dimanche, 03 novembre 2013
Le grand sommeil...
Aujourd’hui, c’est psy chez vous, lectrices chéries.
Vous rappelez-vous votre Goût adoré, traîné par un Frère sadique dans un hangar plein de plumards ?
Ça y est ? Vous vous souvenez de ce dortoir dont je vous ai parlé il y a peu ?
Revenons-y.
Imaginez une pièce immense, dans laquelle tenait une quarantaine de lits de fer. Dans le coin près de la porte, une alcôve délimitée par un rideau blanc servait de chambre pour la nuit au Frère chargé le jour de nous enseigner. C’est à ce moment que j’appris que le Frère chargé de la classe dans laquelle j’arrivais passerait ses jours et ses nuits avec ses élèves. Les élèves garderaient leur lit d’année en année tandis que l’occupant de l’alcôve changerait chaque année. Mon « linger-préfet-de-police » m’amena à un lit dont la place me plut immédiatement. Le lit était devant une fenêtre, placé à environ un mètre du mur, je supputais déjà qu’allongé dessus, je verrai le ciel et la ramure, aujourd’hui dénudée par l’automne, d’un arbre dont j’apprendrai plus tard que c’était un acacia. Le Frère me dit de faire mon lit.
Une chose que je n’avais jamais faite. Je le lui dis. Il leva les yeux au ciel et se mit à me montrer comment- faire. Il le fit impeccablement. J’étais ravi. Hélas, il se mit en tête de le défaire et jeta tout par terre sauf le matelas. « A votre tour, monsieur, on est ici pour apprendre, pas pour être servi ! »
Je me mis à tenter de faire mon lit, la leçon fut dure, voire féroce. Je dus m’y reprendre au moins à cinq fois avant que le Frère tortionnaire reconnaisse que mon lit était « bien au carré ».
Après coup, je me dis qu’il avait bien fait et avait peut-être été plus patient avec moi qui étais le plus jeune qu’avec d’autres. J’aurais souvent l’occasion de le remercier intérieurement en voyant certains de mes « codétenus » recevoir une gifle et obligés de refaire leur lit plusieurs fois. A cette époque barbare, la gifle, les coups de règle sur le bout des doigts, le tirage des petits cheveux sur les tempes, les heures à genoux étaient considérés comme des compléments éducatifs acceptables et il était recommandé de ne pas s’en plaindre auprès de nos parents sinon ça donnait droit à une réédition de la scène mais à la maison…
Mon lit fait, mon guide m’amena dans la classe qui devait m’héberger pour l’année en cours.
Devant la porte de la classe, il frappa et entra. Le « Frère-maître d’école » se tut, tous les élèves se levèrent et psalmodièrent « Bonjour mon Père ».
Le Frère-Préfet me présenta au Frère-Maître qui à son tour se tourna vers la classe en annonçant « Voici votre nouveau camarade, monsieur S. que je vous demande d’accueillir sans vos habituelles méchancetés ».
Je vis des « camarades » tordre le nez, quelques uns me regarder avec curiosité et certains, que je jugeais aussitôt dangereux, avoir un sourire carnassier et je pressentais un accueil plutôt tendu. Je ne m’étais guère battu qu’avec mes sœurs, même avec la grande qui me dominait de deux têtes et une fois à la « grande école ». Cette première « vraie bagarre » m’avait permis de faire connaissance avec le concept de « raclée » mais je ne m’étais jamais battu avec une bande de fauves.
Mon avenir s’annonçait donc des plus sombres dès la prochaine récré…
06:40 | Commentaires (5)
samedi, 02 novembre 2013
Le jardin extraordinaire.
Non, je ne vous raconterai pas –du moins aujourd’hui- comment j’ai connu le square Saint-Lambert.
Je vous parlerai plutôt d’un autre jardin dont je suis sûr que vous le connaissez mal.
Je vais vous parler du jardin des Tuileries.
