question d’horaire.
Cette fois-ci, je l’ai laissée mener l’affaire.
- Minou, il faut partir à quelle heure pour être à l’heure là-bas ?
- Grmblblmbl… Grève, pluie… Hhmmm… Je dirais neuf heures et demie.
- Neuf-heures et quart, Minou, c’est bien.
- OK ma Mine…
Le temps passe…
- Il va falloir y aller, ma Mine, sera neuf heures et quart sous peu.
- Bon, le temps de mettre mes chaussures, de prendre mes affaires, de faire pipi et on y va.
Neuf heures vingt-cinq…
- Il pleut, il faut que je mette d’autres chaussures, où elles sont Minou ?
J’amène les chaussures.
- Ah ! Il faut que je mette des chaussettes avec sinon je les perds…
- Bon, il va falloir y aller…
- Ah Non ! Ne commence pas ! Sinon tu y vas tout seul !
Bref, on est parti à neuf heures et demie sous la pluie…
Le bus nous a attendus, le chauffeur était patient et bien disposé.
Nous sommes arrivés à l’heure prévue.
J’ai appris plein de choses ce matin là.
D’abord, du chirurgien qui va m’étriper.
En relisant mes antécédents, il m’a affirmé que j’étais « un accident statistique », ça ne m’a pas traumatisé outre mesure parce que c’est ce que me dit la lumière de mes jours depuis toujours mais en d’autres termes…
J’ai aussi constaté une fois de plus qu’il suffit de très peu pour que les gens se mettent à parler.
Il m’a fallu répondre à quatre femmes et un homme hier matin.
Et il m’a, une fois de plus, suffi de poser une question anodine ou de faire une remarque tout aussi anodine pour que j’ai l’impression d’avoir ouvert des vannes chez ces cinq personnes qui se sont mises à me raconter des choses qui n’avaient rien à voir avec la médecine ou l’administration.
Des choses sur les familles, les baies vitrées des appartements, les enfants des voisins du dessus, les rues où elles habitaient, ce qu’elles aimaient faire en dehors du travail ou l’association et la famille dont il faisait partie, y compris les personnages hauts en couleur de leur entourage.
J’ai trouvé ça étonnant, comme chaque fois, même si Heure-Bleue a trouvé parfois que je mettais bien longtemps pour sortir du bureau de telle ou tel autre.
Je n’ai pas perdu mon temps et la lumière de mes jours non plus qui a appris des tas de choses sur ses « voisins de chaise » dans les deux salles d’attente.
Non, les gens ne sont pas renfermés, je pense seulement qu’on ne leur prête pas assez attention et que c’est pour ça qu’ils se réfugient dans l’écran de leur smartphone.
Ce fut une journée prodigieusement intéressante.
Vraiment, les gens, c’est passionnant…
En attendant, on va me trifouiller le cinq Juin pour réduire une hernie.
Et sans couture s’il vous plaît !
Car maintenant, même le jeune chirurgien sait qu’une reprise ne sert à rien car ça va se déchirer juste à côté de la reprise…
12:08 | Commentaires (14)
lundi, 14 mai 2018
Un seul instant...
Depuis le temps que j’attendais le moment où elle aurait besoin de moi.
J’étais près d’elle sans qu’elle pensât à me demander « mais qu’est-ce que tu veux ? »
Pas une rebuffade à l’horizon.
Pas un soupir agacé le second mot à peine prononcé.
Pas un mouvement de la main comme pour chasser un moucheron passant devant son visage.
Pas une seule remarque acrimonieuse.
Simplement plus agréable que je ne l’avais jamais connue.
Surtout avec moi.
J’aurais préféré quelque chose de plus héroïque.
Quelque chose qui après le soulagement d’avoir échappé à un sort funeste l’aurait poussée à se jeter dans mes bras.
Mais bon, c’était mieux que rien.
Et puis, je l’avais bien aidée quand même !
J’avais bien tenté de la soulever en la prenant par la taille pour qu’elle pût attraper les branches de lilas dont cet avril était prodigue.
J’avais sans doute présumé de mon charme car dès que j’eus avancé les mains vers elle, elle m’avait jeté un regard qui disait clairement « N’y pense même pas ! »
J’ai donc sauté pour attraper la branche et la baisser suffisamment pour qu’elle choisît les rameaux qui lui plaisaient le plus.
Elle a ri quand elle m’a donné une tape sur la main et que j’ai relâché la branche qui a envoyé mes lunettes sur le chemin.
J’ai aimé son rire.
J’ai aimé ses yeux bleus qui me regardaient gentiment.
J’ai aimé quand elle s’est penchée sur le porte-bagage pour attacher le bouquet.
J’ai aimé quand elle s’est assise sur la selle de son vélo.
J’ai aimé quand elle a crié « Oh non ! Pas maintenant ! »
J’ai aimé, même si j’ai eu quelque inquiétude, quand son vélo a eu un trajet erratique.
J’ai aimé quand elle a dit « Aide moi ! »
Nous nous sommes arrêtés, elle m’a tendu le guidon de son vélo en disant « je crois que le pneu avant est crevé… Tu peux faire quelque chose ? »
Elle m’a dit ça si gentiment, avec juste ce qu’il faut de supplication dans la voix et le regard pour que je ne puisse me dérober.
J’ai démonté la roue avant, ai trouvé le petit clou qui trouait la chambre à air, me suis sali les doigts en mettant la « dissolution » qui collerait la rustine.
Pendant que j’étais à genoux, le visage à hauteur des plus belles hanches que j’aie jamais vues, il me vint une idée.
J’allais tenter un truc qui pourrait marcher, je connaissais quelqu’un pour qui ça avait marché.
Alors, le dernier tour de la « vis papillon » donné, j’ai levé les yeux vers elle et ai commencé :
« C’est qu’un matin d’avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s’assit muet à tes genoux ! »
Elle m’a regardé bizarrement, a haussé les épaules et m’a dit « T’as oublié de regonfler la roue ! »
Bon si j’avais moins chevroté, ça aurait peut-être marché...
07:45 | Commentaires (14)
samedi, 12 mai 2018
Aurore aux doigts de rose...
Je l’ai vaguement entendue quand elle s’est levée.
Je ne peux pas dire qu’elle m’ait réveillé, non, seulement que j’ai senti qu’elle n’était plus à mon côté.
C’est la sensation d’être seul dans le lit qui m’a sorti un peu plus du sommeil.
Puis elle est revenue, je l’ai sentie quand elle s’est allongée.
D’abord contre moi et, comme d’habitude, j’ai posé par réflexe ma main sur son épaule.
Elle a soufflé et s’est éloignée.
Elle a dû brutalement avoir trop chaud.
Du fond de ma somnolence j’ai su qu’elle a eu trop chaud un instant.
J’ai suivi son mouvement mais elle était déjà trop loin, j’ai seulement senti la couette se caler entre elle et moi.
Rien que sentir sa chaleur contre moi au travers de la couette m’a suffi, je me suis rendormi profondément.
Il suffit finalement de très peu de chose pour se sentir bien.
Ça a sur moi toujours le même effet depuis 1971.
Non, pas que celui-là, pas celui de Booz, pfff…
L’autre.
Celui qui fait que je me réveille parfois avec un torticolis mais toujours avec l’idée de passer une bonne journée.
Le réveil qui fait que vous êtes « heureux d’être au monde et de voir clair » comme dit la sagesse populaire qui est parfois sage.
Alors je me lève et prépare son petit déjeuner.
C’est le moins que je puisse faire pour la lumière de mes jours, non ?
09:06 | Commentaires (9)
vendredi, 11 mai 2018
Klingsor, phare si pâle...
De rien Mab, mais là il te faudra chercher...
Que je vous dise, lectrices chéries.
Quand j’ai écrit « j’aime pas la mer » dans le dernier devoir de Lakevio, je vous mentais.
J’ai honte mais je vous ai menti, effrontément certes, mais menti.
J’aime la mer.
Non, pas la mer, j’aime l’océan.
Quelques vacances passées au bord de la Méditerranée ne m’avaient pas déplu mais c’est plus grâce à la présence de la lumière de mes jours que celle de la mer.
Je n’aime pas la mer sans marées.
Ça ne sent pas la mer.
Ça souvent plus le pastis et les « chouchous », voire plus encore « Ambre solaire ».
Bref, ça ne me plaît pas trop.
Puis quelques années sur la promenade dite « ha tayelet » de Tel-Aviv m’en ont définitivement guéri.
Se plonger dans l’eau de la Méditerranée entre Lattaquié en Syrie et Ashkelon tout contre Gaza, eh bien non, ce n’est pas entrer dans l’Histoire.
C’est mettre le pied dans une baignoire tièdasse, voire chaude, où des millions de personnes ont trempé avant vous.
Exit donc la Méditerranée qui était sûrement plus intéressante et propre quand Ulysse s’y baladait et prenait largement son temps avant d’aller retrouver Pénélope.
La mer que j’aime, la vraie, celle qui bouge et qui abrite encore pour quelque temps des bouquets et des homards, c’est l’océan, l’Atlantique.
Même le Pacifique le long duquel j’ai traîné mes guêtres au cours de ma vie aventureuse de travailleur, me plaît moins.
Même s’il réserve de sacrées surprises du côté gauche, celui de l’Asie Asie Asie, vieux pays merveilleux des contes de nourrice où dort la fantaisie comme une impératrice en sa forêt toute emplie de mystère.
Sacré Klingsor, va !
Pour en revenir à l’Atlantique, ça c’est une mer qui me plaît.
Une mer qui sent la mer, une mer qui te sort de ta sieste d’une vague majestueuse mais hélas glacée quand tu t’es endormi sur un rivage finalement assez traître.
Une mer où, quand tu fais l’andouille sur un brise-lame rendu glissant par les algues, tu te retrouves dans la flotte froide tout habillé.
Pire, que ta moitié te regarde, ne te prévient pas et ricane férocement quand tu sors de l’eau trempé et que tu ressembles à un chat mouillé avec des fringues qui te gèlent et te collent à la peau.
À part ça, j’aime l’océan pour son nuancier particulièrement riche, du bleu parfois turquoise au presque noir quand les tempêtes se lèvent.
À la palette de parfums qui va de l’iode aux parfums de Lorient, célèbre pour des quais qui sentent un poisson qui ne passerait pas les contrôles de la DGCCRF mais parfument fortement le coin.
Et puis c’est beau, surtout quand ce sont des rochers qui protègent de petites anses dans lesquelles vous vous allongez sans que quiconque sache que vous êtes là.
Vous vous endormez peinard, au soleil, au calme.
Et vous êtes réveillé par la marée qui heureusement ne douche que le coup de soleil sur la peau de la lumière de vos jours normalement si pâle et là si rouge…
Mais si, j’aime la mer.
C’est bien.
14:12 | Commentaires (8)