Oh, bien sûr, vous y êtes allées, lectrices chéries.
Vous l’avez même vu souventes fois à la télévision ou au cinéma.
Vous avez même probablement pesté en faisant la queue en plein soleil ou sous la pluie pour aller voir « Les nymphéas » à l’Orangerie ou autre chose à la galerie du Jeu de Paume.
Vous avez râlé en arpentant en plein été ces allées poussiéreuses qui salissaient vos escarpins.
Mais qu’en connaissez-vous vraiment, de ces Tuileries ?
Avez-vous arpenté ces petits chemins qui permettent de passer de l’Allée de Diane à l’Allée de Castiglione ?
Avez-vous repéré ces bassins, quelques uns perpétuellement vides où quelques chaises, perpétuellement vides elles aussi, vous appellent ?
Avez-vous vu ces coins inconnus des passants ou vous pouvez remuer vos souvenirs, assis, dans un silence troublé seulement par le bruissement du vent dans les feuilles ?
Et certains de ces bassins, aux abords peu fréquentés où ce sera l’écoulement de l’eau qui vous charmera ?
Ces recoins qui vous amènent à rêver, tranquillement assis à l’abri des regards ?
Ces endroits calmes, où l’on n’entend rien des bruits de l’allée centrale, pas plus que le ronronnement de la circulation sur le quai, protégé que l’on est par la Terrasse du Bord de l’Eau ?
Ces abris qui n'attendent que vous ?
Si, si, vous verrez ! Je vous assure !
Essayez donc d’y faire un tour. Là on peut vraiment flâner.
Même vivre un moment une nouvelle version des « rêveries d’un promeneur solitaire » (ouais, bon...).
Essayez, je vous l’assure, lectrices chéries, vous verrez les Tuileries sous un jour différent de celui auquel vous êtes habituées, cet aspect des Tuileries où « le bruit et la fureur » (encore ? ! ) vous semblent la marque de ce jardin.
Evidemment, si vous y avez des souvenirs, vous constaterez qu’ils y seront encore plus vivaces...
Ne vous y laissez pas trop prendre tout de même.
Sinon vous y passeriez votre vie et vous oublieriez qu’il y a, j’en suis sûr, des tas d’autres jardins où vous pourriez rêver d’autres rêves, revivre d’autres souvenirs, entendre d’autres soupirs.
Alors sortez en, dînez tranquillement et allez demain en voir un autre...
10:09 | Commentaires (4)
vendredi, 01 novembre 2013
Le Jardin des Délices
Je viens de lire une note de Seringat qui m’a beaucoup plu.
Vos notes, évidemment me plaisent toutes, lectrices chéries, mais celle de Seringat m’a poussé à réfléchir.
Ce qui est une performance en soi.
Elle est allée voir la FIAC.
La FIAC ne m’a jamais branché, je suis un flâneur, un « pignocheur » comme disait ma grand-mère quand elle parlait de quelqu’un qui picorait dans son assiette quand le plat lui semblait sans goût mais dont certains morceaux exerçaient néanmoins la convoitise.
Un peu comme ceux qui aiment la « peau du lait » mais détestent boire le lait, vous voyez ?
Seringat parle du jardin des Tuileries avec le talent du vrai flâneur.
Seringat donc, m’a poussé à me demander ce qui me plaisait, quand, et pourquoi dans les jardins et squares, grands ou petits, qui parsèment la ville.
Quand je dis « la ville » il s’agit bien sûr de Paris.
D’autres endroits revendiquent le droit d’être « la ville » mais aucun, que ce soit Rome, Venise, Berlin, Londres, New-York, Los Angeles, Hong-Kong, Genève, Tel-Aviv, Jérusalem, Copenhague, Bruxelles, Amsterdam, Madrid, Barcelone ou Detroit, n’est à mon sens « la ville ».
Et ne me cherchez pas d’histoires, « la ville » c’est Paris. Point.
Et pourtant, je vous dis que moi, moi-même personnellement, je connais même Souppes, Les Laumes-Alesia et Cepoy, sans parler de « Bourron-Marlotte-Grez », alors, hein...
Pour en revenir à mon propos, qui peut vous paraître assez fumeux à cause d’une tendance marquée à la digression, je voulais vous entretenir des jardins de Paris qui me plaisent, que j’aime, qui même m’émeuvent pour certains.
Et des saisons qui font qu’ils me plaisent, que je les aime ou qu’ils m’émeuvent.
J’aime certains jardins. Ne me demandez pas pourquoi, comment voulez-vous que je vous dise pourquoi, lectrices chéries ?
Vous savez pourquoi vous aimez votre moitié, vous ? Je ne sais pas, quant à moi pourquoi j’aime la mienne. Je me dis parfois que si on se pose la question, pire, si on y répond, c’est que c’est râpé...
J’aime beaucoup les Tuileries en hiver par exemple. Je n’y passe plus très souvent mais j’aime.
Le square Nadar au printemps, mais là, j’y ai beaucoup de souvenirs, de mes rares « séchages » de cours à mes nombreuses tentatives de nouer des relations plus ou moins diplomatiques.
Le Luxembourg en été, principalement pour ses concerts.
Le Jardin des Plantes en toutes saisons.
Mais là, ce jardin, c’est toute une partie de ma vie, que dis-je, depuis l’enfance jusqu’aujourd’hui, alors, lui cumule. Il me plaît, je l’aime et il m’émeut.
Quelle que soit la saison, que j’y sois seul, avec Heure-Bleue ou avec tout seul.
D’ailleurs je n’y suis, comme aux Tuileries, au Luxembourg ou au square Nadar, jamais seul.
J’y suis avec une armée de souvenirs.
Certains agréables, d’autres moins, d'autres plus encore.
Mais tous sont là.
10:59 | Commentaires (9)
jeudi, 31 octobre 2013
De la coupe aux lèvres...
Hier, nous sommes allés voir Léontine à la clinique.
Elle a de nouveau un poignet cassé.
Celui qui tient la coupe de champagne.
Terminé pour l’instant, le champagne. Nous avons acheté du raisin, du muscat.
Je lui ai donné la becquée, elle ne peut pas manger seule...
Et il faut bien qu'elle mange. Elle ne mange plus, trop mauvais, trop cuit, trop froid, trop chaud.
Bref, pas bon du tout...
Elle a la mémoire qui flanche, elle ne se souvient plus très bien.
De quelle couleur étaient ses yeux, étaient-ils verts ou bleu, mais de rien, Mab, de rien...
Après avoir passé un petit bout d’après-midi avec elle, nous sommes partis.
Et là, nous avons eu la surprise de la journée.
Dehors, près de la clinique, une librairie.
Nous sommes entrés, avons salué, avons regardé les livres, Heure-Bleue en a choisi deux. Je regardais autre chose.
Comme d'habitude.
Nous nous sommes approché de la caisse.
Heure-Bleue a dit « Avez-vous « le schmatt doudou » ? » puis a ajouté « nous venons d’aller voir une vielle dame... »
« Alors nous venons en voir de jeunes... » Ai-je dit à mon tour.
La conversation s’est alors engagée.
Elle a d’abord porté sur le collège face à la librairie.
Le jeune homme de la librairie a dit « Ah ? Vous le connaissez ? »
Je lui ai alors raconté une anecdote sur le sujet.
A la fin, j’ai dit « Franchement, j’ai une tête à connaître le Coran ? D’un Arabe ? »
Il a lâché tout de suite « Oui ! » puis, gêné « Euh... Non... Pas vraiment... »
La conversation a alors dérivé vers le dur métier de libraire.
Heure-Bleue a dit « Pffiouu... Il y avait une librairie plus bas dans la rue il y a une quinzaine d’années... »
Et là, ce fut la surprise. La libraire, jeune la libraire :
- Cette librairie là ? J’en entends encore parler ! Ils ne l’ont pas oubliée, j’en ai entendu parler de façon dithyrambique !
Heure-Bleue, un peu fière quand même :
- Je ne l’ai même pas vendue, j’ai juste rendu les clefs.
- Ils disent que vous étiez une très très bonne libraire.
J’ai mis mon grain de sel, évidemment.
- J’aurais préféré qu’ils soient de très bons clients...
Je ne vous parlerai pas de la libraire.
Je ne suis pas sûr qu’Heure-Bleue l’ait vue.
Moi si...
Mais bon...
06:35 | Commentaires (11)
mardi, 29 octobre 2013
La mère est agitée...
Aujourd’hui, lectrices chéries, c’est séance de psy chez vous.
J’en veux encore à ma mère de m’avoir abandonné chez ces fondus de Frères.
C’était à coup sûr « pour mon bien ». J’eus aimé qu’elle se souciât plus de mon bien-être que de mon bien.
Mais, pour être honnête, je dois avouer qu’après mon passage chez ces cinglés, j’étais devenu un garçon plutôt « bien élevé » et s’il m’arrivait de dire « merde » c’était au maximum trois fois dans l’année.
Et ce fut comme ça jusqu’à mon entrée –tardive- dans la vie active.
Ce séjour chez les fous commença dès le départ de ma mère, me laissant couvert de honte après cette affaire de blouse bleue. Je suivis le Frère « économe-linger-préfet de police » en portant à deux mains cette petite valise épouvantablement lourde – oui, ma mère faisait de ces valises qui, pour petites qu’elles fussent, vous allongeaient un bras de dix centimètres comme de le dire- jusqu’à la lingerie où il ouvrit la valise, en sortit un pyjama, un gant, une serviette de toilette et un savon qu’il me tendit.
Il prit ensuite sur une étagère une paire de draps et une couverture marronnasse qu’il me jeta sans ménagement. Il m’amena ensuite, toujours d’un pas vif, là où les élèves devaient faire leur toilette le matin. J’eus un mouvement de recul. Ça ressemblait à l’endroit où on donnait à boire aux animaux dans une ferme. Je le savais car ma grand-mère maternelle m’avait emmené à la ferme chercher du lait, c’est là que j’avais vu un abreuvoir.
Voilà où je ferais ma toilette chaque matin, dans un abreuvoir géant ! C’était un long couloir, éclairé par des fenêtres haut placées donnant sur l’extérieur, sous lesquelles était placé un long « abreuvoir » où des prises d’eau étaient disposées à intervalle régulier.
Sur le mur opposé, donnant sur le couloir que je venais d’emprunter, il y avait plusieurs rangées de casiers, dont l’écartement était celui des prises d’eau. Je parle de rangées mais représentez-vous plutôt de longues, très longues étagères dont l’écartement était maintenu constant par des planchettes équidistantes de façon à faire office de casiers. C’est dans un de ces casiers qu’on me fit mettre mes affaires de toilette. Seuls deux radiateurs en fonte placés aux extrémités du couloir en assuraient le chauffage. Avec la chance qui semblait me poursuivre depuis mon arrivée à la « grande école », le casier qui me fut assigné se trouvait quasiment au milieu du couloir. Je m’apprêtai donc à mourir de froid dès le lever…
Tandis que je posai avec un peu de soin, croyant que ça allait plaire, mes affaires dans le casier, le Frère s’impatienta et jeta d’un ton cinglant « Il va vous falloir apprendre à ne pas lambiner, monsieur ! ». Ce séjour s’annonçait déjà sous les meilleurs auspices.
Je suivis mon mentor au pas de charge jusqu’à une pièce dont je n’aurais jamais soupçonné l’existence : Un dortoir.
J’eus le premier grand choc de ma vie, si l’on excepte ma naissance et les yeux de Malika.
Mais vous en saurez plus demain...
21:43 | Commentaires (6)

